Mise à l'épreuve d'un trio prometteur

L’ivresse de l’altitude… Mon plus beau sentiment de liberté. Je sais que je ne gouterai jamais meilleurs moments que ceux passés entre ciel et terre, loin de tout, proche du vide du dessus des nuages…
J’ai déjà tenté de les dépasser, tenté de gagner les étoiles… Avant que je ne perde connaissance, je croyais déjà être mort. Lorsque mes paupière s’étaient fermées, j’avais enfin arrêté de pensé à toutes ces chaines entravant le moindre de mes gestes… La mort de ma sœur, l’abandon d’Écho, tous mes compagnons morts à Malburn que j’aurais dû mieux protéger, toutes ces vies que j’enlève chaque jour pour me libérer de cette haine que je voue au monde entier,…
Mes paupières lentement se ferment alors que mes voiles nous portent toujours au-dessus de nos problèmes… Mais cette fois-ci, je n’arriverai pas à m’échapper comme cela. Ma gorge se serre sans que mon collier n’y soit pour rien. Non. Ce n’est pas le pendentif de ma sœur que shalyn imrime sur ma peau qui veut que je revienne. Ce n’est pas non plus le chant d’une flute de pan au loin ni même les cris d’agonis de mortels en bas,… C’est une corde bien pire que je n’avais pas vu m’enlacer…

Mes ailes battent une dernière fois, plus fort, comme désespérées. Mais elles sont déjà lasses. Ma tête de bouc émet un râle puissant et court, comme un dernier souffle et nous basculons sur le côté.

Je sens à peine les poids accrochés à mon cou. Je les aurai presque oubliés s’il n’y avait pas eu cette douce odeur de cheveux mélangé à la laine, celle du béret que je lui avais acheté.

*Shalyne… Land… oner…*

Et mes vrais yeux s’ouvrent.
Sa tête est entre mes seins et je vois ses cheveux s’énerver dans une danse folle devant mes pupilles bleutées.
Le sol apparait dans mon champ de vision. Nous tombons les têtes les premières. Les toits se rapprochent tellement vite. Comment éviter la chute ? Je vais bientôt détailler les ardoises…
Et puis elle pousse un petit cri à moins que je ne l’eus rêvé… Oui… Peut-être que j’ai tellement souhaité pouvoir lui devoir notre survie que j’ai cru qu’elle m’appelait à l’aide…

Petite Yorka… Comment aurais-je pu désirer te manger. Moi qui ne souhaite que pouvoir te sauver. La tête plaque à nouveau les cornes contre ma colonne et alors qu’une lumière froide s’allume doucement dans mes pupilles mammaires, mes ailes se tendent à nouveau.

Le vent nous agresse. Il veut faire plier mes ailes. Mais un démon jamais ne ploie. Devant rien !
Les yeux du bouc s’ouvrent et mes bras enserrent mes protégés. Les voilures de plumes se tendent dans mon dos avant de fouetter l’air plus rapidement que jamais. Je sens mes muscles manquer de se déchirer et le vide tenter de m’arracher les Landoners.
Personne ne me les prendra. Un démon ne cède rien !

Mes sabots effleurent le pavé alors que je bats à nouveau des ailes avec force, nous propulsant vers l’aigle.
Encore un effort. Il est là ; juste là. Il les protègera lui ; mieux que moi. Je ne suis pas un loup de meute… Je ne suis bien que seul. Je ne suis bien que dans la peine de ma solitude.

Je manque d’air et j’entends Shane tousser, comme étouffé. Mes grandes oreilles saignent pour être redescendu trop vite et pour être arrivé trop faible. Toutes ces plaies qui laissent couler mon sang. Combien de ces flèches m’ont-elles transpercé les ailes et les membres ?

L’une de mes ailes se pétrifie avec le manque d’oxygène. Je suis assassin. Un bon assassin doit savoir tuer. Et je sais que je vais mourir d’un poison.
J’ai perdu l’équilibre que j’avais sur l’air. Mon corps part en vrille et c’est sur le dos que je m’étalle, les bras et mon aile encore valide enserrant avec tendresse les petits.
La barbiche du bouc se mêle à la crinière rosée de la gamine. Personne n’ose bouger parmi les hommes de mon homologue. Ils ont peur de moi d’habitude. Comment parviendrait-il à approcher ma véritable apparence ?

Je délivre mes prisonniers de mon cocon de chair et de plume, le bouc toussotant de plus en plus, le souffle court.
Shane n’a été qu’éraflé. Ce n’est qu’un Terran mais il survivra. Moi je baigne dans le venin du serpent. Et je sais enfin quoi faire.
Je repousse doucement les enfants. Sous Shalyn que je sens se redresser, mes paupières se referment, reprenant la forme de mamelons ordinaires. Je me relève en demandant l’aide d’Aliore, le seul qui puisse comprendre cette forme.

Appuyé sur l’autre conseiller, je suis content qu’il soit ici. Il me repousse de part sa prétention mais m’attire tout autant. Est-ce simplement à cause de notre race commune ?

Ma main glacée et blafarde vient caresser le bord de son menton, mes griffes acérés ne lui faisant aucun mal.
Je les lui confis. J’ai la réponse à la question du serpent. Je suis un démon. Je n’appartiens à personne.

Mes pattes se déplient une nouvelle fois et m’envoie encore un instant dans les airs ; un dernier instant fouetté par le vent de la liberté.

Je suis un assassin qui sait garder en vie…

Je m’écrase au sol ; en Terran dévêtu de vêtements
À quatre pattes aux pieds du duc, le démon ploie. La corde qu’il a autour du cou, c’est le démon qui la noué et qui donna l’autre extrémité à celui debout. Un démon ne cède rien… Sauf à lui…

J’ai le souffle coupé par le poison et la chute. Mes plaies saignent et celle de mes ailes se sont reportées sur mon dos, formant d’innombrables hématomes qui s’étalent doucement sous mon derme.

Nu, je me laisse tomber au sol, le visage dans la terre.

-Ma… liberté…

Qu’avais-je de plus cher ? J’allais devenir sa marionnette. Son meilleur homme. Qu’aurait-il pu demander de plus de ma part.
Tout ce qui arrivait été ma faute. Je n’aurais jamais du conclure cet accord il y a deux cent ans.
*Ordonne et j’exauce. *

Mais j'entends une voix... Celle du Nemesis. Il ne peut me laisser agir ? Je sais que je peux tout arrêter tout ça. Mettre enfin un terme à cette histoire de fou. Il couvre ma voix si faible...

-Laisse-les…

Il lisait en moi. Je m’offrais tout entier pour qu’il laisse les autres. Mais nulle part il ne pourrait lire de la soumission. Jamais. Il le savait. J’étais et resterai Lhurgoyf. Trop fier pour renoncer jamais à tuer tout ce qui le gênait.
Un jour, je le tuerai. J’allais me libérer de ma dette et je volerai sa vie comme je l’ai volé à tant d’autres.

-Tous…

Il se croyait supérieur à moi. Un jour je lui prouverai le contraire.

Mais la voix d'Aliore prend l'attention. Mes forces m'échappent comme tout ce que j'ai et lui continue de m'empêcher de tout rêgler.

-Et pr'...

Dernier cri. Dernière réplique. Je me sentais définitivement incapable d’articuler, le venin paralysant ma cage thoracique de plus en plus. Je ne pouvais que me concentrer sur ma respiration. Je n'avais pas réussi à finir. Aliore avait coupé court à ma scènette avec un clou. Je ne le sentais même plus déjà.

Tekum... Aliore... Ne suis-je donc pas un Lhurgoyf égal à vous ? Je n'ai plus la force de protester. Je sombre en spectateur impuissant, nu sur la terre, perdant toujours un peu plus de sang et de force avec le temps.

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations Ière partie
« La promesse oubliée »

Contre toute attente il s’assoit, s’assoit calmement pendant que les autres volette, pendant que le démon menace de s’écrasé, pendant que les pas arrivent tel une rage sans fin, pendant que tout semble s’échappé et que même la vie s’envole tel la fumé incertaine d’une pipe magnifique dans laquelle le souffle du Duc ravive le feu.

-“Alors dans ce cas prenons ce temps qui vous est si cher, si c’est ce que vous souhaité mon cher ami je ne peux vous refuser cette offre mais ayez l’extrême amabilité de m’envoyer quelque chose à manger, cela ne se fait pas de laissé ses hôtes le ventre vide, c’est très impolie et vous êtes un être civilisé, comme moi. Nous avons le verbe fort mais en vérité nous vivons dans le même siècle …”

Un bout de viande apparait dans la main d’Aliore, puis c’est le verre de vin de Tekum qui viens s’y posé et il prend une bouché la couvrant du reste du vin pour sentir tous les aromes, tous les arômes et ce petit plus, cette chose qui fait l’incomparable, cette chose que le démon ne peux qu’apprécier, même si son palais n’est aussi fin que celui du duc. Il sourit de plus belle et pose le verre juste à côté de lui, caché contre sa poitrine la montre elle aussi semble s’amusé à n’en plus finir, tout est une question de temps, de petit détaille bien posé, le Duc ne peux se permettre de perdre celui qu’il veut comme ça, non, les choses doivent arriver, le temps fera juste baissé les prix, Aliore est un chef, Tekum un manipulateur, il est ceux qui joue dans le temps et ceux qui cours après lui …

“Ha mon cher, vous ai-je raconté l’histoire qui m’est arrivé ressèment ? Non non ne me coupé pas, elle est merveilleuse et plus qu’intéressante …” A cette instant la main de Jonas passe sur son menton et il s’envole à nouveau, bientôt il mourra, bientôt, et les secondes s’écoulent “C’est une histoire merveilleuse, j’ai été chassé par des gens qui voulaient ma peau, avoué qu’elle commence bien non ? Enfin pour vous, mais malheureusement elle est vraiment longue à raconter, ah oui, donc, abrégeons un peu, vous connaissez la grande phrase, non pas Tesseghera qui ici s’applique à merveille si vous ne nous oublier pas mais bien la petite diatribe parlant de clou et main. Vous savez aussi qui je suis et ce que je ferais si l’on me plantait un clou dans la main … Alors messire Tekum, je continu avec ma petite histoire ou je vais la raconté à la demoiselle qui ne connais que la petite phrase ? Je sais bien que vous serez bien meilleur public que l’autre mais je doute que vos hommes qui commence à s’agité sans comprendre où nous voulons en venir, mais vous, vous savez très bien que vos hommes ne seront pas là à temps et que la seul possibilité pour avoir ce que vous voulez est de nous donner l’antidote”

Il entend le râle, un peu plus loin derrière lui, ses hommes sont déjà sur le cou mais avant que l’assassin ne promette quoi que ce soit un clou lui arrive dans la main, invisible pour Tekum la douleur cachera surement les dernier sentiments qu’il pourrait interpréter.

“Il a déjà une promesse envers vous, il la tiendra, je vous payerais le reste comme à mon habitude. Pour le reste, il vous remboursera, surement en assassina, vous savez où me trouver, je lui donnerais ses nouvelles cibles, n’oublier jamais l’union de la rose et laissé moi prendre un peu plus de viande et de vin, votre bouteille pourquoi pas ? Vue la violence du poison vous avez l’antidote et j’aime votre breuvage, il va merveilleusement bien avec votre sauce …”

Il sourit et tend la main, Tekum n’as pas de vrai choix, c’est ça où la mort d’un pion, et un pion pour lequel on déplace tant d’homme n’est pas une simple tour, c’est un besoin et une pièce maitresse dans le jeu qu’on veut poser. Une pièce maitresse qui pour la rose ne doit pas être enchainé dans trop de promesse, pas dans tant, pour pouvoir vivre.

Dès que le maitre de la plume aura rajouté ce qu’il doit au vin il le portera à l’assassin et disparaitra dans ce qu’il est, laissant le monde sans trace si ce n’est le sang sur le pavé trop fréquemment souillé de ces terres de noir et de vice. Il est un métier où l’on se doit de tenir ses promesses, et c’est celui d’Aliore.

Si Il y une chose qu’il déteste chez Aliore mais qui l’amusait tout autant c’était cette capacité à jouer, cette capacité qui appartient au politicien de repoussé les autres dans leurs dernier retranchement pour pouvoir enfin posé des fils de marionnette. Le jeux entre deux politicien était cependant toujours aussi drôle car chacun cherchant à poser sa toile en même temps rencontrait les traits de l’autre dans un grand jeu d’échange de coup invisible pour ceux qui n’y était pas habitué, tout n’était que menace, petite parole et surtout gestion du temps … Et Aliore ne tirais pas son surnom d’un de ses gâteaux que l’on achète pour le petit papier à l’intérieur car le gout s’en rapproche. Il voulait pouvoir gardé la main sur Jonas, il savait qu’il en aurait besoin plus tard et Jonas semblait lui aussi savoir ce détaille … Un petit détaille comme celui du vin …

-“Mon cher ami je m’excuse, il est vrai que vous m’avez pris de cours, je ne vous attendais plus à cette heure, et j’ai cru que, retenu par une affaire, vous ne pouviez-vous présentez à la réception, je n’ai donc pas laissé d’assiette sur le toit en votre honneur. Vous comprendrez cependant que ma table venant d’être renversé je ne peux vous proposer de venir vous y assoir … Cependant servez-vous, vous êtes un de ces êtres qui n’as pas toujours besoin de demandé et vous êtes le bien venu à ma table en toute circonstance, vous le savez très bien sinon vous ne seriez pas venu à cette instant …”

Derrière lui le démon retombe vers le sol alors qu’il semble ne rien avoir à en faire, il mange tranquillement et commence à raconter une histoire. Sentant cela ses hommes s’agites, des petits gestes, ceux pour dire que l’on est prêt à le tuer, prêt à partir à l’action, prêt à utiliser les muscles … Or si éliminé Aliore éliminerais une grosse épine dans le pied des nobles cela ne serais en aucun cas un bénéfice pour lui. Le savoir est synonyme de pouvoir, et leurs deux réseaux sont très différents, l’un à souvent besoin de l’autre et d’un commun accord ils savent que la guerre entre eux ne devra se faire qu’au dernière instant, au moment précis où les autres solutions seront mortes. L’action n’est pas de l’ordre du jour, et d’une main il essaye de calmé ses hommes alors qu’il sait très bien qu’il est prêt de perdre le pion qu’il voulait utiliser … Un pion dont il avait besoin …

Puis viens une ouverture, alors que l’autre s’écrase sur le sol après avoir donné sa vie à Aliore. Alors qu’Aliore, d’un clou, l’empêche de promettre ce que le duc attend il lui offre une autre ouverture … Une ouverture qui lui permet de ne rien perdre réellement, même si le gain est plus faible que l’esclave qu’il avait prévu … Pas d’esclave mais des dettes.

Il s’avance d’un pas, sans s’éloigné de ses hommes mais s’ouvrant visuellement aux attaques, bien que personne ne soit dupe cela est juste une marque de protocole.

“Mon cher Némésis il y a des instant où je me demande pourquoi je traite encore avec vous, des instants où je voudrais voire vos yeux dans un de mes plats, malheureusement, étant aveugle j’ai renoncé à ce petit plaisir et je vais donc accepter votre offre. Comme l’as dit Fen avant moi : ” Il attrape la bouteille de vin et se coupant y vers une goute se son sang “Prenez et buvez en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternel, le sang de la vie et du pardon, le sang des promesses, le sang d’un cœur … ”

La bouteille disparait et il se retourne vers ses hommes et se dirige vers l’entré d’un pas calme de celui qui a eu ce qu’il voulait, l’impression qu’il dégage, tous ses petits détails, voilà ce qui fait qu’il est Duc et continu à tenir ses hommes alors qu’il n’as pas gagné ce soir … Une dernière paroles avant d’ouvrir la porte passe ses lèvres :

“A bientôt mon ami, tu auras beaucoup de choses à payer.”

[Disparition de Tekum Seh, Merci encore pour ce beau Rp.]

Je sens le mouvement de la chute avant même de comprendre ce qui nous arrive. Nous tombons car notre "porte de sortie", Mitsgun, s'est pris bien trop de flèches dans le cuir. Et ce ne sont pas de simples flèches, non, je le sens maintenant, comme l'air me débarrasse un peu de toutes ces odeurs entêtantes. Il y a cette fragrange désagréable, amère, et j'écarquille les yeux en la sentant si fort d'un seul coup sur une seule personne. Et puis aussi, bien plus réduite, sur Shane. Je ne m'en étais pas rendue compte, dans la confusion, mais il est de nouveau blessé.

Et nous tombons veers le sol. Cian s'agite un peu, mais se retient autant que possible pour ne pas affaiblir davantage notre porteur. Je me blottit davantage, sans doute en espérant le traverser et nous retenir tous els quatre, nous empêcher de nous écraser... Mais oui, ma fille, bien sûr, t'es pas fichue de te batttre, et c'est avec tes petits bras que t'espère sauver ces trois-là... et pour te raccrocher à quoi, surtout ? On est en plein ciel !

Le vent siffle de plus en plus fort, mes oreilles sont plaquées sur mon crâne car c'en est presque douloureux.

Et puis le choc. Mais ce n'est pas la douleur cuisante d'un aterrissage sans douceur, non. C'est autre chose, tout aussi cahotique. On rebondit, en fait, sur les toits, d'après les gémissements des ardoises. Et puis je sens de nouveau qu'on bascule, la chute est beaucoup moins longue, mais la fin n'en est pas moins douloureuse. Pourtant, il y atoujours un bras et une aile qui nous protègent gentiment. Grâce à eux, nous sommes saufs et sans trop de blessures. Mais je n'en dirais pas tant que Jonas. Je n'ose même pas imaginer l'état dans lequel il est, entre le poison et une chute pareille.

Et pourtant, voici qu'il nous abandonne pour se retourner vers un inconnu, qui semble pourtant être notre allié. Je ne le connais pas, mais il exhale la puissance. Ça devrait aller. A côté de moi, Shane s'est confectionné un garot de fortune aussi vite qu'il a pu, tandis que Cian s'efforce visiblement de déterminer où sont le ciel et la terre. Nous sommes encerclés, mais je devine qu'il ne s'agit plus des hommes de Tekum. On est en sécurité à présent... Enfin presque.

Les trois puissances se jaugent et Jonas tombe, à moitié soumis seulement, mais surtout à bout de force, et seule l'inquiétude, et, avouons-le franchement, sa nudité, m'empêchent de me jeter à son chevet. Je n'ai rien pour dissoudre le poison, pas même le plus simple pouvoir de guérison ou le don des poisons, il est donc inutile de je fasse encore une démonstration de mon imbécilité. Je laisse les puissants gérer leurs problèmes entre eux et me concentre sur mes deux frères. Le bras blessé de Shane est crispé et sa respiration laborieuse, mais bien moins que celle de Mitsgun, ce qui me rassure un peu. Oui, bon, ce ne sont pas les mêmes gabarits du tout, mais chut. Cian se remet debout lentement, et il a encore un peu de mal avec son équilibre, mais il ne flanche pas lorsqu'il regarde la scène un peu plus loin avec méfiance. Je soupire de soulagement en le voyant en bon état et me concentre sur mon aîné. Quand on y pense, c'est un miracle que nous en soyons pas dans un pire état après tous ces évènements.

J'entends la porte de l'auberge claquer dans mon dos. En relevant la tête, je constate que Tekum et les siens se sont retirés. J'ignore à quel accord ces deux inconnus sont parvenus, mais cela a suffit à le faire partir. Je n'ose pas bouger pendant un moment, à vrai dire, je ne sais pas ce qui va se passer maintenant. Je ne sais même pas si Jonas va survivre, dans son état. Il est sérieusement touché...

Si je culpabilise ? Juste un peu.

Pourtant, le temps n'est pas à la réflexion, il faut agir. On nous fait boire à moi et mes frères le contenu d'une bouteille, du vin, mais surtout l'antidote qui rongeait aussi bien Shane que Jonas. La suite est assez floue.

Je sais que nous sommes rentrés à la maison par la porte de derrière, ce qui ne m'étonne pas, vu l'heure tardive. Notre allié inconnu nous a aidé à transporter Jonas dans la vielle grange, et Cian s'est chargé de veiller sur lui, car il était "le moins atteint". Ça m'a un peu perturbé.

Après tout, je n'étais pas si touchée que ça, non ?

Pour la peine, j'ai veillé sur Shane, qui a la fâcheuse tendance à développer des infections lorsqu'il est blessé. Tout ça parce qu'il ne prend jamais le temps de soigner correctement. Toujours est-il que je me suis endormie à peine assise à ses côtés.

La boue imprégnée de mon sang entre dans ma bouche alors que je suffoque impassiblement. Tout mon corps s’immobilise à bout de force. Ma vue se brouille tellement que je comprends que la porte se ferme sur le duc parce que je l’entends avant que mes oreilles ne sifflent.
Ce n’est pas la première fois que je me retrouve dans cette position. Et encore une fois, Aliore est présent. Que dois-je en conclure ? Ça me parait évident.

On me remue, ballote ce corps humain à bout de force. Je sens le gout du sang et de la terre disparaître au fond de ma gorge pour laisser pénétrer dans mes entrailles du vin. Du vin et du sang. Un sang bien particulier. Notre sang. Qu’est-ce qu’on me fait boire ? On veut me faire cannibale ? Quelle horreur. Je n’ai jamais été autant humilié.
Je ne suis pas digne d’être chef des assassins de la rose.

*

Mon corps s’élève dans des bras et on recouvre mon corps nu. Dans ma main pendante, je serre quelque chose qui trainait par terre… Quelque chose de rouge.

*

Mes yeux se rouvrent. Je vois quelque chose passer devant mon visage… Aliore… Dans un éclair de lucidité, j’articule quelques mots :

-Tu portes… la poisse…

Et puis mes yeux se referment.

*

Une main se pose sur ma gorge. Mauvaise idée, je me rends compte alors que j’ai retrouvé mon corps. Avec à peine trois doigts, le poignet que j’ai saisi, je le tords et mon agresseur se retrouve à terre alors que je m’assieds et qu’il gémit.
J’ai mal au crâne. Les deux pieds par terre, j’ai un coude sur mon genou dont la main passe sur mon visage. Mes yeux sont pâteux et ma bouche aussi. Dans mon autre main, je tiens toujours ce poignet que je constate gracile. Accordant enfin un peu d’attention à mon agresseur, je reconnais le dénommé Cyan. J’hésite et le lâche.

-Pourquoi tu m’touches, toi ?

La porte s’ouvre alors et d’une voix forte je prends les devants.

-Silence !

Sans accorder un regard à personne, je porte mes deux mains à mon visage que je malaxe. J’ai un mal de crâne qui supplante mes plus belles cuites. Combien de litres de vin m’a-t-on fait boire ? Et que m’a-t-on fait boire d’autre ?

-Ah oui… Le poison…

Je remarque un sceau d’eau et me lève pour aller jusqu’à lui et y prendre deux-trois louches. Je ne me rends pas compte que personne n’a pris la peine de m’habiller et fait fi des picotements que les plaies fraichement recousues me font subir et veulent m’informer du nombre de carreaux qui m’ont touché. C’est le moindre de mes soucis.
Mon air renfrogné et ma mauvaise humeur ne sont pas dus au réveil mais au trop long sommeil.

-J’ai dormi combien de temps ?

Devrais-je demander cela à chaque fois que je me réveille après une perte de connaissance ou un jour quelqu’un se doutera que c’est ce qui m’intéresse en priorité ?

À côté de mon lit, par terre, le béret rouge est tombé. Je l’ai enfin lâché sans que je me rende compte que je l’avais serré durant tout le long de mon coma.
Et puis comme cette autre fois, je prononce la formule magique qui le fait venir.

-Où est Aliore ?

[Première mission : AU RAPPORT !]

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Retour à la réalité.

[POINT DE VUE CIAN]

Une semaine. C'est le temps qui s'est écoulé depuis cette soirée agitée. Pour être franc, j'étais certains qu'on s'en sortirait pas tous les trois vivants. Déjà, avec la crise de la frangine, j'ai vu défiler nos vies sous mes yeux. Mais alors, quand ça a commencé à secouer, là, j'ai vraiment cru qu'on allait y passer. Et la transformation de notre chasseur m'a un peu laissé sur les rotules. C'est sûr que ça change de nos vies habituelles, de voir et même de toucher des créatures inconnues. Pour tout dire, Shane n'aurait pas été blessé, je serais toujours persuadé que tout n'a été qu'un rêve provoqué par un poison quelconque vaporisé sur les plats que ce Tekum Seh nous a présenté.

J'y ai à peine cru lorsque j'ai constaté que le serpent se retirait sans nous menacer davantage. Bon, d'accord, faut quand même avouer que j'ai pas tout compris de leur discussion vu qu'j'avais la tête dans un manège. Et encore, quand j'ai réussi à me souvenir que deux et deux font quatre, on était déjà tout seuls et mon frère se remettait difficilement de son bref empoisonnement. Shalyn était à genoux, les yeux dans le vague.

La suite s'est déroulée très rapidement. On est rentrés la queue entre les jambes par la porte de derrière, et on m'a aidé à traîner Jonas dans la vieille grange. Le temps de lui faire une vague couche dans la paille, et je me suis attaqué à ses blessures en renvoyant Sha' aux côtés de Shane. C'est bien la seule qu'il écoutera pour se soigner correctement, cer abruti, juste pour ne pas l'avoir sur le dos, morte d'inquiétude. C'est que lorsqu'elle est inquiète ou angoissée, ma soeur fait passablement peur.

J'ai donc passé le reste de la nuit à nettoyer et panser les plaies de Jonas, nombreuses et parfois profondes. Je ne sais même pas comment il a pu tenir avec le poison en prime, sans doute un talent typique de sa race. Car cet homme n'est ni un humain, et je suppose qu'il n'est pas yorka non plus, ou Sha' aurait réagi différemment. En parlant de Sha', je l'ai à peine revue cette semaine. Je crois qu'elle culpabilise franchement pour son comportement de ce soir là, ce qui n'est pas surprenant du tout. Elle a toujours tendance à se croire coupable de ce qui arrive à ses proches, je l'ai déjà constaté lorsque Orso a du être amputé du pouce. Elle était complètement paniquée.

J'entends un bruit. Jonas qui se réveille ? Ou une nouvelle chute de tension de sa part ? Mieux vaut contrôler, j'ai eu bien assez d'inquiétudes à son sujet. Cette semaine de soin n'a pas été de tout repos, loin de là.

Je pose deux doigts sur sa carotide. Jusqu'à hier, son pouls battait vite, à cause de la fièvre. Ce matin, il était plus calme, mais tant qu'il ne se réveille pas, je préfère rester sur mes gardes. Manquerait plus qu'il me crève entre les pattes.

Et...

- WAAA!

... Je bascule contre le sol, le bras tordu dans le dos et c'est franchement... Ça fait mal bordel ! Je suis vite relaché, mais mon cri a alerté Shane qui devait être sur le chemin pour nous rejoindre. Il ouvre la porte en la claquant, renfrogné à souhait. Et n'a pas le temps de parler plus que moi que déjà Mitsgun nous fait taire. Bon, d'accord, fait ce que tu veux.

Je profite du bref répit qu'il nous laisse pendant qu'il boit pour lui ramener des vêtements sur sa couches, ceux que j'ai vaguement rafistolés pour lui cette semaine.

- Ça fait pratiquement une semaine que vous pioncez, lache-je, encore rancunier pour mon bras. Il a faillit me déboîter le coude ! Quant à ce Aliore ou je sais quoi, si c'est le type qu'est venu nous aider, il a mit les voiles dès que Tekum est parti. Là, au cas où vous vous poseriez la question, vous êtes chez nous, dans la vieille grange.

Je me masse la nuque et m'étire tandis que Shane me foudroie du regard en faisant la moue. Je sais déjà qu'il doit râler parce que j'ai aucune éducation, et patati, et patata, et qu'ai-je fais pour avoir un frère aussi inconscient...

Bref...

- Sinon, Shalyn et Shane ont continué de suivre notre homme pendant que je vous soignais. On a son emploi du temps à peu près complet et les heures où il est le plus simple de s'introduire chez lui pour l'abattre. Sha' a faillit se faire adopter, à force de traîner sous sa forme de chat autour de la maison. Encore heureux que personne ne l'a vraiment remarquée et qu'il n'y a pas de yorkas autour de la demeure.

Shane s'est posé contre un mur et attend tranquillement que je finisse ce bref rapport. Il nous jauge du regard sans rien dire. De sa manche courte se dégage encore ses bandages, signes de ses blessures. C'est presque cicatrisé, maintenant, mais il continue de l'utiliser le moins possible pour accélérer le processus, cet impatient. Mais je le comprends.

Moi aussi, je n'aime pas laisser Sha' seule lors de nos investigations. Surtout quand elle est manifestement pas dans sa meilleure forme.

- On pourra tenter le coup entre après-demain soir et la nuit suivante, si vous vous sentez d'attaque. La plupart des serviteurs ont une permission, c'est assez surprenant, je sais. Sans doute une affaire louche. Sha' n'a pas pu en savoir plus, et tant que vous étiez endormi, elle ne voulait pas se faire coincer dans la demeure, des fois que vous auriez eu un avis différent. Maintenant, c'est à vous de voir.

Du foin, un sol terreux, des murs en bois et une toiture à nu et ajourée… Bien sûr que j’avais compris que nous étions dans une grange. Et par déduction ou peut-être simplement l’espérais-je, il m’avait emmené dans un endroit qu’ils connaissaient.
Mais je ne relève pas cette sous-estimation de ma personne. Il a dit des choses intéressantes que j’analyse. Le temps que j’avais prévu s’est écoulé en sommeil ; Aliore est parti ce qui devrait me tenir éloigné de toute perspective de perte de connaissance ; Tekum est reparti se terrer dans son nid de serpent ce qui devrait enfin m’éviter des complications inutiles…

-Bien…

Mes mains sales viennent recueillir un peu d’eau alors que je m’accroupis près du seau pour m’asperger le visage et me frictionnait avec mes mains mouillées, mais sans grande conviction, les épaules d’un corps trop longtemps négligé. J’étais sale, je puais mais j’étais toujours bien habillé. C’est comme ça que l’on me connaissait à Kodolm et que l’on me jugeait partout ailleurs.

Ils ont continué les investigations, ce qui me satisfait. Nous agirons sans perdre plus de temps. Tant pis pour les fioritures que j’avais prévues. Le meurtre sera un peu plus brouillon que ce que j’avais prévues mais cela reviendrait à un résultat plus qu’acceptable. Il devrait déjà être mort. Ce retard précipitait les choses. Dans deux jours, ils seraient tous là. Leurs visages repassèrent derrière mes paupières et j’en choisis un bien particulier.

-Il est quelle heure ?

Nous avions encore une bonne partie de la journée. Lorsque je me retournais, je n’avais fait que me frictionner le torse. Non pas que je sois trop pudique pour en faire d’avantage devant mes deux témoins, mais déjà cela me lassait.
Je vis des vêtements sur la paillasse que je venais de quitter.
Le corps ruisselant, je revins près de Cian.

-J’ai besoin d’un plan de sa baraque. Chéne, commençais-je à ordonner sans me douter que j’écorchais la prononciation de son prénom tu trouves qui est l’architecte, où il fout ses plans et tu radines ici me l’dire, rien d’plus. Le visage intransigeant, je m’assurai qu’il ait compris avant de me retourner vers les habits. Cian, tu…

Je suis sale, je pue mais je ne porte pas ce genre de chose.
J’empoigne les affaires mises à ma disposition et constate que ce sont les miennes. Même si le résultat est un patchwork sans nom, aux souvenirs des quelques affaires que j’ai déjà retrouvées après mes transformations, je suis forcé d’admirer le travail de restauration. J’enfile le haut qui retombe trop serré sur mes épaules, baille à la ceinture et offre une vue plus que généreuse sur le bas de mon cou.
Je lance un regard noir au Landoner le plus proche, le tenant pour responsable sans même savoir que j’avais raison. Responsable d’avoir imaginé que j’apprécierai le geste inutile.
Une fois le pantalon enfilé (trop court au dessus des mollets et trop serré autour des cuisses), je constatais l’accoutrement inadmissible. Il me faisait plus mastoc et plus courtaud que je ne l’étais pourtant bien assez.

Je m’assois sur le ballot en décapitant du regard mon habilleur avant de cacher mon visage dans mes mains. Malgré les apparences, ce n’est pas de désespoir que je me cache ainsi. Je reprends ainsi, ajoutant un point à ma liste, ma voix rocailleuse toujours monotone, malgré la douleur reliant chaque hématome dans mon dos comme une grande toile d’araignée incandescente. Mes yeux se plissent rageusement sans pour autant réussir à me soulager.

-Toi, tu vas m’conduire à un tailleur et r'tourner chercher ta frangine. Sa chance de cocue est sûrement pas éternelle. Tu m’retrouveras avec elle près de la grande villa à côté du temple au nord de la ville. Shane on se retrouve ce soir, ici. Compris ?

Je me relève, un tic nerveux faisant à peine tressaillir ma paupière alors que je sens mes cuisses se déchirer. Bien sûr, ce n’est qu’une vision de mon esprit, même si une ou deux plaies se sont peut-être un peu rouvertes. Mais ce n’était rien... Rien comparé à ce que je pouvais endurer… À ce que j’avais déjà vécu.
Mon regard se posa un instant sur le plus jeune, un regard plus sérieux encore que ce qu’il avait déjà vu de ma part.

-Tu vas voir qu’elle est bien plus tordue que c’que tu crois cette affaire. En route !

Je leur fais signe du menton de passer devant. Un instant, je ferme les yeux alors qu’ils ne me voient plus. Un vertige. Rien de grave, seulement mon corps qui réclame un peu plus de temps de sommeil encore. Mais du temps, nous n’en avons déjà presque plus.

Je m’ébranle avant qu’ils ne notent mon immobilité, rouvrant des yeux froncés, avant de les rejoindre dehors.

Le soleil m’éblouit un instant et je m’immobilise, sentant venir le début d’une migraine ophtalmique.
J’espère qu’il n’est pas trop tard pour Shalyn. Cela m’étonnerait qu’ils n’aient pas pris de précautions contre les fouineurs, même hybrides.
Faisant une grimace, je cache le soleil d’une main et retrouve la silhouette de Cian.

-Par où l’drapier ?

Je profiterai du temps chez le couturier pour me reposer.
Soudain, je réalise que mes pieds affrontent des gravillons.

-M’faudra un cordonnier aussi.

[Première mission terminée : mention bien.]
[Mission de Cian : tourisme et extraction]
[Mission de Shane : renseignements]

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Retour à la réalité.

[POINT DE VUE CIAN]

Je me crispe instinctivement en entendant notre blessé écorcher méchamment le prénom de mon frère, chose qui l'aurait fait bondir en temps normal. Son prénom et moi, c'est tout ce qui lui reste de nos parents, alors il y tient comme à la prunelle de ses yeux. Pourtant, il ne réagit pas vraiment ce coup-ci et se contente d'acquiescer aux ordres. Sans doute est-ce parce que ce type est notre supérieur qu'il ne réagit pas. Il faut dire qu'on a pas été spécialement brillants, l'autre jour. Se faire oublier est certainement la meilleure solution.

Sauf que ce qui me hérisse, c'est de voir que Monsieur fait la fine bouche devant mon travail de racommodage. Nan mais qu'il vienne pas se plaindre, ou il peut tout aussi bien se balader les fesses à l'air en ville. J'ai fait un effort pour lui refaire des fringues plus ou mins décentes, histoire qu'on évite l'émeute s'il venait à sortir, mais c'est pas comme si j'étais un pro de la couture, non plus. Je fronce les sourcils et refuse d'ouvrir la bouche pour répondre à ses instructions, je me contente d'obéir.

Moi, vexé pour si peu ? À peine.

On quitte la pièce en silence, tandis que je cogite vaguement sur l'une de ses réflexions. Comme quoi cette affaire serait plus tordue que je ne le pense. Sauf que je pense déjà qu'il s'agit d'une merde pas possible, avec ce Tekum qui nous est tombé dessus.

Je lui indique rapidement une direction pour répondre à sa question, toujours de mauvaise humeur. Parce qu'en plus, maintenant, je m'inquiète pour Sha' et Shane. Lui, parce qu'il peut faire pas mal de bêtises quand il s'y met, et elle parce que n'importe quoi peut lui tomber dessus, vulnérable comme elle est en ce moment. Je mène donc à une allure de forcené notre patron chez le drapier le plus proche, celui que ej connais de vue pour faire des trucs assez simples mais bien faits, et c'est l'essentiel, je pense. Quant au cordonnier, il s'est placé juste en face, et c'est fichtrement bien pensé. À eux deux, ils se renvoient mutuellement leurs clients, c'est pratique.

Bref, ceci fait, je file chercher Sha', en espérant qu'elle ne se planque pas TROP bien. C'est que je veux pas rester là-bas trop longtemps, ça risquerait d'être suspect qu'un gosse des rues comme moi se balade dans un quartier hupé.

Lorsque j'y arrive, je ne peux que constater que je fais franchement tache ici, et que la plupart de ces hypocrites de bonnes moeurs me regardent comme de la boue sous leurs chaussures. Tsss... Vivement leur chute, ça leur mettra du plomb dans la cervelle. Je me faufile dans les ruelles, à la recherche d'un jeune chat plutôt mince à la fourrure d'un brun pas très beau. Je regrette un peu pour Sha' que sa fourrure ne soit pas plus classe que son brun terreux qui la fait véritablement paraître comme un chat de gouttière. Ou un peu trop comme un chat sauvage, qui n'a rien à faire en ville, aussi.

J'atteinds la demeure de notre cible et jette un coup d'oeil circonspect aux alentours. Normalement, il restera chez lui pendant les trois prochains jours, aussi ma soeur devrait-elle être dans le coin. Enfin, j'espère. Je déloge un ou deux matous de leur cachette, mais aucun n'est celui que je cherche. Et là, tout de suite, je n'ai pas la patience d'attendre plus longtemps. Alors je siffle, comme on le fait pour un vulgaire clébard. Comme on le fait depuis qu'on est môme pour annoncer un rassemblement, aussi. Y'a quelques aboiements dans les demeures alentours, mais rien de méchant.

C'est un contact chaud à mes pieds qui me pousse à regarder par terre, dix minutes plus tard. Sha' se frotte timidement contre ma jambe, encore une habitude féline qui lui revient quand elle passe un long moment sous cette forme. Je n'attends pas plus pour la prendre sur mon épaule et l'écoute ronronner calmement tout en lui gratouillant le menton tandis qu'elle s'installe. Personne n'est là pour nous voir. Parfait, je quitte la place.

[POINT DE VUE SHANE]

Il m'a fallut presque toute la fin de la matinée pour dénicher l'information que je cherchais, et ce n'est pas pour me faire plaisir. Car je sais que ce foutu architecte va faire le tour de ses clients l'après-midi et que, même si je peux m'infiltrer, je en sais pas lire. Je vais donc devoir passer de longues heures à éplucher des dossiers. Super.

Encore heureux que j'ai une bonne mémoire. J'ai mémorisé la forme des bâtiments lors de mes gardes, donc je devrais normalement ne pas avoir trop de mal à les reconnaître. J'espère juste que je ne vais pas me faire déranger...

[POINT DE VUE SHALYN]

Je suis blottie contre la nuque de Cian et me laisse bercer par le rythme de ses pas. Je n'ai pas beaucoup dori dernièrement, mais je ne m'en plaindrais pas. Sans ça, je n'aurais pas pu entendre que les domestiques seraient "bannis" de la demeure pendant deux jours. Je n'ai qu'un espoir, que personne ne m'a remarqué. Je ne sais pas où Cian m'emmène, et je m'en moque. J'ai confiance en lui, point barre. Je sais qu'il ne cherchera pas à nous mettre dans le pétrin et que s'il est venu me chercher, c'est parce que Jonas a du se réveiller. On va donc à sa rencontre, à la maison ou ailleurs. Je n'ai pas besoin d'y penser davantage.

Au bout d'une longue demi-heure, on arrive aux abords du temple nord, et je sens ma curiosité être piquée au vif. On n'y va que très rarement, même lors de nos missions. Je sens Cian hésiter, puis se placer contre un mur. Et je m'empresse de lui faire savoir que je n'aprécie pas vraiment de me faire compresser comme ça !

- Shaaaaa!
- Oups... Désolé Sha'...

Tu peux t'excuser, oui, sale gosse !!! Je ne suis pas une vulgaire écharpe ! Je me laisse tomber au sol et fait mine de faire ma toilette en lui tournant le dos. Il y a pour le moment trop de monde pour que je me retransforme et d'ailleurs, ça m'arrange. J'ai aucune envie de parler avec lui. Il ne nous reste donc plus qu'à attendre.

Je ressors de la seconde échoppe maintenant allégé de deux bonnes centaines de Dias. Je ne suis pas avare. Je ne m’attacherai pas à cette futilité dont les Terrans sont désormais complètement dépendant et qu’ils appellent l’argent. Pourtant, je ne peux m’empêcher de me rendre compte que trop peu de personne pourrait se permettre mon train de vie : mes dépenses de la semaine étaient désormais élevées à plus de trois cents Dias.

Mais un jour, tout cela cessera. L’argent n’aura plus lieu d’être et de la même manière, la pauvreté non plus. La rose éclora un jour et le roncier que nous auront créé autour du monde n’aura d’épine que pour ceux qui conserveront ces idéaux ineptes. Oui, le monde de la rose sera beau. Mais en attendant, je devrais continuer à vivre dans cette boue immonde que piétine les riches de leurs bottes immaculées. Cette fange qui abritent les pauvres, j’y vie, j’y évolue et j’y noie ceux dont les bottes passent trop près de moi.

Lorsque j’arrive au temple, ils sont déjà là. Le roux adossé au mur et la chatte à ses pieds. Ce monde, ils participeront à sa création, comme tous ceux qui nous rejoignent. J’en avais fait la promesse : ils vivraient assez longtemps pour cela.

Je leurs jetai un regard et puis pénètre dans le temple ; sans m’arrêter de marcher. J’ai capté le regard de la féline et je sais que malgré cette nouvelle tenue, elle m’a reconnu.
Mes cheveux gras mal tirés dans un chignon mal centré retombaient par mèches sur mon visage balafré mal rasé.
La porte s’ouvrit et le silence de mort qui régnait dans la grande bâtisse se fit encore plus pesant. Certaines personnes se retournèrent pour voir qui osait troubler la paix de ces lieux.
Leurs regards se satisfirent immédiatement.
La chemise blanche au col largement ouvert que je portais rentrait élégamment dans mon pantalon de coton marron. J’avais l’allure de l’intendant d’une grande maison et c’était le but. Mes bottes immaculées claqueraient bientôt sur des pavés dépourvus de boue et donc bien loin des pauvres et des originaux dérangeant. Les curieux se détournent rapidement lorsque l’on rentre dans le rang.

Lorsque l’on assassine, il faut savoir être discret pour se rapprocher au plus près de sa cible.

Je fis le signe religieux de circonstance. Ce petit temple est Gélovigiens. Moi non. Mais nul n’est éternel, pas même les prêtres. Ainsi, j’ai dû me rapprocher au plus près de certains… Et donc être discret.

Assis au milieu de la salle et je joignis mes mains pour une prière élogieuse. Elle ne contenait qu’un discours platonique et impersonnel, une récitation apprise par cœur, un numéro de circonstance qui éloignait tout soupçon ou regard de moi.

J’ouvris un œil pour voir arriver mon subalterne humain et lui désignai discrètement du menton une portion de banc devant moi, légèrement décalée. Je me doutais de la proximité du chaton.
Sous le banc, je fis glisser un sac que j’avais apporté et qui butta contre le talon du garçon.

-Prie.

Il faut rester discret. Non pas par peur des regards des autres (nombreux à fixer le gamin des rues), mais par peur du regard d’un seul.
Je continuai de psalmodier doucement, mes murmures n’atteignant que mes acolytes alors que mes paroles deviennent soudain bien plus intéressantes.

-T’vois l’presbytère là-bas ? Attends qu’le curé aille s’occuper des rombières qui viennent se laver l’âme et démerde-toi pour y entrer discrètement. Tu trouveras un change dans l’sac. Sors par derrière et va au mur nord de la villa d’à côté.
Shalyn. Tu vois le type qui se lève au premier rang ? Suis-le. J’arrive. Sortir juste derrière lui semblerait suspect.

L’homme passa dans la rangée principale des bancs.

-… Aléa. Protège ma famille. Mon frère est en mer. Fais que ton époux soit…

Le murmure rendait l‘intonation de ma voix difficilement cernable… Avais-je vraiment imploré ou avais-je été d’un désintérêt total pour ma récitation ?

-Pareil. Attend un peu avant d’te l’ver.

L’homme avait passé la porte. Avant de disjoindre mes mains, je voulais me débarrasser d’un doute :

-Qu’es-ce t’as compris toi quand j’ai donné mes ordres à ton frère ?

Un simple job de localisation… Pourquoi n’avais-je pas précisé ce simple mot ? Tout simplement parce que je n’avais pas l’habitude de l’utiliser et aussi parce que j’ai rarement l’habitude de travailler en équipe. Lorsque je côtoie mes hommes, je leur donne le nom de leurs cibles, leur statut social et la ville où ils ont le plus de chance de les trouver. Après ils savent ce qu’il leur reste à faire. Je ne suis pas chargé de leur formation. Pourtant, il va falloir que cela change. Je refuse de m’appuyer seulement sur les services d’Aliore. Seuls des assassins savent à quoi ressemble un assassinat parfait.

Il faut que je m’intéresse plus à la base de notre ordre et plus encore à celle de mon département.

Je suis dehors avec ma réponse. Je ne sais quoi en penser. Cet architecte est réputé pour ses systèmes de sécurité et dispositifs anti-intrusion. Plusieurs de mes contrats ont failli mal tourner à cause de bâtisses estampillées Kraver. D’habitude, seul, je dois même avouer que c’est presque aussi excitant que de tester les pièges d’Horace autour de Kodolm… Je n’avais encore jamais tenté de me renseigner en détail sur ses constructions.
Mais avec mes trois protégés, je voulais courir le moins de risques possible. Je comptais aller chercher les plans cette nuit. J'espérai que Shane ne tente rien… J’avais besoin de lui intacte pour la suite de mon plan.

[Mission de Shalyn : filature]
[Mission de Cian terminée : mention très bien]
[Mission de Shane : rester sur sa lancée]

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Retour à la réalité.

[Désolée pour le retard, mais je sors d'une semaine de 12 jours complets, avec des fins de cours à 18h et autres joyeusetés bien crevantes. Je vais essayer de retrouver un rythme plus adéquat prochainement, si on arrête de me surcharger de boulot uu"]

[POINT DE VUE SHANE]

Déjà le trente-et-unième dossier, et pas une seule trace de la construction que je cherche. J'ai beau avoir reconnu certains caractères qui se trouvaient sur la plaque devant la maison de la cible, je ne suis pas fichu de les dénicher tous ensemble. Et je suis de plus en plus inquiet. Un vol doit se dérouler en quelques secondes. Plus je reste ici, à découvert, plus j'ai de chance de me faire prendre. La fenêtre est entrouverte, mince espoir de sortie. Cette histoire sent le roussi, bien plus que tout ce que j'ai pu voir et tester jusque là.

J'attaque le trente-deuxième paquet lorsque des pas cognent le parquet. Je n'attends pas de savoir si je dois effectivement craindre que quelqu'un entre. Le tas de feuille disparaît sous un meuble, et moi derrière la porte, en silence. Je bénis la prudence qui m'a poussé à ranger méticuleusement une fois que j'avais fini de consulter quelque chose. Et je prie pour ne pas avoir à assomer quelqu'un.

Je jette un coup d'oeil vers le plafond. Il n'est pas assez haut pour que j'espère me cacher là, malheureusement. Ce bureau ressemble plus à une petite niche.

Bon, il ne reste plus qu'à prier.

[POINT DE VUE SHALYN]

Je me frotte distraitement à la jambe de Cian lorsque le sac me percute et me propulse en dehors de ma cachette sous le banc. Je me retiens pourtant de cracher, de peur d'attirer l'attention sur nous plus qu'elle ne l'est déjà. Je devine les relants d'hostilité et de mépris à l'égard de mon petit frère. Cette attitude me hérisse plus qu'autre chose. Ce temple n'est-il pas le symbole d'une croyance tolérante, qui accepte l'ensemble des conditions humaines et raciales en son sein ? Me faites pas rire.

Je retourne discrètement sous le banc en écoutant distraitement les nouvelles instructions de mon supérieur pour mon frère. Un déguisement ? Et en plus, il doit se rendre dans le presbytère, avec tous ces gens qui el fixent comme s'il n'était que la boue sous leurs chaussures ? C'est impossible, sauf dans le grand mouvement de foule à la fin de l'office. Mais mon frère ne disposera alors que de quelques secondes pour disparaître à la fois de la vue des croyants et du prêtre. Folie.

Ma mission à moi... est simple, tant que je reste sous ma forme de chat. Mais je sens tout de même une légère fatigue me tirailler à force de l'employer. Je pense que cette filature sera ma dernière action de chat pour aujourd'hui. Quand Jonas finit par me poser sa question, je le regarde d'un air un peu incrédule, ce qui doit rendre bizarre sur une tête de chat. Je finis par secouer les oreilles, me frotter rapidement contre sa jambe en essayant de lancer mes émotions en réponse à sa question. Sous cette forme, c'est moins que je puisse faire.

A vrai dire, je suis un peu perdue, face à sa question. Parle-t-il de la nouvelle mission de Cian, ou bien du tout début, lorsque Shane a reçu le message de sa venue ? Pour moi, els réactions ont été les mêmes. Folie, inconscience... mais on suivvra tout de même, car c'est le meilleur moyen de rester en vie tous les trois. Et être en vie sans mes frères, c'est tout bonnement impossible pour moi.

Cette brève tentative de contact terminée, je mets les voiles en trotinant derrière l'homme, petite ombre silencieuse. Je profite des pavés propres du temple pour mémoriser son odeur, et je lance la filature. A présent, je ne le lâcherais plus.

[ POINT DE VU CIAN]

Je hoche la tête après avoir reçu mes instructions et récupère le sac. Je serais d'ici peu en situation périlleuse, mais il faudra bien réussir, où les ennuis fondront sur nous comme des corbeaux affamés. J'ai commencé à faire mine de prier, dans le plus grand silence. Après tout, je suis un sale gosse des rues sans aucune culture. Plutôt que d'essayer de me faire passer pour un véritable croyant, lettré, cultivé, ce qui ferait tache avec mon apparence. Non, je préfère présenter le visage du gosse désespéré pour on ne sait quelle raison qui vient ici en tout dernier recours, car il a perdu tout espoir, que ses parents sont malades ou que sais-je encore comme stupidités. Je vais de voir agir vite.

Je n'adresse qu'un vague regard à l'homme qui passe à côté de nous, prenant mon air la plus pitoyable pour le détailler. Un riche, encore. Sans doute lié à notre cible. Et je sens que la nasse se resserre de plus en plus sur un complot qui est loin de notre portée.

Mais pas le temps de m'attacher à ces réflexions. Plusieurs personnes se lèvent d'un coup, tandis que le prêtre annonce le début des confessions. Je prends la suite de ces petits nobles pêcheurs, quand d'autres quittent le temple. Il faut que je m'arrange pour me placer dans l'ombre. Dès que personne ne fera plus attention à moi, je n'aurais qu'à dévier très légèrement de ma route pour aller au presbytère.

Ça se jouera en l'espace de quelques secondes.

[J'ai moi aussi quelque planning bien contraignant. Pas d'inquiétude et j'espère que tu m'excuseras moi aussi.]

Oui j’ai eu une réponse en sortant. Mais ce n’était ni une réponse à la question que j’avais posée, ni la réponse de la personne à qui je l’avais posée. Ceci étant, j’avais pu ressentir ce que ressentait un chat. Étrange mélange de sentiments inconnus ou oubliés par mon esprit endurci et sentant le renfermé.
Mais de toute façon, le doute était installé désormais et il faudrait que j’aille vérifier par moi-même comment se débrouillait ce Shane.

Encore une nouvelle échoppe le long de la route. C’était parfait pour suivre de loin mon traceur. Les commerçants me regardaient différemment. Je me contentais pour seul preuve de mon dégoût à leur égard, d’ignorer leurs boniments ou de leur jeter des regards noirs en réponses à leurs flatteries avant de continuer ma traque.
L’apparence… Et dire que je mentais à propos d’un mensonge. En tant que Lhurgoyf, le seul fait de pouvoir insuffler à ces fourmis autre chose que la peur était une supercherie. Ce corps qui n’est qu’une duperie, je l’habille avec des vêtements qui ne me ressemblent pas…
Dans ce jeu d’apparence, je suis maître là où les Terrans sont encore une fois esclaves de leurs propres règles.

Il l’a repéré. J’en suis convaincu maintenant. Rien d’extraordinaire de sa part cela dit. Mais le piège de ce Sindarin se retournera contre lui.

Les ruelles sont de moins en moins peuplées et les rares habitants de ces fanges sont pires que l’image que l’on se fait des porcs.
Il tourne encore et je sais que c’est le moment. Pauvre Shalyn. Sans doute a-t-elle flairait le piège et me croit là pour l’en sauver. Ce n’est pas tout à fait vrai. Ce piège est en fait le mien et c’est moi qui les y ait précipités tous les deux : appât et proie.

Réputation.
Un mot désignant un concept si subjectif et pourtant universel. Dans notre travail, c’est indispensable d’en posséder une parfaite. Son employeur n’était pas immaculé mais sans doute cette nouvelle vie lavait à ses yeux sa précédente existence. Il allait à l'église, il s'habillait proprement, les gens lui souriaient...
Trois ans qu’il s’était rangé. Trois ans étaient passés depuis ce jour de faiblesse.

Lorsque je pénètre dans le cul de sac, sombre et désert, je suis ravi de voir que ce n’est pas l’un de ces dépotoirs plein de crasse et de boue. Le sol est poussiéreux mais propre. Tant mieux. Étant donné que je viens d’acheter ces vêtements, je préfèrerai ne salir que mes mains.

Le chat est déjà entre ses mains et une seconde plus tard, il lui aurait brisé le cou. Mon arrivée l’en désintéresse.
C’est un sourire qu’il me lance alors que je m’approche toujours sereinement.

-Ha ! On est venu accompagnée à ce que je vois.

Un sourire qui disparait soudain.

-J… Jonas ?

Je ne réponds pas, me contentant d’approcher encore.

-Holà ! Doucement ou adieu le minou !

Alors je m’arrête, trop près de lui. Mais rien ne sert de détruire la seule entrave que l'on croit posséder.

-T'sais bien qu'j'm’en fout ?

La surprise. La seule chose primordiale. Ne jamais laisser l’autre croire qu’il a gagné ou pourrait le faire.
Alors qu’il réfléchit à savoir si je bluffe, mon poing l’aide à se décider pour la protection plutôt que pour le chantage.
Le chat vole et mon attaque est bloquée.

-On peut discuter Jonas !
-Pas cette fois.

Il est grand mais sait déjà que ce n’est pas ce qui le sauvera.
Coup de pied au genou bloqué, manchette parée, coup de tête esquivé. La distance est rétablie entre nous.
Je m’immobilise, de profile, alors qu’il reprend ses esprits. Par respect pour lui, je voulais qu’il ait le temps de voir venir sa mort en face. C’est ce qu’il réalise.

-Alors c’est l’heure ?

Mon silence l’en convainc.

-Mon patron ?
-Oui.
-Très bien. Laisse-moi y croire encore un peu s’il te plait.
-J’te mentirai pas.
-Je l’espère.

Il s’élance mais son poing me manque. Le mien écrase son plexus, ma main attrape sa jambe, et alors qu’il tombe à plat ventre mes mains saisissent sa tête. J’ai manqué de marquer une pause. Mais j’ai fini d’être faible avec lui.
Mes muscles se bandent et je lui brise la nuque d’un violent quart de tour.

Sans un mot je le fouille, récupère un trousseau de clefs que je fais disparaître dans mon sigil et puis ferme ses yeux. Après un instant immobile, la main sur son visage, je me relève, prêt à repartir, ma besogne accomplie.

-On retourne chercher Cian.

[Mission de Shalyn : filature]
[Mission de Cian : changer de vêtements]
[Mission de Shane : rester sur sa lancée]

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.

[POV Cian]

Il m'a suffit de trois pas pour disparaître au nez et à la barbe de toutes ces bonnes gens, à se demander s'ils n'ont pas besoin de ces quelques verres de vue, histoire d'assurer leur sécurité un peu mieux. Si je me l'étais permis, j'aurais pu tenter de piocher dans une ou deux bourses, mais Jonas avait l'air pressé, donc autant faire vite. Une fois la porte close, je vérifie bien que la pièce est vide et je n'attends pas plus pour me changer. Pas besoin de regarder que quoi il s'agit, à vrai dire, je m'en moque. Le tout est d'voir fini avant qu'un quelconque apprenti se décide à entrer ici pour y faire je ne sais quoi. Je refourgue mes vêtements rapiécés dans mon sac et je prends la poudre d'escampette, juste à temps, apparemment. La porte derrière moi commença à s'ouvrir comme je refermais l'autre. Une chance que je n'ai pas eu de problème avec ces vêtements là...

[POV Shane]

Les pas s'estompent progressivement et je me relâche un peu. Il ne faut pas que je traîne davantage ici ou je serais vraiment repéré. Je plonge sous le meuble pour récupérer le dossier et l'ouvre directement sur les plans. Ce n'est pas le bon, encore une fois. N° 33... Déjà, ça y ressemble plus. Voire même beaucoup. Alors je n'attends pas et je recopie trait par trait ces fichu plans. Merci mon joli pouvoir de mimétisme. Shalyn et Cian ne sont pas au courant, et c'est tant mieux. Ça me laisse un as dans la manche en cas de pépin, même si ce talent n'est que très réduit.

Il me faut un bon quart d'heure pour terminer, mais je ne suis pas peu fier du résultat. Je range rapidement tous ces paquets de feuilles et rouvre la fenêtre. Un coup d'oeil en haut, un coup d'oeil en bas... Perosnne ne semble prêter attention à quoi que ce soit. Je me faufile sans bruit sur la bordure du toit, je referme vaguement ma porte de sortie et, après un dernier coup d'oeil, je passe par les toits. Mission accomplie. Ne me reste plus qu'à rejoindre les frangins et Jonas au point de rencontre convenu, en espérant que tout ce soit bien passé, et continue de le faire.

[POV Shalyn]

J'ai mal partout ! Ce sale type, il a pas eu l'impression de m'étrangler ne serait-ce qu'un peu ?! Mais zut à al fin, ça fait mal. Revenue sous ma forme hybride, je me masse la nuque et la gorge tout en remuant des jambes. Je commence à avoir des fourmis à cause de ma transformation prolongée.

Je jette ensuite un rapide coup d'oeil à Jonas, penché sur le corps nouvellement froid de sa proie. Il s'est servi de moi, quelque part. Si ça me reste dans la gorge, je sais que ce genre d'attitude est normal de sa part. Ça ne le rend pas plus acceptable à mon goût. Je remets donc mes vêtements bien à leur place et emboîte en silence le pas à mon partenaire. Ceux qui ne me connaissent pas pourraient dire que je boude - ce qui n'est pas tout à fait faux, par ailleurs - mais je suis plutôt pensive. Si l'on doit passer à l'action cette nuit, je crois qu'il va falloir que je sois deux fois plus prudente. On ne sait jamais quand il lui prendra de nouveau l'envie de se servir de nous comme de cobayes.

On se faufile discrètement dans de nombreuses rues pour rejoindre enfin le quartier riche. Cian ets là, petite tache rousse coincée dans un accoutrement assez... spécial. Pour ainsi dire, je ne l'ai jamais dans quelque chose de ce genre. C'est assez... perturbant.

Ne reste donc plus que Shane. J'espère qu'il va bien.

Je n’ai pas formulé une seule parole depuis la mort de notre dernière cible. Je ne me suis pas montré des plus loquaces depuis le recrutement de ces trois initiés mais là, je sens s’installer une gêne entre moi et la gamine. Si j’ai bien compris, elle a un don d’empathie. Sans doute ressent-elle que tuer cette ancienne connaissance m’a affecté plus que je ne veux bien le montrer. En réalité, je suis plutôt soulagé d’avoir enfin pu réparer mon erreur passée. Et je ne suis pas en désaccord avec la promesse que je lui avais faite. Pourtant, si j’avais pu, j’aurais aimé ne pas avoir à lui régler son compte.
Je ne suis pas aussi dur que j’aimerai l’être malgré tout ce que j’ai traversé. Il faut que j’arrive à faire réellement abstraction de mes émotions.

Mes émotions… C’est amusant lorsque l’on sait ce à quoi aboutirait cette mission. Elles étaient au cœur de tout ce plan tout en étant son apogée.

Nous arrivons derrière le temple. Le rouquin sort à l’instant. Parfait. Nous avons fait vite et lui aussi. Espérons que tout se déroule aussi bien jusqu’à ce soir.

-Très bien… C’est tout pour aujourd’hui. On rentre.

Demain soir, ils commenceront leurs préparatifs. Pour nous, les choses s’accélèreront encore. Il faudrait être prêts.

*

De retour dans la grange, je commence à retirer ma chemise.

-J’espère que Chéne sera bientôt là. Sinon, j’irai le chercher dans une heure. En attendant,…

Ma chemise se pose bien à plat sur le matelas de foin sur lequel je me suis réveillé et je me retourne, dissimulant mon dos lacéré par les cicatrices de tortures d’une autre vie pour mieux exposer un torse d’autant plus labouré par les affres du temps.

-Les vêtements te vont bien. Parfait. Va te changer et mets les en lieu sûr. Tu te magnes de radiner. Faut que j’te teste aussi.

Je fais craquer mon cou et quelques autres articulations et étire mes épaules en m’approchant de la jeune yorka.

-Sors ton couteau et attaque-moi.

Brassant l’air de mes gros bras et mes mains calleuses tout autour de moi, je fais rouler mes muscles sous ma peau tannée.

-À partir de demain, nous s’rons d’plus en plus séparés. Je veux être sûr que j’vous envoie pas au casse-pipe.

Soudain je m’immobilise et plonge mon regard de feu bleu plus froid que Cimméria dans l’ambre fendu du sien.

[Mission de Shalyn terminée : mention très bien / phase d’entrainement débuté]
[Mission de Cian terminée : mention très bien / phase d’entrainement en attente]
[Mission de Shane : rapporter les informations]

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.

[HRP: bon, alors, je suis vraiment, vraiment, vraiment désolée, mais je suis en retard et ce de manière indépendante de ma volonté. Mon ordi n'a rien trouvé de mieux que de foirer complètement : plus de n° de série, et plus de connexion par cable non plus. Sachant que c'est comme ça que je me connecte dans ma résidence U et qu'on a pas le wifi... Je pense que vous comprenez... uu"]

[POINT DE VUE SHALYN]
Attaquer, hein... Une vraie partie de plaisir. Je sors d'une journée complète sous ma forme de chat et je n'ai qu'une envie, me rouler en boule dans un coin et dormir jusqu'à plus soif. Mais non. Il faut maintenant que j'affronte l'homme qui n'a pas hésité à me sacrifier pour accomplir son projet, et maintenant, ce même homme souhaite nous apprendre à nous défendre pour que ça ne se reproduise pas. Tu parles d'un coéquipier. Un loup solitaire, oui. Non, les loups, même seuls, aspirent à trouver une meute. Jonas, non. Il sait déjà tout faire, pourquoi s'encombrer de coéquipiers qui ne feraient que le gêner. La preuve en est de ce qui s'est passé la semaine dernière. Il n'a pas besoin de nous pour agir.

Je commence à avancer en cercle autour de lui. Je ne dégaine pas mon poignard de suite, je sais déjà qu'il me bloquera sans problème. Je sais déjà qu'il me mettra au tapis et me démontrera point par point que je suis une gamine inconsciente. Non, je refuse de l'attaquer immédiatement, alors que sa garde est aussi fermée. Je ne suis pas une combattante aguerrie, à son contraire, alors mieux vaut que je ne me presse pas. Ou au contraire, que je le harcèle avant de me replier, comme un taon. Je vais tenter, tiens...

Ma lame quitte son fourreau alors que Jonas me fait dos. En deux brefs mouvements, sans le lâcher des yeux, je me déchausse. Et d'un bond, je fonds sur lui. Mais bien sûr, il a déjà prévu mon mouvement. Je vois sa main se déplacer à une vitesse fulgurante vers moi et je change de trajectoire en m'écartant de nouveau de lui. Je suis craintive, je le sens. Je sais déjà que je vais souffrir au cours de cet entraînement, mais je n'en ai pas envie. Je suis déjà lasse de tout cela. Un nouvel assaut et je reproduis le même schéma, fuyant avant de me retrouver enfermée dans son périmètre d'attaque. Pourtant, plus je me déplace, plus je sens que cette situation n'a pas d'issue. Dans le cas d'une véritable agression, j'aurais mis les voiles depuis belle lurette. Mais ça ne m'est pas autorisé pour le moment.

Alors quand je bondis vers lui pour la quatrième fois, je me laisse tomber accroupie sur le sol, lame relevée vers son abdomen, et je tente une percée.

[POINT DE VUE CIAN]
Je suis bien content que Jonas m'ait demandé de me changer. Ces vêtements me mettent mal à l'aise et je dois me retenir de les tripoter à chaque instant. Mais surtout, je suis ravi de quitter la grange où ma sœur et notre maître semblent avoir quelques tensions à expulser. Je ne sais pas ce qui s'est passé hors de l'église, mais cela a suffit à rompre la confiance aveugle de Shalyn envers Jonas, ce qui ne s'était pas encore produit jusque là. J'aurais même eu tendance à penser qu'après notre lamentable échec, Sha' serait la première à le suivre où qu'il aille. Visiblement, je m'étais trompé, et c'est rare.

Dommage que je ne puisse pas rester plus longtemps dans notre demeure familiale, mais mes ordres sont clairs. Je n'ai pourtant aucune envie d'assister à la dérouillée de ma soeur sans pouvoir rien faire pour l'aider. On aurait du lui apprendre à manier une arme, je le sais. Mais Shane repoussait sans cesse ce moment et je dois avoue ne pas avoir été très pressant. On espérait peut-être comme deux grands nigauds que Sha' finirait par quitter la rose avant d'être considérée comme un membre à part entière, et qu'elle pourrait vivre tranquillement sa petite vie. C'est mal la connaître. On s'est planté en beauté.

Je sors dans la cour, observant de loin l'agitation qui règne autour de la forge et m'éclipse rapidement, afin que personne ne vienne me prendre à partie en me voyant si désoeuvré. C'est à cet instant que Shane rentre. Il franchit le mur sans se préoccuper davantage de qui pourrait le voir et se laisse tomber dans un bosquet, ni vu ni connu. Mon frère est un grimpeur hors pair, je l'ai toujours su, mais qu'il s'amuse ainsi à escalader les murs de la ville ne me rassure pas, même s'il est bien plus doué que bien des voleurs. Il m'aperçoit et me fait un rapide signe avant de me rejoindre, prudent. On retourne en silence à la grange.

Le temps de refermer la porte, et j'entends le son assourdit d'un corps qui chute, le juron de Shane, le grognement de douleur de Sha'...

Des parchemins s'envolent et je les rattrape rapidement de peur qu'ils s'abîment. Le parchemin est précieux, bien trop pour que mon frère les traite ainsi, ce qui n'est pas son habitude. Il est trop protecteur envers Sha', au point de s'opposer directement à Jonas s'il fait mine de la maltraiter. Je n'ai pas le temps de l'arrêter.

Sha' le fait à ma place.

-Laisse, Shane. Je vais bien.

Mais oui. T'es complètement sonnée, mais tu vas bien, frangine. Merci Jonas d'être aussi indulgent. Merci frangin pour ce qui me semble être les plans d'une villa quelconque...

[HRP : désolé pour ce temps d'attente. Je suis en vacances maintenant. J'espère bien me rattraper. En tout cas, comme tu peux le voir, tu n'auras pas attendu longtemps pour un minima.^^ Désolé du pavé.]

Le combat… C’est une si délectable situation. On se sent si bien lorsque les choses se reposent après qu’elles se soient toutes enchaînaient si vite.

Je restai immobile alors qu’elle commençait son cercle. Mon regard semblait figé dans le vague et ne plus faire attention à elle. Sa technique d’attaque était digne de sa nature profonde : animale.
Elle atteignit le point que je lui réservais dans mon champ de vision et alors je l’y conservais.

-On r’gard’s pas directement celui qu’on va esquiver… Plus efficace comme ça.

Ma tête tourne lentement, avec elle. J’arrive au maximum. Elle se trouve dans mon dos. C’est maintenant qu’elle va attaquer, alors que je dois commencer à changer d’appuis. Je le sens. Elle est de plus en plus menaçante. L’atmosphère s’électrise.

D'abord, on aime le frisson d’affronter plus fort que soi, lorsque l’appréhension est passée.

Le bruit de la lame sortant de l’étui est si caractéristique… Mon corps a appris à réagir plus vite à force de sentir la menace venir juste après.
*Un seul appui qui bouge pour ne pas perdre trop de temps ni d’équilibre, déviation de l’avant bras, saisi et…*
Je finis de tourner. Ma main serrait du vide alors que nous nous faisions à nouveau face. Elle est très observatrice et réactive. Je suppose que ses vols ont aiguisé ses capacités dans ce sens. Malheureusement, comme tous les chapardeurs, elle était plus portée sur la fuite que sur l’affrontement. Pourtant…

-La meilleure défense c’est l’attaque.

Lorsque l’expérience vient, le plaisir est décuplé une fois que l’action s’achève. Les réflexes nous font agir plus vite que l’on s’en rend compte et on analyse le combat après l’avoir terminé.

Encore une fois elle me glissa entre les doigts. C’en serait presque frustrant si ce n’était pas à ce point prometteur. Elle ne me touchait pas mais se rapprochait toujours plus et finirait par me repousser dans quelques retranchements dangereux… pour moi… ou pour elle.

Et lorsque l’on a plus peur ni avant ni pendant un combat, le plaisir vient de l’adversaire.

Troisième attaque. Sa lame aurait pu me griffer si elle n’avait pas pris peur de ma main. Elle a de très bonnes bases. Seule sa peur l’entrave.

On apprend à apprécier partager son savoir, aimer voir celui d’en face retourner nos mouvements contre soi ou les devancer pour redoubler d’ingéniosité et nous mettre, enfin, depuis si longtemps, en danger.

*Maintenant ! Ma main saisira son poignet à cet endroit. Ensuite, il suffira de… Encore raté.*
Je balaye l’air devant moi, perdant de vue un instant la demoiselle qui se révèle alors bien dangereuse. L’éclat argenté frôle mon ventre et raye la peau. À peine, mais assez pour laisser perler quelques goutte de sang. Une estafilade qui remonte du côté de mon nombril à quelques centimètres sous mon pectoral. Si je n’avais pas pris peur à mon tour, j’y aurais laissé bien plus de chaire que ça.
*Sa main, enfin je la tiens. On lève, on déséquilibre, on entraine en avant, on tord, on vole l’arme et repousse. Le pied agrippe la jambe.*

Ces petits moments de frayeur oubliée sont les délices du maître. Ils lui font retrouver le goût de l’affrontement d’entant ; lorsqu’il lui restait plus encore à apprendre.

Elle tomba devant moi et une perle de mon sang goute de l’arme que je tiens dans ma main avec un air presque surpris. Un sourire déchire mes lèvres. Léger et satisfait, il s’adresse à la demoiselle alors que je me redresse.

Ils rappellent que son propre apprentissage ne sera jamais terminé.

Mon sourire disparut quand l’ainé s’interposa. Pourtant, je n’étais pas énervé contre lui.

Tout Nerozias doit veiller à la survie de ses paires.

Seulement…
La demoiselle tentait de le calmer mais c’était déjà trop tard. Je l’avais vu jeter ce que je l’avais envoyé chercher ; je l’avais vu s’opposer à un supérieur ; et je l’avais vu me menacer, moi.
Son regard se tourne vers Shalyn est c’est une erreur que je lui signale :

-Termine ce que tu commences.

Je n’attends pas qu’il comprenne. Ma première attaque est dangereuse. « Jamais d’fausse attaque… » Il esquiva ce poing dans son ventre. De justesse.
Dans une vrille, c’est mon autre bras qui vient briser sa garde levée à temps. « Même pour une feinte. »
Ma main se referme sur le tissu de son épaule, « sois rapide » et je l’emporte avec moi, « fort », pour le déséquilibrer, « rester droit ».
Debout à côté de lui, je lui assène un coup de genou dans le ventre avant de le repousser violemment au sol.
J’ai toujours le couteau de la gamine dans la main et je le pointe avec mon regard vers le dernier de la bande avant de me tourner vers la yorka.

-N’oubliez aucun adversaire.

J’attendis que les choses se posent, que la tension retombe. Le but de cet entraînement n’était pas de les estropier : je ne comptais pas y aller plus fort. Cependant, la rose ne peut laisser ses bourgeons plus longtemps sans surveillance. Trop d’insectes parasites l’assaillaient déjà là d’où elle avait trop longtemps détourné le regard.

-Et « mettre à terre » c’est « souffler ». Pas « gagner ».

Le couteau tomba sur le sol poussiéreux, près de la jeune fille. Ce que j’applique, je devais le leur transmettre. Chacun d’eux serait un jour obligé de se confronter à des personnes qui sauront se battre. Et ils ne resteraient pas longtemps aussi libres des ronces que le clan accroit. Ils devaient apprendre à aimer leurs épines pour ne pas qu’elles ne les blessent.

-T’as du potentiel, gamine. Mais ta peur... On m’a dit que tu savais lire les sentiments. Je ne voulais pas te tuer, moi. Qu’est-ce que tu feras face à quelqu’un qui voudra ta peau ?

Je dévisageais ce minois félin, caressais ses pommettes de mes yeux de prédateur et puis descendis mon regard le long de sa gorge. Je me concentrais sur le goût du sang des autres yorkas que j’avais déjà dévoré et me demandais le goût du sien. Le plaisir de ce vrai goût de gibier mélangé à la saveur si caractéristique du terran. Je m’imaginais entrain de saisir son cou et le briser violemment pour dégager sa gorge et y mordre à pleines dents.
Tout mon corps se tendit et mes yeux s’écarquillèrent à force de la dévorer du regard.
Et puis je fermai les yeux avant de les rouvrir et river mes iris aux siens. Je me doute qu’elle a ressenti ce que je voulais qu’elle ressente.
Pour la première fois, ma voix devint menaçante.

-Contrôle-ça ! Un combat ça se gagne aussi dans la tête !

Tantôt menaçant, je repris un visage intransigeant.

-Contrôle tes pouvoirs. Et oublie pas qu’ t’as un prédateur au fond de tes tripes.

Je me tourne alors vers le cadet.

-La mission est aussi importante que le clan. Vous êtes du clan. Vos vies valent autant que ces papelards.

Doucement, je me rapprochai du plus âgé. Lui qui m’avait semblé si discipliné à première vue me semble soudain bien moins simple à comprendre.

-Va falloir que t’apprenne à respecter les règles mon gars.

Ma voix était basse. Comme si j’étais songeur.
Je m’accroupis à côté de Shane, les coudes posés sur mes genoux. Je n’avais qu’une crainte : qu’il me saute dessus. J’ai pour habitude de bien montrer ma supériorité lorsqu’elle est remise en question. La petite remontrance que je lui avais infligée quelques secondes auparavant n’était rien comparée à ce que certaines fortes têtes de mon département avaient subi.
Pas facile d’être le roi des tueurs. Mon département était étrange et horrible aux yeux des autres. Aux miens aussi. Mais il me semblait certainement moins extraordinaire qu’à eux.

- Je donne les ordres. Je décide pour vous.

Je parle lentement, appuyant chaque « je » avec insistance.
Ma main saisit alors brutalement ses cheveux et tourna sa tête pour bien que nos regards se rencontre.

-Et je vous protégerai.

Mon regard était brûlant et la glace qui fige les flammes de mes iris sembla prête à fondre. Mais déjà je le relâchai pour regagner le centre de ce que j’avais changé en arène.

-Nous sommes des Nérozias. Vous savez pas encore c’ que ça veut dire mais ça viendra. J’ai plus d’expérience que vous mais la même importance. Je donne les ordres parce que je sais ce qu’il faut faire. Vous me suivez parce que le clan a confiance en moi. On m’a confié cette mission et vous avec. Je l’ai accepté. Maintenant, vous devez faire de même. Vous devez avoir confiance en moi.

Des tâches de sang se sont déposées sur mon pantalon. J’avais bien fait de le prendre ocre. J’espérais pouvoir les faire disparaître plus tard. Quant à la plaie, rien de bien grave. Elle était si minime que déjà le sang ne coulait plus. Il perlait à peine.
Je m’occuperai de ces choses plus tard. Pour l’instant, j’avais trois vagabonds à initier à l’art du combat et un plan à exposer... Si tant est qu’ils veuillent toujours me suivre.

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.

[POV Shalyn]

Il semble qu'une petite mise au point s'imposait, en effet. Je me masse les fesses avec une grimace de douleur en me redressant. Je rengaine rapidement ma lame, pour éviter l'incompréhension et je reste à distance de ces deux hommes qui luttent pour établir leur autorité. Jusqu'ici, Shane était celui qui nous menait au combat. Il veillait toujours à nous laisser une marge de sortie, à ses risques et périls. Maintenant que Jonas a pris sa place et qu'il semble ne pas prendre de gants à notre égard, il est mal à l'aise. Et je pense que son dilemme l'a submergé à l'instant. Ce n'est pas qu'il souhaitait désobéir. Seulement qu'il refuse de nous voir blessés.

Sauf que là, je l'ai mauvaise !!! Pour une fois que j'avais réussi à franchir la garde de notre meneur !!! Meneur qui, soit dit en passant, a réussi à me foutre une trouille bleue avec ses pulsions de meurtre. Ma fourrure n'est pas encore retombée à plat... Il y a des moments où je me demande s'il est vraiment aussi honnête qu'il le prétend... Bon, d'accord, par définition, Jonas n'est pas vraiment honnête. Mais y'a ces pulsions qui me tétanisent un peu plus à chaque fois... C'est pas normal.

Bon, va falloir mettre en pratique ce que Jonas m'a demandé. Attaquer, vaincre ma peur, contrôler mes émotions... Moui, facile. J'ai envie de bailler tellement je veux dormir. Mais je pense qu'une telle expression de désinvolture ne lui plairait pas, comme par hasard.

Va-t-on reprendre, que j'aille dormir ?

[POV Cian]

J'observe mes trois compagnons et soupire de lassitude. On n'est pas rendus si on se méfie tous les uns des autres comme ça. Pas que je me sente vraiment concerné, en fait. Jonas sait bien plus que nous ce qu'il fait en ce moment. Alors oui, je n'aime pas le voir frapper mes frère et soeurs, mais c'est nécessaire, pour nous trois. Je vais tranquillement déposer les papiers sur la couchette de paille, pour éviter qu'ils s'abîment et je reviens former un triangle autour de Jonas. A ce que j'ai compris, moi aussi, il faudra que je m'entraîne.

- On reprend ? Ou on passe direct au plan ?

Je dégaine à mon tour mon couteau et j'essuie la lame sur mes braies avant de me mettre en position de combat. Et je prie mentalement pour que Shane et Sha' pensent comme moi, par pitié. Ou on aura une nouvelle leçon d'humilité dans la minute...

J'échange un regard avec Sha'. Elle a l'air prête à agir, vu comme ses orteils se contractent sur le sol et sa posture plus ramassée. Shane se replie en retrait et nous regarde. Il ne compte pas agir tout de suite, apparemment. Sans doute parce qu'il n'a pas eu le temps de jauger son adversaire comme il aime le faire lorsque ça lui est permis.

Et bien, allons-y, alors.

Sha' s'élance rapidement et je fais de même, me plaçant automatiquement dans le dos de notre proie, puisqu'elle s'est attribuée l'attaque de front. Sa lame est en avant, clairement offensive, alors je fais de même. L'objectif est de pousser Jonas à répliquer de la même manière que nous, de le pousser à nous attaquer, et là on pourra s'estimer assez doués.

Sha' bondit soudain pour esquiver la main de Jonas et se retrouve à une hauteur remarquable du sol pour un seul bond, après sa journée. Pour ma part, j'attaque plutôt au ras du sol. Voyons si cette attaque combinée parviendra à déstabiliser norte professeur.

Ces délinquants ont la hargne dans le cœur. Ce n’est pas plus mal. Il en faut pour survivre. Je touche la corde sensible en menaçant ne serait-ce qu’un seul membre du trio. Leur esprit de cohésion est très fort. C’est très bien. C’est ce que l’on attend des membres d’une même famille mais aussi de tout membre du clan.

-Attaquez.

J’exposerai mon plan plus tard. Nous avions encore une longue soirée devant nous.

La gamine recommença à attaquer comme tout à l’heure, sans reculer cette fois. Très bien. Elle m’écoute.
Par contre…
Ma main l’a encore manquée mais elle se trouve désormais en l’air. Très grosse erreur.
J’ai gardé le gamin au coin de mon œil. Il est tout près du sol. Tout près de mes pieds.
Je me décale pour éviter la jeune fille et désarme le gamin en fouettant son poignet du dos du pied.
À sa réception, je déséquilibre la yorka d’un coup de paume dans le dos et elle va atterrir dans les pattes de son frère.

Dans une vrille je m’immobilise, le poing à quelques centimètres du visage de l’ainé enfin décidé. Trop tard.

Comme tout à l’heure, je redeviens calme et laisse la tension retomber, mon regard se posant sur chacun d’eux, sans animosité dans le regard, autant que possible en tout cas.
Et puis il est temps d’examiner leurs erreurs.

-En l’air, tu contrôles que dalle. Garde toujours les deux pieds au sol. Et toi,...

Mais je ne pus finir ma phrase. Tout s’était mis à tourner autour de moi et soudain mon genou gauche se déroba, entrainant tout mon corps à s’affaisser au sol.

Ce n’est qu’après un trou noir que je repris connaissance. Il n’avait pas dû se passer beaucoup de temps. Les gamins devaient tout juste m’avoir rejoint.
Brutalement, je me redressai sur mon postérieur et en repoussait un brutalement, un terrible haut le cœur m’ayant saisi à l’estomac.

-Bassine…

Je ne sais plus lequel réagit assez vite mais le fait est que je me jetai vers le seau qu’on m’apporta pour y recracher un flot de bille.
Depuis combien de temps n’avais-je pas avalé quelque chose ?
Saloperie de serpent. Il avait tellement perturbé mes plans que dans la précipitation j’en avais oublié de m’occuper de moi.
Après une semaine sans connaissance, ce que j’avais accomplis aujourd’hui m’étonnait presque. Je n’étais pas un simple humain mais je ne pouvais pas jouer les invincibles plus longtemps.

Après de longues minutes à recracher ce que je n’avais pas avalé et à tenter de reprendre mon souffle au-dessus de ce liquide nauséabond, je m’en détournai sans pouvoir me relever.

Toujours haletant, je me relevai un quart de seconde, juste le temps de perdre l’équilibre dans la bonne direction. Dans une disgrâce totale, je m’étalai dans le foin et y restai encore quelques secondes avant de réussir à trouver une position assise équilibrée, face à ceux que j’étais sensé protéger.
Adieu mes belles paroles. Le masque était tombé : je n’étais qu’un mortel. Un mortel plus coriace que les autres, certes, mais pas sans faiblesses.

-Rien bouffé…

Était-ce une bonne excuse ? Même à ce moment, j’en doutai je crois. Aux vues de mon mauvais état, certainement que le poison de ce reptile avait causé plus de dégâts que l’antidote ne pouvait en réparé.

-Apportez-moi à boire et… à manger…

Nulle part où se posait mon regard je n’arrivais à avoir une image nette de l’univers qui m’entourait.

-Et faut… Laver ce truc…

Sans aucune retenu ni grand succès, je tentai de me défaire de mes bottes et de mon pantalon.

-Aidez-moi vous autre !

À nouveau nu, j’eu la décence de couvrir mon bassin de foin. Était-ce parce que je me sentais si diminué que je ne pouvais plus m’imaginait ainsi mis à nu ?

Ma vue se brouilla de plus belle et je faillis m’évanouir. Ce n’est qu’en enfouissant mon visage au plus profond de mes mains que je réussis à prévenir en partie un atroce mal de tête.
M’étais-je endormi ? Je n’en avais pas vraiment conscience en tout cas. Si oui, je ne fus pas capable de dire combien de temps. En tout cas, je n’avais pas bougé d’un pouce.

Le monde commençait à redevenir tangible. Shane qui s’approchait de moi se vit saisir par le bras.
Je ne sus quoi dire. J’avais perdu les reines de ce convoi. Où en étais-je ? Où en étions-nous ? Où en étaient-ils ?
Le regard maussade perdu dans le vide, j’espérai qu’il pourrait m’aider à remettre mes idées en place.

-Où sont les deux autres ?

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.

[POINT DE VUE SHALYN]

L'odeur de la bile me prend à la gorge et sans pouvoir y faire grand chose, je m'éloigne déjà de Jonas. C'est l'inconvénient de mon odorat, puissant, mais un peu trop en certaines occasions. Il semblerait que malgré les bouillons qu'on l'a forcé à ingurgiter quand il était inconscient, Jonas soit encore faible. Néanmoins sa résistance est exemplaire.

- Sha', va trouver de quoi l'habiller et laver ce truc, tu seras plus discrète. Cian, va dans le cellier, il doit rester pas mal de nourriture si je connais bien Popote. Dépêchez-vous.

[POINT DE VUE SHANE]

Les deux petits frères sortent en vitesse après un dernier coup d'oeil inquiet sur notre capitaine en pleine crise. Je sors rapidement vider le seau puant à l'extérieur et recouvre son ex-contenu de terre et d'herbes en tout genre. L'odeur est insupportable mais aussi loin de la maison, persqonne ne devrait normalement trouver cette galette empoisonnée. Je passe rapidement à l'abreuvoir, tant que personne n'est dehors, et je rempli d'eau mon ustensile. De ce que je connais de ce genre de malaises, on aime bien se rincer la tête et la bouche après... ça. Lorsque je rentre, Jonas est toujours assis la tête dans les mains. Maintenant que j'y regarde de plus près, il est très pâle sous son teint basané. Mais il y a autre chose qui m'inquiète beaucoup plus.

Lorsqu'il relève la tête, son regard est vague et complètement paumé. Il doit vraiment être à bout de force. Je réponds à sa question en lui tendant le seau d'eau et le force à en prendre un peu.

- Partis chercher de quoi vous rhabiller et vous nourrir, comme vous l'avez demandé. J'aurais une seule remarque, pour ma part...

Je ne tiens pas à passer pour un type qui ne sait pas où se trouve le commandement, non plus. Mais il me semble essentiel de lui rappeler ce point.

- Si nous avons la même valeur que vous, si nos vies valent autant que la votre, soyez un peu plus prudent, je vous prie. Comment pourrait-on vous faire confiance, sinon ?

Je m'éloigne pour ramener les plans. Ils n'ont pas été endommagés, et c'est une chance, vu la manière dont on les a traîtés jusque là. La porte de la grange grince et Cian entre avec un beau baluchon.

- Autant en profiter pour manger nous aussi, me lance-t-il avec un joyeux sourire.

J'attrape au vol la bouteille de liqueur qu'il m'envoie et la débouche en fronçant le nez. Cette bibine sort tout droit de la cave de notre père. Il ne va pas être très heureux de voir qu'il lui manque une bouteille. Cian a également ramené un jambon complet (là, c'est Popote qui va criser) du pain et des navets. Cette fois je fais la moue : j'ai horreur des navets crus. Et mon frère le sait.

- Fait pas ta mauvaise tête, tu veux, c'est pour se caler l'estomac, pas pour dîner à la table d'un quelconque seigneur.

Il s'occupe de préparer rapidement des tartines conséquentes et en tend une à Jonas sans s'occuper de son avis. Shalyn entre sur ces entrefaits avec un paquet de linge et une petite marmite.

- J'ai pensé qu'on en aurait besoin demain, histoire d'éviter la scène d'aujourd'hui, dit-elle sans ménager l'orgueil de qui que ce soit.

- T'as fait quoi des vêtements sales ?
- Ils sont à côté du puit, en attendant que l'un de vous se dévoue. Si je le fais j'aurais l'odeur sur moi pendant trois jours et je serais incapable de pister quelqu'un. En disant cela, elle me foudroie du regard comme un jeune tigre furieux. Je baisse la tête. Je ne suis jamais à l'aise lorsqu'elle est en colère. C'est toujours comme si elle souhaitait nous sauter dessus mais ne le faisait pas.

On finit par se réunir en cercle autour des plans avec nos tartines et on les étudie attentivement pendant que Jonas se reprend. Sur la carte, on voit les murs, avec les différentes portes et pièces, sans oublier les fenêtres. Pas d'indication depassage secret, ce qui m'étonne franchement, dans une si grande demeure. Les nobles prévoient toujours une sortie de secours en cas d'émeutes...

Je le lâchai. J’avais envie de lui répondre avec froideur.
*Faites ce que je dis. Pas ce que je fais.*
Mais mes paroles furent rêveuses, aussi douce et songeuses que ma voix cassée le permis.

-Un jour peut-être…

Il avait raison. Ce gamin d’à peine plus de vingt deux ans avait raison de me faire la moral à moi qui avait vu défilé plus de cinq siècles devant mes yeux.
La vérité était que je savais comment vivre en groupe. Je connaissais les lois de notre clan. Mais je n’arrivais pas à les appliquer à moi-même. Ce n’était pas par caprice ni par sentiment de supériorité. Sans doute ne considérais-je encore cette famille que comme une étape, une entrave nouée à mes membres d’un nœud que je voulais savoir défaire à tout moment.
Pourtant j’aimais cette philosophie. Je la respectais, croyais en elle et voulait la voir à son apogée.

Mes yeux toujours rivés devant moi, je me perdais dans mes pensées qui se réorganisaient enfin.
Le monde avait cessé de tourner autour de moi et j’osai enfin me lever. Allant plus loin avec le seau me rincer alors que Cian entrait.
Je n’écoutai pas leur discussion derrière moi. J’étais perdu malgré moi dans les méandres de la torpeur. Mes mains passaient avec insistance sur mon torse tandis que mes yeux grands ouverts fixaient le mur de planche dans l’obscurité.
Ils ne se fermaient que pour suivre les mouvements las de ma tête roulant pour mieux apprécier les griffures de mes bagues alors que je me frictionnais la nuque.
Il me manquait quelque chose. Quelque chose qui me donnerait envie de vivre vraiment. Ce que j’avais aurait pourtant du suffire. Je faisais parti d’une organisation qui voulait changer le monde. N’était-ce pas un but assez grand ? Si bien sûr. Mais que pouvais-je faire de plus pour ce clan que je n’avais pas déjà fait ? Je lui consacré ma vie déjà et ne lui refuserai pas ma mort. Les quelques turpitudes qui le touchaient récemment par la recrudescence d’espion dans nos rang étaient distrayant mais ne m’apportait pas l’excitation qui me manque depuis toujours.

Shalyn revint à son tour et sa voix me fit revenir à la réalité. Je m’aspergeai le visage et me vidai le seau sur la tête avant de les rejoindre. Toujours nu, je ne sais si ma manière de tenir le seau était voulu ou non toujours est-il qu’elle cachait mon sexe jusqu’à ce que je récupère un pantalon légèrement serré et trop grand. Trop musclé et trop petit, rare étaient les vêtements qui me seyait à ravir.
Encore dégoulinant, je me tenais à l’écart des plans de papier, attrapant la tartine qu’on me tendait. D’une bouchée j’en engloutissais la moitié avec voracité et continuais d’examiner les schémas architecturaux en silence.

Après un moment et deux autres tartines, je lâchai en regardant ailleurs :

-C’est pas les vrais plans.

Après avoir vidée ma bouche, je terminai.

-Mais y feront l’affaire. C’est les plans officiels. Les officieux d’vaient être en lieux sûrs mais on n’a plus l’ temps d’aller les chercher.

Mes mains calleuses s’entrechoquèrent, les anneaux autours de mes doigts tintant les uns sur les autres. Je fixai mon regard sur ces mains si pleines de sang. J’avais envie de les voir nues. Ça faisait si longtemps.
Une à une, j’enlevais chaque bague. Il était temps de leur exposer le plan.

-Demain soir, quatre hommes se sont donnés rendez-vous. Ça se passera chez l’un d’eux : Alarof. L’est très prudent, intelligent et avec assez d’ pognon pour faire d’ sa baraque une forteresse.
Même en voulant s’infiltrer seul, je finirais par être repéré et il aurait le temps de se tirer.

La peau sous les métaux avait pris une teinte blanchâtre et des lambeaux de peau morte restaient telles des cloques percées.

-Chaque invité a le droit à un homme de main et chacun saura se battre. Sans compter qu’Alarof aura plusieurs hommes.

Je retirai enfin mes mitaines. Sous le cuir, la peau était d’une pâleur maladive et d’une odeur acide. Des auréoles noires se dessinaient çà et là et la rose était à peine visible sur le dos de ma main droite. Du pouce, je commençai à la décrasser, des copeaux de crasse se détachant à force de friction.

-Ils porteront tous des masques. Et on va prendre la place des invités.

J’attrapais un navet et mordais à pleine dent dedans, laissant tomber du jus sur ma main pour mieux faire partir la saleté.
La bouche pleine, je reprends.

-Demain, un par un, on va éliminer les accompagnateurs.

Je terminais mon navet en deux bouchées et essuyait la rose sur mon pantalon pour enfin la regarder pleinement. Je crois en elle. J’espère qu’eux aussi.

-On commencera par monseigneur Gilbert. C’est le plus important prêtre Gélovigien de la ville. Il est réputé sage et avisé. Beaucoup de citoyens croient en lui. Son accompagnateur est un enfant de cœur dévoué qu’il a recueilli. Shlayn, c’est toi qui prendras sa place.

Enfin, j’ose en regarder un dans les yeux. Est-elle encore prête à suivre mes ordres ?

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.

[POV SHALYN]

Je suis en colère. Très en colère, mais alors vraiment. Pourquoi, me demandez-vous ?

Les hommes sont tous des inconscients et des outrecuidants. Je ne suis peut-être pas une noble dame, mais je connais un peu de vocabulaire, vous voyez. Blague à part, je sens qu'il va falloir que je matte de nouveau les deux idiots finis qui me servent de frères, enfin, surtout le plus vieux, c'est le plus atteint, histoire qu'ils ne me considèrent plus comme une simple jeune fille en détresse. J'ai 17 ans, je vis depuis que j'ai à peine 4 ans dans la rue où je dois me battre et voler pour survivre. Je ne suis plus aussi fragile que je l'étais, bon sang... Et je ne suis pas une boniche non plus ! Alors Shane, ta lessive, tu la feras tout seul !

Lorsque mon frère aîné détourne le regard, je sais que j'ai gagné. Ne me reste donc plus qu'à attendre tranquillement nos intructions, et ensuite, Cian passe à son tour. Va aussi falloir que je leur rapelle que s'ils crèvent, je les réssussite pour les tuer dans les pires souffrances.

Oui, beaucoup de choses à faire pour calmer mes hommes...

Le plan de Jonas est relativement simple, en théorie. Se substituer à d'autres personnes pour infiltrer un lieu sécurisé. Dans la pratique, c'est plus compliqué. Normalement, je sais qu'on aurait eu le temps d'observer ceux dont on doit prendre l'apparence pour étudier leurs manies et leur relation avec les cibles - car les 4 hommes sont très certainement nos cibles. Mais avec la perte de conscience de Jonas, on a plus cette occasion et cette mission sent de plus en plus mauvais. Je digère tranquillement mes instruction, mais quand je m'aperçois que notre hypoglycémique ne mange pas plus, je lui fourre une nouvelle tartine dans les doigts aussi sec.

- Mangez. On ne discutera que lorsque vous aurez repris vos couleurs et que vous pourrez nous regarder en face sans tanguer.

Et je le foudroie lui aussi. Y'a pas de raisons qu'il y échappe, cet inconscient. On aurait eu l'air fins s'il avait dormi ne serait-ce qu'un jour de plus à cause de ses bêtises !

Je capte le regard inquiet de Cian qui, étrangement, est celui qui tente de ménager la chèvre et le choux, aujourd'hui. D'ordinaire, ce serait plutôt le contraire. Mon petit frère serait-il plus sage ?

... Nan.

Je reprends mon repas sans plus m'occuper de ces abrutis et me concentre sur ce que je sais des Gélovingiens. Un ensemble de prêtres pacifistes et croyants à l'extrême qui se relèvent lentement d'une époque plus sombre d'extrémisme... Ils commencent à avoir une influence de plus en plus forte sur els gens et de plus en plus d'adeptes les rejoignent. Leur foi est absolue... Alors pourquoi un prêtre, d'autant plus s'il est si réputé, viendrait rencontrer en secret un type aussi dangereux que cet Alarof ? Ça sent la magouille pas claire là-dessous, et que Jonas ne nous en dise pas plus confirme mon hypothèse. Soit il n'a entendu que des rumeurs et vient vérifier que tout se déroule correctement, soit il sait mais refuse de nous dire quoi que ce soit. Et ça, j'aime pas.

- Quel est l'objectif final de la mission ? Pourquoi va-t-on rencontrer ces hommes ? Pourquoi un prêtre va-t-il rencontrer un homme suffisamment prudent pour établir des plans officiels et officieux de sa demeure, de manière illégale, si je comprends bien ? Qui sont-ils, Jonas, et pas d'entourloupes.

L'inquiétude me noue els tripes et me rends imprudente. Je sais que si je suis trop impretinente à son goût, il n'hésitera pas à me décoller la tête des épaules. Mais j'ai besoin de savoir, avant de me faire passer pour un enfant de coeur au milieu d'une troupe de personnes peu recommendables.

[POV CIAN]

La frangine est remontée... Un peu trop, ça devient dangereux. Je me rapproche pour essayer de l'apaiser, mais elle se lève soudain pour entamer les cent pas, perdus dans ses pensées. Je sais qu'elle est déjà rendue à la nuit prochaine, et qu'elle cherche à comprendre. Comprendre pourquoi, comment, pour qui... Mais elle a tort. Nous n'avons pas vraiment besoin de le savoir, si Jonas estime que l'on peut s'en passer.

Sha', tu t'aventure sur un terrain glissant...

[POV SHANE]

Il semblerait sonc que les plans que j'ai eu un mal de chien à dénicher soient des faux... enfin, des presque faux. Super... Et la frangine semble du même avis que moi sur certains aspects de notre relations avec notre capitaine. Contrairement à Cian, je surveille plutôt la réaction de Jonas. Sha' ne se rend pas toujours compte du venin qui coule de ses paroles... Ou, si elle s'en rend compte, elle a le chic pour dire ce qu'il ne faut pas.

Le pain dans ma main se brisa et la tartine tomba au sol, scindée en deux. La leçon que j’avais donnée à l’ainé devant ses paires n’avait-t-elle pas suffi ? Fallait-il que je roue de coup chacun d’eux pour me faire respecter ? Qu’est-ce que c’était que cette troupe d’indisciplinés incapables de rester à sa place ni de tenir sa langue.
Pourtant, ma voix resta calme lorsque, les yeux fermés, je repris la parole.

-La ferme. J’attends pas d’ questions et surtout pas des commentaires. Tu la fermes et tu attends que j’ai fini avant de commencer à me donner des ordres.

Je jetais le restant de pain broyé par terre et secouais ma main souillée avant de l’essuyer dans le foin. Pas un regard ne leur fut accordé. Parfois, les sermons sont plus efficaces lorsqu’ils sont posés calmement et froidement.
Me penchant doucement, comme si de rien n’était, j’attirai les frugalités pour m’occuper moi-même de ma restauration sans pour autant relever la tête.

-Et je me répéterai pas au sujet du respect des supérieurs. À moins que je sois obligé de le faire à coup de tartes dans la tronche.

Qu’elle soit une femelle ou une enfant ne me dérangerait pas. Pourtant, elle avait raison sur un point, je n’étais toujours pas en état de force, même face à eux. J’avais atteint des limites dont je n’avais pas l’habitude. Ou plutôt dont je n’avais plus l’habitude…

-J’sais bien que je suis pas beau à voir. Si cet enfoiré de Seh s’était pas pointé, tout aurait été tellement plus simple…

Une pause ponctua ma réflexion alors que je dévisageais un jambon en le menaçant du couteau. Et puis je repris de plus belle, la lame s’agitant et le pain accueillant la viande comme ma paume le si habituel contact du verre composant la bouteille d’alcool.

-J’ suppose que pour me suivre, i’ vous faudra aut’ chose que la peur que j’ dois plus trop faire ressentir.

Une rasade de la liqueur vint interrompre mon annonce et je reposai la bouteille avec pour seul réaction à ce breuvage un faible reniflement. Immobile, appuyé sur mes genoux je cherchais les mots si lointains qu’on m’avait appris avec tant de générosité et qui permettraient à mon discourt d’être plus clair.

-Voilà toute l’histoire. Demain, le général Alarof ne sera plus général. Sa retraite le libèrera de ses fonctions et de c’ qui l’entrave. Il a toujours été un fervent royaliste. J’imagine que le prince mou qu’on fait semblant de faire régner sur ce pays l’agace. Il a dû se dire que si personne ne faisait rien, c’tait à lui d’faire qu’qu’chose. Cette ville a échappé à la couronne et est connue pour sa décadence.
Il a décidé de la prendre par la force au nom du prince sans que personne ne lui demande rien, ou presque... Aliore se doute que certaines personne de la coure ont dû lui souffler cette idée assez compliquée. Mais pour faire un coup d’état, il faut des armes, du soutient, des hommes et de l’argent. L’argent, il en a. Pas mal. Ça achète le reste.

La tartine fut entamée mais cette fois je finis ma bouche avant de reprendre. Utiliser tant de mots et faire attention à garder loin l’argot était bien assez difficile pour que je ne gâche pas tout.

-Monseigneur Jean Gilbert, le négociant Mirif Porcal, l’importateur Ulmo Tador. Le religieux pour avoir le peuple et le soutient d’un morceau de la bourgeoisie, le négociant pour l’argent qui pourrait lui manquer et l’importateur pour les armes de contrebande.

Trois de mes doigts levés, je les accompagnais le l’auriculaire pour finir le tableau.

-Le général Nichita Alarof a beaucoup d’amis mercenaires et d’influence. Même si ce complot n’a pas toutes les chances de marcher, on ne peut se permettre de laisser cet illuminé tout bouleverser.
Nous nous bâtons contre ce système mais nous commençons à bien le connaître et Thyrenium n’est pas la pire ville qui soit en Eridannia. Et nous avons des hommes infiltrés partout. Cette guerre civile amènerait un chao qui pourrait nous coûter cher.

Je reprends mon repas. Combien de temps cela fait-il que je n’ai pas autant parlé ? C’est à la fois libérateur et très dérangeant. Je n’aime pas ma voix ni utiliser tant de mots sur lesquels je m’interroge de leur bon usage.
Je relève enfin la tête et c’est un visage sévère qui se tourne vers mes hommes. Mon doigt les pointe tour à tour.

-Shalyn, tu prendras la place de l’accompagnateur du prêtre parce que c’est le moins dangereux. Cian, tu seras avec le gros lard de négociant. Quant à toi…

Mon regard posé sur Shane revint sur Shalyn un instant puis je baissai ma main et croquait dans le navet.

-Le type que j’ai tué aujourd’hui était l’homme de main de Ulmo. Je prendrai sa place. Toi, Shane,… Tu prendras celle de Ulmo.

Mon regard restait planté dans celui de l’ainé, jaugeant sa réaction.
L’importateur et lui avait une voix particulièrement similaire et leurs carrures étaient très semblables. Ce trio n’avait pas été choisi au hasard ou par défaut. Chaque opération des Nérozias se devait d’être particulièrement bien préparée et ceux du renseignement étaient particulièrement doués pour ça ; pour connaître chacune de nos cibles et connaître chacun de nous.
Cette mission était risquée mais bien organisée et sans faux pas, elle était réalisable.
Il ne leur restait plus qu’à faire preuve d’un courage similaire que celui qu’il leur aura fallu pour rester à mes côtés et me tenir tête.
La fougue est un atout que j’apprécie lorsqu’elle est bien orientée.

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.

[POINT DE VUE SHALYN]

J'écoute avec une inquiétude grandissante toutes les implications de ce plan de folie. J'en saisi vaguement les tenants et les aboutissants, mais ce qui me marque surout c'est que nous devrons travailler sans véritable filet. Une fois entrés dans la demeure, nous serons pris au piège. Il faudra alors soin vaincre, soit mourrir. Je crois que je regrette, juste un peu d'avoir posé la question, mais en même temps, je devine qu'il le fallait. Connaître ces détails nous obligera à être plus prudents et moins faibles face à nos adversaires. Cette mission est une mission d'assassinat, pas de simple regroupement d'information. Je ne sais pas pourquoi la rose a fait appel à nous, avec le nombre d'assassins qui raavillent sous ses ordres, alors que nous sommes du renseignement, mais nous ne pouvons plus reculer, à présent.

J'accepte mon poste en silence, malgré les réprimandes de Jonas. Je les ai méritées, mais je ne regrette pas. Cian fait de même, et je devine qu'il cherche déjà un moyen d'obtenir des informations sur la personne qu'il doit remplacer.

Je capte soudain le regard de Jonas sur moi, avant qu'il ne revienne sur Shane. J'ai un mauvais pressentiment...

-Le type que j’ai tué aujourd’hui était l’homme de main de Ulmo. Je prendrai sa place. Toi, Shane,… Tu prendras celle de Ulmo.

Je sens ma fourrure se hérisser d'elle-même sur mon dos tandis que mes mains se crispent. Shane sera de loin le plus exposés de nous quatre, même avec le soutien de Jonas comme homme de main. Mon frère hoche la tête doucement, plongé dans ses pensées, tandis que je fais un vague geste de déni. J'ai horreur de ce genre de situation. Je ne veux pas... Je ne supporterais pas qu'ils soient blessés. C'est totalement hors de question.

Je foudroie Jonas du regard mais ne dit rien. Cette fois, je sais qu'il ne pardonnerais pas l'impretinence. Toutefois, incapable de me contenir, je commence à faire des allées et venues rageuses dans la grange en me mordant le pouce. Je n'exploserais pas. On a connu des situations du même genre lorsqu'on étaient bien plus jeunes et plus maladroit. Mais j'ai toujours un mauvais pressentiment, et plus je réfléchis, plus je sens que ce plan est bancal.

On ne s'en tirera pas simplement, à mon humble avis.

[POINT DE VUE CIAN]

Sha' va paniquer.

Ça se voit tout de suite à son attitude. Son inquiétude transparaît par tous les pores de sa peau, mais elle se force à ne rien dire. Elle est fragile, bien plus qu'elle ne le pense, notre soeur. Elle se pense assez forte pour nous protéger en permanence, mais au fond, elle sait bien qu'elle ne fera pas le poids contre bien des évènements, à moins de se transformer instantannément en berserk. Remarque, elle en serait peut-être capable si l'un de nous mourrait sous ses yeux...

Oui, elle en serait largement capable.

Shane finit par réagir. D'un geste, il l'invita à venir contre lui et elle fourra craintivement son nez dans son cou, comme quand on était tous petits et qu'elle faisait des cauchemars. Sha' est juste terrifiée, et je ne pense pas Jonas soit ravi de la tournure des évènements. Je sais qu'une fois calmée, la frangine nous suivra et accomplira sa mission sans broncher, en nous surveillant de loin. Mais l'homme ne le sait sans doute pas. Autant détourner son attention.

- J'ai une question, et ça concerne nos rôles. Les différents acteurs de demain connaissent-ils leurs visages à chacun ou est-ce leur première rencontre ? Car si nous devons prendre la place de certains d'entre eux, mieux vaudrait ne pas se faire démasquer de suite. Je pense sur tout au cas de Sha', qui prend la place d'un enfant de coeur que le prêtre doit bien connaître. Avez-vous un stratagème particulier en tête ?

Garder la tête froide, surtout. Ne pas penser aux implications émotionnelles comme Sha', et se concentrer sur les faits.

La petite n’aimait pas mon plan. C’était plus que flagrant. Il aurait pu être différent. Plusieurs conseillers s’y étaient opposés. Mais la majorité l’avait emportée. Le potentiel de ces trois initiés était reconnu désormais. Malgré le fait qu’ils ne soient pas des habitués des missions à risque, ils avaient commencé à faire parler d’eux. Et le climat qui régnait dans la base de Nérozias ne laissait pas beaucoup de marge de manœuvre. Les traitres polluaient notre pied. Ces pucerons devaient être éliminés avant d’atteindre les hauteurs.
Mais surtout, il fallait faire attention ne pas miser sur les mauvaises têtes.
Ceux-ci avaient été observés un bon moment et un chef de département, bien que ce ne soit pas ma référence, les avait déjà débauchés. Le clan n’avait pas de soupçons à leur propos.

Le lien de ces enfants me ravissait. Cette famille était belle et j’étais fier de les compter dans nos rangs. Et j’étais aussi très fier de pouvoir la protéger.
C’est le plus jeune qui s’enquit d’avantage de renseignement. Il réfléchissait efficacement.

-C’est dans cette faille qu’on va passer. Ces quatre-là sont plus ou moins connus. Et le général est connu pour ses penchants royalistes. On le surveille. Nichita se demande-même s’i’ y a pas des espions parmi ses larbins. C’est d’ailleurs pour ça qu’il a viré tous ses serviteurs pour le jour-j. Et pour garantir l’anonymat de ses partenaires en cas d’échec ou de zyeutards pendant la réunion, les trois hommes viendront incognito et resteront masqué tout du long. Z’ont même poussé la chose en proposant qu’aucun mot ne sortira directement de la bouche des trois invités au cas où y en auraient pour reconnaître leurs voix ! Les accompagnateurs seront les intermédiaires.

Mon regard s’embrasa et mes iris semblaient être le théâtre de la fusion de glaces.
Ces conditions de réunions semblaient avoir été faites pour coller à notre situation actuelle mais il n’en était rien. Cette mission avait été faite sur mesure, préparé depuis des semaines, des mois. Le département d’information avait travaillé d’arrache pied. Si Aliore m’était antipathique et m’exaspérait de sa condescendance, j’éprouvais une certaine admiration, tout du moins un profond respect, pour la manière dont il gérait ses hommes.
Quoi qu’il en soit, cette opération était millimétrée. Se précipiter ainsi pour assassiner nos cibles au dernier moment n’était pas prévu. J’aurais aimé récupérer d’autres informations mais qu’importe. Demain soir, il faudra agir vite et bien dès l’aube. Cette nuit, nous avions besoin de repos. Moi surtout.
Finalement, ça n’était pas plus mal. Leurs gens seraient congédiés pour la plupart pour éviter les témoins de leur sortie du soir. De plus, les petits seront moins longtemps laissés sans surveillance. Quelques heures, tout au plus, comparé à plusieurs jours dans la première version.

Mes yeux balayaient le schéma des lieux que nous devions infiltrer.
Si Shane avait mieux compris sa mission cette après-midi, je serais déjà entrain de récupérer les plans de cette bâtisse et ceux des trois autres que nous devrons investir demain. Mais les épaisseurs des murs étaient plus significatives à certains endroits qu’à d’autres par exemple. Sans doute était-ce destiné à recevoir des installations. Ce plan servirait surtout à nous enfuir. Nous devrions nous en sortir avec un petit coup de pouce…

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.

[POV CIAN]

Bon, ça en répond pas tout à fait à ma question, mais je suppose qu'il va falloir qu'on s'en contente. Si on avait su à quoi s'attendre, on aurait pu mener notre enquête sur tous ces types pendant l'inconscience de Jonas et basta. Mais maintenant, il va falloir improviser, et sans doute tuer plus de monde que prévu. Sha' va lui en vouloir à mort, mais autant profiter qu'elle ne fasse plus attention à ce qu'il dit pour le moment. Elle obéira, nous fera la tête pendant une semaine et tout redeviendra comme avant. En fin j'espère.

Je croise le regard de Shane et frémit. Ai-je déjà dit qu'un Shane déterminé et de mauvais poil avait une tête de psychopathe ? Non ? Bah c'est fait. On a pas idée d'avoir des yeux aussi clair pour tuer quelqu'un du regard. Heureusement que Sha' est sur ses genoux, ou j'aurais crains pour ma survie. Sans raison en plus !

Il tapote gentiment la tête de notre chère frangine et se rapproche des plans, les passant au crible. Il nous manque des informations, et je sais qu'il est en train de se fustiger de n'avoir pas su trouver les bons (en même temps, on ne sait pas lire, nous, c'est déjà un miracle qu'il ait déniché les bons rien qu'avec le dessin, sans jamais être entré dans la baraque, à mon humble avis).

Il observe les issues, cherche un plan moins risqué, et finit par se ranger à l'avis de notre meneur, le tout en silence et sans quitter sa mine renfrognée de : "Je vais tous les buter pour avoir fait peur à ma petite soeur". Faut pas sous-estimer son caractère surprotecteur. Shane peut VRAIMENT buter quelqu'un pour la seule raison qu'il a fait sursauter Sha' un peu trop fort, ou qu'il la regardait de trop près. Comme quoi, je vis avec des gros malades, mine de rien. Et c'est moi qui ramasse les pots cassés, bien sûr...

- Y'a des trucs à réjouter, ou on va dormir, histoire d'être prêts aux aurores demain ? Si on a autant de trucs à préparer, ce sera pas du luxe, non ?

Pis bon, faut quand même avouer que Jonas a une sale tête, plus blanc qu'un drap de riche. C'est pour dire ! Je pense que l'entraînement sera remis à plus tard. Sha' se débrouillera avec ses accrobaties (C'est moi qui grince des dents comme ça ? Je me ferais presque peur...), Shane... bah Shane, quoi, il ira très bien, et moi, bah j'improviserais. On est pas si cinglé que ça, juste... Bon d'accord, pour partir en mission comme ça, on est suicidaires.

Sur ces réflexions fort joyeuses, j'attrape Sha' par le bras et je l'emmène. Elle aussi a une sale tête, du genre à trop s'être transformée toute la journée, en plus de ses angoisses récurrentes. Alors maintenant, la grande soeur, c'est au lit. Si Shane a autre chose à dire à Jonas, qu'il le fasse, il est majeur, tant pis s'il est crevé demain.

[POV SHANE]

Ces plans sont pourris. Vraiment. On remarque tout de suite qu'il manque des éléments, au point que ej regrette sincèrement d'avoir mis les voiles aussi vite après les avoir trouver. Il faut dire, tout de même, qu'il ne me restait pas beaucoup de temps. Mais quand même. Ils valent même pas le coup que je manque de me faire choper, au final.

Je fixe Jonas et attends son signal pour quitter la pièce, contrairement aux deux autres. Au pire, je prendrais la raclée pour nous trois, c'est pas comme si c'était jamais arrivé. Mais dans leurs états de fatigue respectifs, Sha ' et Jonas auraient fini par s'entretuer. Ou plutôt, Jonas aurait fini par lui décoller la tête des épaules et Cian et moi aurions suivis, par qu'on aurait essayé de le tuer aussi sec.

BREF. On arrête les digressions, et on écoute.

Je mange. Encore. Mon appétit semble sans fin. Mais si j’avais en effet passé une semaine dans le coma, il me semblait évident que l’ogre que j’étais ne se soit pas rassasié de quelques tartines.
Continuant mon repas, je laissais les autres partir et ne reporta mon attention sur ce Shane qu’une fois les autres sortis. Demain, nous serons les deux seuls à ne pas nous quitter et notre partie ne serait pas la plus simple.

En pleine dégustation, je me rendis compte qu’il semblait rager sur les plans. Ma bouche débarrassant mes mains, je les essuyai rapidement dans le foin avant de me saisir des parchemins et de les rouler en le dévisageant, mâchant de manière peu correcte : bruyamment et la bouche ouverte.

-C’est mieux que rien et on aurait même pu faire sans. T’inquiète pas pour ça, mon gars.

Posant le papier plus loin, j’avalais une lampé de liqueur et me retournai vers lui en me saisissant du jambon et du couteau.

-Les échecs ça doit servir à s’améliorer, pas à nous hanter.

Enfournant la tranche dans ma bouche, je remballais le diner et me levais pour le mettre dans les bras de mon subordonné, finissant déjà ma bouche dans une déglutition bruyante.

-T’ peux remballer. J’ai assez graillé.

Alors, laissant m’échapper un rot, lui accordant encore le temps de me poser quelques questions qui auraient pu l’aider à dormir en attendant le lendemain, je passais les habits que la yorka avait ramenés. Il ferait l’affaire pour la nuit. Suite à quoi, je l’accompagnais dehors : il me restait à laver les habits qui me serviraient dès l’aube.

-L’est par où votre puits ?

Mais à peine sortîmes-nous que nous nous retrouvâmes nez-à-nez avec celui que je devinais leur père. Il ne semblait pas de bonne humeur et s’enquit immédiatement de la raison de la présence d’un inconnu dans sa grange.

-Veuillez m’excuser maître forgeron. Je suis de passage dans la région mais je suis arrivé très tard en ville et toutes les auberges que j’ai trouvées étaient complètes. Vos enfants m’ont ramassé sous un pont et m’ont proposé le gîte et le couvert. J’ai de quoi vous dédommager cependant…

Plus petit et, malgré mon grand entraînement quotidien, moins imposant que le forgeron, on n’aurait certainement pas donné cher de ma peau avec un regard extérieur. Pourtant, le long de mon corps, mes poings se resserraient doucement, prêts à parer toute agression.

Migdas Polovich,
Chroniqueur officiel du second loup des Nerozias.
Premières révélations IIème partie.
Préparatifs.