Une rencontre intrigante [PV : Aliénor Isil]

En fin de journée, Sytrinn quitta le Bazar Condamné à cheval, accompagnée de Falko. Le renard était, comme à son habitude, juché sur le dos d'Amadeus, juste derrière la jeune femme. Ils flânèrent dans Tyrhénium, parlèrent à quelques commerçants, puis décidèrent de se rendre au Poisson Fringuant, histoire de connaître les dernières rumeurs parcourant Isthéria.
Lorsque la joyeuse troupe arriva devant la taverne, Sytrinn laissa le frison noir non loin de l'entrée de l'établissement et entra au Poisson Fringuant suivie de Falko.

- Tiens ! Bien l'bonjour, demoiselle ! Comment allez vous ? L'interpella le tavernier posté derrière son comptoir, alors qu'elle se trouvait encore dans l'entrée.

Certains clients se retournèrent ouvertement vers elle en la regardant, l'air hagard, d'autres, grincheux, l'observaient du coin de l'oeil, la mine renfrognée.

- J'ai passé une journée fort ravissante, merci monsieur, dit-elle souriante en inclinant la tête, tout en s'approchant du comptoir.
- Et comment va votre petit compagnon ? Dit mielleusement le tavernier, se penchant au-dessus de son comptoir pour mieux voir le petit renard.
- Il va bien, merci. Répondit Falko lui même, sur un ton offensé.

Le tavernier éclata d'un rire sonore.

- Enfin Falko, tu vois bien qu'il plaisante ! Dit Sytrinn en riant.

Le renard se dérida peu à peu.

- Alors, qu'est ce que j'vous sers ma p'tite dame ?
- Un anannias je vous prie.

Ils se mirent à discuter de tout, de rien. Sytrinn sélectionnait des informations pouvant être utiles tandis qu'elle arborait une moue attentive et fascinée. Et le tavernier parlait davantage. La serveuse et même quelques clients intrigués par l'animation que constituait la jeune femme, prirent part à la conversation. L'ambiance morose qui régnait tout à l'heure, était désormais joviale et propice aux commérages.

Néanmoins, malgré l'agitation qui l'entourait, Sytrinn remarqua l'arrivée d'une personne dans le Poisson Fringuant. Etait-ce un homme ? Une femme ? Impossible de le savoir car un capuchon recouvrait sa tête et cachait son visage.

Encore une journée qui s'achève... Une journée peut intéressante pour Aliénor qui s'était presque ennuyer. C'était calme, trop calme. Ce n'était pas le jour du marché alors elle avait une nette impression que ce jour avait duré une éternité. Oh, elle avait certes passait sa journée chez l'armurerie et chez les forgerons pour admirer les épées et les dagues, mais cela n'avait rien avoir quand c'était le jour du marché. Il n'y avait pas ces senteurs d'épices mariées avec celui du poisson frais. Pas de marchand hurlant leurs marchandises à prix bas, pas de foule en effervescence... Bref, bien qu'elle n'aimait pas être entourée de grand monde, elle aimait beaucoup ces moments mouvementés qui pigmentaient un peu son quotidien. Voilà plusieurs jours qu'elle était à Tyrhénium, il était peut-être temps qu'elle retourne dans Noathis, rejoindre son sanctuaire forestier...

Bref, quoi qu'il en soit, elle ne voulait pas partir sans passer une dernière fois dans le Poissant Fringuant. Rien de telle pour s'approvisionner de rumeurs et de petites histoires qui courraient à travers Istheria. C'était plaisant et l'Eryllis appréciait l'atmosphère de cette taverne ainsi que la compagnie du gérant... Alors, en cette fin de journée, Aliénor poussa les portes du Poisson Fringuant et rentra d'un pas assuré. Aussitôt, elle sentit un changement d'atmosphère se faire dans la salle. C'était bien convivial avant son arrivé, mais elle avait, hélas, le don de refroidir soudain l'ambiance qui règne. Après tout, on ne voyait pas ça d'un très bon oeil l'arrivé d'une étrangère, vêtue d'une cape noire moucheté de bleue, dont un aura mystérieux et lugubre s'en échappait.

Aliénor réprimanda un léger sourire en coin, à peine visible qui disparu aussi vite qu'il fut venu. Si on avait l'impression que son visage y était froid et sans émotion, cachés derrière son capuchon, ses yeux luisaient d'amusement et de malice. Et elle se dirigea au fond de la taverne, dont un coin plongé dans les ténèbres. Les clients avaient baissé d'un ton, soudain méfiants face à cette inconnue qui traversait d'une démarche fluide la salle. On osait pas la regarder dans les yeux, on préférait la dévisageait du coin de l'oeil avec antipathie. L'atmosphère y était tendue, et quand la jeune femme arriva au fond de la taverne, sa cape claqua et tout son corps fut soudain avaler par les ténèbres. Certains client parlait à voix basse de l'inconnue, d'autre fixaient avec de grands yeux stupéfait la noirceur des lieux pour essayer de retrouver la silhouette d'Aliénor. Car oui, elle avait disparut dans l'obscurité. Et d'autre encore, n'en avait que faire d'elle, et ils reprenaient tranquillement leurs discussions...

Quoi qu'il en soit, la tavernier s'excusa au près de sa cliente avait qui il bavardait et se précipita en direction de la nouvelle arrivée. Aliénor, qui s'était installée confortablement, réprimanda un léger sourire à sa vue.

- Bien le bonjour Ali ! S'exclama-t-il en nettoyant la table. Comment vas-tu ?
- J'ai connu des meilleurs jours, mais j'ai la santé et je tiens sur mes deux jambes, alors on peut dire en quelques sortes que je vais bien... Murmura-t-elle avec un doux sourire qu'elle réservait toujours à ce gentil homme.

Ce dernier gloussa, faisant résonner sa voix qui était bien agréable à entendre et le sourire d'Aliénor s'élargit.

- Alors, je te sers quoi aujourd'hui pour aller avec les ragots ? Déclara-t-il avec amusement, car il savait que c'était surtout pour ça qu'elle venait chez lui.
- Bah ! Pour aujourd'hui je vais prendre une choppe d'Hydromel pour changer un peu...
- Ça marche !

Il se hâta alors d'apporter sa commande et pendant ce temps, Aliénor déposa ses pieds sur la table. Geste pas très féminin et encore moins gracieux pour une jeune femme. Mais qu'importe, personne ne la voyait plongé dans les ténèbres. C'était pour ça qu'elle choisissait toujours cette place. Mais alors que l'Eryllis sortit de sa sacoche une pipe, elle vit du coin de l'oeil que quelqu'un l'observait au comptoir... Une jeune fille à la chevelure dorée, accompagné d'un mystérieux renard... Sans quitter du regard cette mystérieuse inconnue, Aliénor fit craquer une allumette et la lueur de la flamme dansante arracha son visage encapuchonnée des ténèbres. Bien qu'elle avait son regard caché, le simple fait que sa tête était en direction de l'observatrice montrait à cette dernière qu'elle aussi l'observait. Et qu'elle continuera à l'observait durant la soirée... Son avertissement silencieux passait, Aliénor souffla et fit évanouir la flamme qui entraîna dans sa mort le visage encapuchonnée de la jeune femme. Elle était à nouveau une ombre parmi l'obscurité.

Quelques instants plus tard, le tavernier lui apporta sa commande avec son éternel bonne humeur.

- Voilà pour toi... Passes une bonne soirée !
- Merci, souffla-t-elle d'une voix posée et amicale.

Il s'en alla, laissant sa cliente seule. Cette dernière se détendit enfin, et tira une bouffée de sa pipe. L'arrière gout de tabac au fond de sa gorge lui procura du plaisir et finalement, elle laissa ses oreilles traînaient dans la salle. Les gens finirent par l'oublier au bout d'un moment, pour finalement retourner à leurs véritable discussions et Aliénor sourit malicieusement. Sa soirée ne faisait que commencer.

A l'arrivée de cette mystérieuse personne encapuchonnée, l'ambiance se glaça quelque peu. Alors que l'intrus se dirigeait vers une table plongée dans l'obscurité du fond de la salle, les clients se méfiaient, un brigand ? Sytrinn ne le pensait pas, en tout cas il s'agissait d'une femme car son pas était léger et fluide lorsqu'elle se faufilait entre les tables et malgré sa cape sombre mouchetée de bleu, ce n'était pas la carrure d'un homme qui se dissimulait sous le tissu. Les pensées de Sytrinn furent confirmée lorsque le tavernier la salua et qu'elle lui répondit d'une voix douce et féminine.

- Bien le bonjour Ali ! S'exclama-t-il en nettoyant la table. Comment vas-tu ?
- J'ai connu des meilleurs jours, mais j'ai la santé et je tiens sur mes deux jambes, alors on peut dire en quelques sortes que je vais bien...

Elle devait souvent venir ici, tout comme Sytrinn, mais elles n'avaient jamais dû se croiser auparavant car la jeune femme était en constante observation de ce qui l'entourait où qu'elle se trouve. En tout cas, une sincère amicalité semblait lier le tavernier et cette femme. Sytrinn appréciait le gérant du Poisson Fringuant mais tenait à garder une certaine distance pour plus de discrétion, cela, l'homme l'avait bien compris, il savait plus ou moins qui elle était, qu'elle les protégeait.
Apparemment cette "Ali" était venue pour les mêmes raisons qu'elle.

- Alors, je te sers quoi aujourd'hui pour aller avec les ragots ?
- Bah ! Pour aujourd'hui je vais prendre une choppe d'Hydromel pour changer un peu...
- Ça marche !

Cette femme n'était pas une noble de toute évidence, son langage était familier, et même si elle avait été une aristocrate se dissimulant sous une cape et parlant la langue du peuple pour cacher son identité, Sytrinn l'aurait tout de suite remarqué, étant elle-même issue d'un milieu élevé et connaissant du monde.
Mmmm, garçon manqué ? Vin de miel, pieds sur la table, pipe au bec... Sytrinn aimait bien ce genre de personnalité. Elle voulait avoir l'air sombre, mystérieuse, forte mais au fond d'elle devait reposer une immense sensibilité. Plus on se cache, mieux l'on se dévoile. Telle était la devise de la fille Sandström.

Alors que la femme craquait une allumette, la flemme éclaira les deux tiers de son visage, maintenant ses yeux dans l'obscurité. Elle était à peine plus âgée que Sytrinn. Cette dernière savait que la jeune femme l'observait elle aussi depuis un moment. Son attitude était presque théâtrale et se voulait être une sorte d'avertissement qui impressionnait nullement Sytrinn. Celle-ci détourna tranquillement le regard, un sourire amusé et malicieux sur les lèvres.

Elle entendit que le tavernier servait son observatrice. Autour d'elle les discussions avaient repris leur cours et des voix cherchaient désespérément son attention. Sytrinn se remit à écouter attentivement les derniers potins, tout en sirotant son anannias. Une rumeur attira tout particulièrement son attention. Des attaques auraient eu lieu sur les grandes routes de la région de Noathis, les Eryllis en seraient les auteurs. D'après ce qu'avait entendu Sytrinn à leur sujet, il s'agirait d'une sorte de groupe de femmes venues de tous bords, des amazones en quelques sortes. Elle leur portait un intérêt tout particulier, une sorte d'admiration, car, paraît-il, ces femmes auraient toutes un passé différent parsemé de souffrances communes. Sytrinn ne savait que trop ce à quoi une femme pouvait être confronté dans sa vie.
Si elles étaient vraiment à l'origines de ces attaques, c'est qu'elles avaient de bonne raisons.

La nuit était tombée, mais Sytrinn avait tout son temps. Néanmoins, les discussions perdaient de leur densité et certains clients commençaient à s'ennuyer à leur table. Les couples n'avaient plus grand chose à se dire, et les joueurs de cartes soufflaient chaque fois qu'ils en abattait une, le tavernier commençait à s'inquiéter.

- Mademoiselle Sandström, dit-il en chuchotant.
- Qu'y a t-il, monsieur ? Répondit-elle en approchant son oreille du visage de l'homme.
- Mademoiselle Sandström, pourriez vous nous jouer un morceau, s'il vous plait ? Les clients n'ont pas l'air dans leur asiette.
- Mais avec plaisir, attendez-moi je vous prie, mes instruments sont dehors.

Falko la suivie à l'extérieur de la taverne. Sytrinn récupéra la mallette accrochée à la selle d'Amadeus. Ce dernier émit un hennissement joyeux à l'idée d'entendre jouer sa maîtresse. La jeune femme retraversa la salle avec son compagnon. Elle se sentait observée par la jeune fille dans l'obscurité. Sytrinn posa sa mallette sur le sol et en sortit son violon et son archet.

- Votre attention, s'il vous plait ! Cria le tavernier. Cette demoiselle va interpréter une petite mélodie, pour votre plaisir messieurs dames.

Sytrinn rougit quelque peu, elle accorda son violon et le plaça sous son menton. Dans un mouvement gracieux elle caressa les cordes de son instrument avec son archet et une douce mélodie se fit entendre. Les gens présents dans la salle était bercés par les notes harmonieuse qui s'envolaient du violon. Puis, tout à coups, le tempo se fit plus rapide, plus entraînant, inconsciemment les clients battaient la mesure avec leur pied, ils balançaient la tête d'un côté, de l'autre, au rythme de la musique, des sourires se dessinaient enfin sur leur visage.

- Falko, s'il te plait. Fit la violoniste à son compagnon, en désignant la mallette d'un signe de tête.

Le petit renard en sortit deux bracelets à grelots. Sytrinn lui tendit un pied, puis l'autre, afin que Falko fasse passer les bracelets autour de ses chevilles. Puis il fit un clin d'oeil à son amie. Celle-ci lui rendit un sourire malicieux et se mit à faire quelques pas de danse, faisant tinter les grelots en rythme.
Les gens ouvraient de grands yeux d'étonnement, jamais ils n'avaient vu pareille façon de jouer d'un instrument. Sytrinn se déplaçait de table en table tout en dansant et jouant, entraînant les clients avec elle. Le tavernier et la serveuse s'étaient mis à danser eux aussi. La jeune femme souriait, riait, la musique était la meilleure façon pour elle de communiquer de la joie au gens. Puis elle arriva à la table de la jeune femme mystérieuse, elle espérait lui faire rejoindre la danse.

Avoir une ouïe aussi fine que celle d'un Sindarin a toujours été un merveilleux don pour la jeune femme. Tout comme le goût, la vue, le toucher ainsi que l'odorat. Elle avait découvert ce pouvoir très jeune, mais ce n'était que sous la tutelle de Grim qu'elle a put s'en servir comme il se devait. Et l'avantage d'avoir une fine ouïe, c'est qu'on pouvait entendre des choses qui ne vous gardaient pas, ou encore des choses que vous étiez censés ne pas savoir. Elle pouvait ainsi écouter quelque commentaires sur elle, qui lui faisaient ni chaud ni froid. Des petites histoires croustillantes sur les habitants, des histoires polémiques, des rumeurs non fondées, des informations tenues secrètes... Enfin, bien des choses...

Voyons... Quel sont les ragots pour aujourd'hui ? Aliénor ferma doucement les yeux et souffla doucement, une fumée voluptueuse sortit de ses lèvres. Voyons voir... Tiens donc ! Un homme connaissait un ami qui avait trouvé sa femme avec son meilleur dans le lit conjugal ! Cimmeria serait touché par une vague de froid anormal pour la région, déboussolant les habitudes des habitants. La fille d'un client aurait fêté ses quatorze ans hier, le père ne jurait que par sa beauté, contant à son compagnon de table à quel point il était chanceux d'avoir une enfant aussi douce et charmante. Le volcan de Lokram serait rentré en éruption et aurait détruit la ville qui est à nouveau en feu...

La Rôdeuse prit une gorgée d'Hydromel et jeta un coup d'oeil sur la jeune fille et son renard. Elle avait l'air de se tenir tranquille... Tiens ! Voyez vous ça ! Il y aurait des attaques dans les grandes routes de Noathis et qui sait qu'on accuse... Les Eryllis ! " Ben voyons ! " s'exclama Aliénor dans son fort intérieur en gloussant à voix basse. Elle porta sa pipe à ses lèvres et inspira profondément avant de pencher sa tête en arrière et de laisser échapper la fumée dans un léger souffle. Un sourire malicieux et d'amusement se lisait dans son doux visage. Les légendes qu'on pouvait raconter sur les Eryllis l'amusaient en tout point. Certaines étaient bien fausses, mais cela faisait rires à elle et ses soeurs quand elles se réunissaient autour d'un bon feu. Et le plus amusant dans cet histoire c'est qu'il y a bien des années, Aliénor avalait ces sornettes, comme on pouvait avaler un verre de lait. Qui aurait dit qu'un jour qu'elle ferait partit de cette troupe de femmes qui étaient à présent sa seule famille ? Bon, il ne faillait tout de même pas exagérer... Il arrivait certaines fois qu'elle et ses soeurs s'en prennent à des gens ayant de mauvaises intentions et qui pouvaient nuire à leur village... Mais de là à les accuser pour tout ces assauts... Faut pas pousser le bouchon trop loin !

Enfin, quoi qu'il en soit, la soirée se passa calmement. Il se faisait à présent tard et c'est peut-être sous le coup de la fatigue, mais les discussions intéressantes se faisaient rare. Aliénor n'avaient eu droit qu'à présent que des petites histoires de familles qui étaient tout de même plaisant à entendre. L'Eryllis s'amusait à écouter leurs petits problèmes, il était intéressant de voir comment se passait les journées chez des civils, car la jeune femme n'a jamais eu la chance d'avoir une vie de famille... Le jeune Will veut devenir marin de Noxis ? Comment ça le père n'était pas contents ?! " Mais bon Dieu, laisses le vivre sa vie ! " critiqua-t-elle en dévisageant la silhouette de l'éventuel père qui se plaignait à un ami entre deux gorgées de bière.

Soudain, elle remarqua du coin de l'oeil que la jeune fille aux cheveux d'ors quitta l'auberge avec son renard. Et alors qu'Aliénor préparait la tabac pour fumer une deuxième fois, l'inconnue revint dans la taverne avec une mallette. La Rôdeuse haussa d'un sourcil, se demandant ce qu'elle avait l'intention de faire. C'est alors qu'elle vit le violon et elle comprit aussitôt la suite des opérations. D'ailleurs, l'annonce du tavernier ne faisait que confirmer ce qu'elle pensait. " Pour une soirée tranquille à la taverne, ça sera une autre fois peut-être... ". Aliénor soupira, n'étant pas vraiment d'humeur pour endurer une soirée musicales. Elle pouvait partir et éviter ainsi l'ambiance, mais elle avait soudain la flemme... C'est qu'elle était bien installée sur sa chaise avec les deux pieds sur la table.

Quoi qu'il en soit, la petite avait don de mettre l'ambiance. Tout le monde avait l'air entraînait dans ses notes qui se succédaient avec beaucoup de vivacité. Elle rajoutait même des grelots à ses pieds pour endiabler sa musique. En temps normal, Aliénor aurait rejoint les autres clients, et aurait tapé du pieds et des mains pour accompagner la violoniste, mais ce soir, elle n'avait aucune volonté... A cet instant, elle voudrait se retrouver dans Noathis, dormant contre son ami Fenrir à la belle étoile... Ah ! Quelle belle vie !

Et c'est alors que le son du violon et des grelots se firent bien plus fort qu'à l'habitude... Normal ! Aliénor venait juste de remarquait que la jeune fille se trouvait à ses côtés, dansant et jouant de son instrument avec une gaîté charmante. Mais l'Eryllis n'avait guère envie de jouer. Elle porta sa pipe à sa bouche et craqua une allumette, arrachant son visage encapuchonnée des ténèbres, et fit brûler l'herbes à pipe. Elle inspira profondément, dégusta le goût du tabac au fond de sa gorge, avant de laisser la fumée s'échapper des ses lèvres rosées. Elle regarda enfin la jeune fille, avec un regard... Difficile à d'écrire. Il n'était cependant pas hostile, en fait, il ne représentait rien. C'était un simple regard, profond, sage et mystérieux, comme la lueur qui brillait depuis toujours dans ses yeux.

Elle ferma ensuite les paupières et souffla doucement pour chasser la fumée dans sa gorge. Elle détourna ensuite la tête et fixa l'une des fenêtres de la taverne d'un air rêveur. Quelque chose lui disait que la soirée ne va pas se finir de si tôt.

Sytrinn espérait une réaction positive à son invitation musicale, de la part de la jeune femme. Mais cette dernière, comme quelques instants auparavant, se réfugia dans le tabac. Elle bourra sa pipe, craqua une allumette dont la flamme éclaira son visage et pris une bouffée. Son expression paraissait fade, mais ses yeux disaient tout autre chose. Il en émanait comme une paisible aura, pailletée de malice, un peu comme un vieux sage. Les clients qui dansaient essayaient de la convaincre.

- Aller mademoiselle, vous êtes jeune, venez vous amuser un peu !

Sytrinn qui ne voulait pas déranger plus longtemps celle à qui elle faisait face, coupa court aux interpellations des clients par un " Comme vous voudrez mademoiselle ! ", puis elle s'éloigna de la table, entraînant les danseurs avec elle. Dommage !
Quand Sytrinn eut fini son morceau, des applaudissements fusèrent dans le Poisson Fringuant, même des passants s'étaient agglutiné à l'entrée de l'établissement, attirés par la musique et les cris de joie. La jeune violoniste était aux anges, elle avait réussi à rapprocher ces gens grâce à une simple mélodie. Pour elle la musique n'était pas qu'un art, c'était une magie ! Les clients plaisantaient entre eux, passaient de nouvelles commandes, les choppes s'entrechoquaient gaiement. Sytrinn reprenait son souffle, accoudée au comptoir et terminant son annanias. Le tavernier prit la main de la jeune femme entre les siennes, en la secouant légèrement.

- Merci mademoiselle Sandström, les clients sont ravis ! Vous êtes toujours la bienvenue ici !

Sytrinn lui rendit un sourire amical. Si elle pouvait rendre service à cet homme tout en s'amusant ! Néanmoins elle n'était pas tout à fait satisfaite de sa soirée.
Elle se dirigea vers la table obscure.

- Mademoiselle, je vous prie de me pardonner si je vous ai importuné.

Pour toute réponse, un léger nuage de fumée vint caresser son visage. La raison de l'attitude que cette jeune femme avait eu, Sytrinn la connaissait bien : la nostalgie. Du moins c'est ce qu'elle pensait.
En un coup d'oeil discret elle analysa l'inconnue. Ses bottes étaient quelque peu boueuses, or il n'avait pas plu à Tyrhénium depuis plus d'une semaine. Malgré le fait que la boue soit sèche, la couleur de celle ci était trop foncée pour être issue de le terre et du sable des rues de la ville. De plus, quelques brins d'herbe y étaient restés prisonniers. La jeune femme avait sûrement une attirance pour la nature, mais la boue sur ses chausses étant sèche, elle n'avait plus été à son contact depuis quelques jours apparemment. Sytrinn remarqua également des poils blancs sur la cape de la jeune femme. Ceux de sa monture ? Non, quand Sytrinn était sortie tout à l'heure pour prendre son violon, aucun cheval blanc ne se trouvait là. Il lui restait deux possibilités : soit elle était une yorka, soit il s'agissait des poils de son compagnon. Compagnon qui n'était pas présent avec elle, donc trop imposant. Sytrinn réfléchit, un ours blanc peut être ? Non, la boue sur ses bottes n'indiquait pas qu'elle venait de Cimmeria. Un loup blanc, alors ? Possible, les loups vivent dans la forêt après tout, et la terre de la forêt est foncée et boueuse.
De toute évidence, la jeune femme aimait la nature, et peut être était-ce de ça dont elle était nostalgique ?

Sytrinn adressa un sourire à la fumeuse de pipe, et s'en retourna à son violon.

- Mesdames, messieurs, je vous propose de clôturer cette belle soirée en douceur.

Elle plaça le violon sous son menton, l'archet sur les cordes. Elle espérait que la jeune femme apprécierait, elle décida d'improviser. Dans son esprit elle imaginait les chemins terreux et sinueux, la rosée sur les feuilles des arbres, alors elle peignait ce tableau en musique. Des gestes amples et des notes languissantes pour les chemins, de légers gestes piqués pour les perles de rosée. Puis, la mélodie se fit plus grave alors qu'elle imaginait un loup puissant, et se faisait plus aiguë alors qu'elle apercevait une jeune fille. Ainsi son archet se déplaçait au gré de son voyage intérieur. Elles s'était tellement imprégnée de ses images, que lorsqu'elle termina son morceau, Sytrinn se rendit compte qu'elle n'avait même pas prit le temps de guetter les réactions de sa destinataire, pendant qu'elle jouait.
Les clients applaudirent, crièrent des "bravo ! ", puis la taverne commença à se vider.

Cela se voyait pourtant qu'elle n'était pas d'humeur à danser ! Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que les clients réclamèrent que la Rôdeuse rejoigne la danse ! Ah... Aucun respect ces jeunes... Ah non c'est vrai ! Ils étaient plus vieux qu'Aliénor ! Enfin, passons ! Bien que l'invitation était tentante, la jeune femme n'avait réellement pas envie de s'amuser. Ah dire vrai, c'est à peine si elle avait bougé la tête quand les clients et la violoniste ont essayé de la convaincre. Elle fixait toujours l'une des fenêtres de l'établissement, l'air morose... Heureusement que la jeune fille avait comprit, et la laissa enfin en paix.

Quand elle fut éloignée, Aliénor tourna enfin la tête et observa les gens danser avec gaieté. La joie et la bonne humeur étaient revenues dans la taverne, on pouvait lire dans leurs visages rayonnant que la soirée les plaisait. Et quand la violoniste termina son morceau, un tonnerre d'applaudissement harcela la fine ouïe de la Rôdeuse jusqu'à lui donner un mal de tête. Voilà le premier inconvénient d'avoir des sens développé comme un Sindarin ! Cependant, même si cette cacophonie fut désagréable pour elle, elle pouvait imaginer que cela a beaucoup plut à la jeune fille... Quoi qu'il en soit, son intervention redonna la vie dans le Poisson Fringuant. Les gens parlaient à nouveau, riaient, s'amusaient et surtout, commandaient à nouveaux des choppes au plus grand plaisir du tavernier.

Alors qu'Aliénor reprit une bouffée de sa pipe, la violoniste la rejoignit et s'excusa du désagrément qu'elle a pu lui causer. Et la jeune femme lâcha la fumée qu'il lui chatouiller la gorge dans un léger souffle. Elle fut satisfaite de voire que cette jeune fille qui était à peine plus jeune qu'elle lui fasse des excuses car oui, d'un côté, elle l'a un peu importuné. Au moins, il reste encore des jeunes qui savent faire preuve de respect envers leurs aînées.

- Ce n'est rien... Lâcha-t-elle d'une voix posée et amicale.

Ce n'était pas un mensonge, elle ne lui en voulait pas. Après tout, elle ne cherchait qu'à ranimer la soirée et faire plaisir au tavernier. Si la jeune fille a put satisfaire tout le monde, c'était tant mieux pour elle ! Et elle lui offrit un dernier sourire avant de s'en aller mais au plus grand étonnement de la jeune femme, la belle aux cheveux d'ors décida de faire un ultime morceau pour terminer cette soirée en beauté. Alors Aliénor ne put s'empêche de lâcher un long soupir désespéré. Ah non, pas encore une musique ! Elle avait assez fait danser les clients comme ça ! Non, la Rôdeuse n'avait vraiment pas envie d'écouter une autre musique entraînante...

Cependant, quand la violoniste commença à jouer, elle ne s'était pas imaginée qu'elle ferait une symphonie beaucoup plus... douce. Finalement, elle voulait bien écouter encore un peu. Elle ferma doucement les yeux, avec l'intention de mettre en valeur chaque note qu'elle entendait. Difficile à dire ce qu'Aliénor s'imaginait en l'écoutant jouer, peut-être bien le vent souffler dans les plaines, les Chutes Nébuleuses, ou les vagues s'écraser dans les falaises... Quoi qu'il en soit, cela plaisait à la Rôdeuse. C'était beaucoup plus languissant que la première musique, et cela allait plutôt avec son humeur du moment. La violoniste finit son morceau, et tout le monde applaudirent. Aliénor ouvra finalement les yeux et fuma à nouveau sa pipe l'air pensif. Oui, c'était bien joué. La petite méritait ces applaudissements...

Mais il de faisait tard, et la taverne se vidait peu à peu. Cependant, la jeune femme encapuchonnée préférait attendre qu'il n'y ait personne pour partir et c'est ainsi qu'une heure passa durant laquelle Aliénor fumait sa pipe et regardait la fenêtre l'esprit ailleurs. Et à présent, il ne restait aucun client. La serveuse débarrassait les choppes et les bouteilles sur les tables tandis que la tavernier lavait les verres et parlait un peu avec la violoniste... Tiens, elle était encore là elle ?

- Allez Ali, déclara subitement le gérant en arrachant l'Eryllis de ses pensées, je vais fermer et crois moi, je ne vais pas laisser la taverne ouverte pour tes beaux yeux !

Cette remarque lançait avec son éternelle bonne humeur fit glousser tout bas Aliénor dont un sourire moqueur planait sur ses lèvres rosées. Elle rangea délicatement sa pipe, vidé de ces cendres et hors d'usage, dans sa sacoche et elle se leva de son siège à regret. La jeune femme prit sa choppe vide et s'avança d'une démarche fluide et légère vers le comptoir.

- Tu as passé une bonne soirée ? Demanda alors la tavernier d'une voix posée.
- On peut dire ça, oui...

Aliénor sortit de sa bourse, accrochée à sa ceinture, quelques Dias. La gérant tandis alors la main avec un sourire satisfait, et la jeune femme laissa tomber une pièce.

Un Dias.

- Tu sais... J'aurais pu te le demander à toi... Souffla-t-il avec une voix mielleuse.
- Tu ne l'aurai pas fait, répondit Aliénor d'un doux sourire.

Deux Dias.

- Et pourquoi ça ?
- Parce que tu aurais perdue une cliente fidèle à ce moment là...

Trois Dias

- Je me rappelle d'une époque où ta musique résonnait dans le Poisson Fringuant et faisait rêver mes clients...
- A t'entendre, cette époque est révolue...

Quatre Dias

- Faudrait-il que je t'offre une choppe pour que tu joues à nouveau ?
- Crois-tu que ça me fera changer d'avis ? Demanda-t-elle amusée. Je ne peux jouer si l'envie n'y est point et que mon coeur n'est pas envahit de ces sentiments qui me pousseront à vous faire partager ce que je ressens... Et on ne commande pas les sentiments, mon ami.

Cinq Dias

- Pourtant, durant cette soirée, tu avais ce sentiment qui prenait tout ton coeur...
- Mais il y avait quelqu'un d'autre avant moi, répondit-elle avec un sourire des plus charmant.

Six Dias.
Le compte y est.

- Dis plutôt que c'est une excuse et que tu avais pas envie de jouer devant tout le monde ! Lâcha-t-il d'un ton moqueur.

Pour seule réponse, elle lui offrit un sourire radieux. Il avait peut-être pas faux... C'est vrai qu'à une certaine époque, elle lui jouait un morceau pour lui. Mais pour elle il fallait avant tout l'envie et le sentiment pour pouvoir y jouer. Cet unique sentiment qui la poussait à faire de la musique : la mélancolie. Mais il n'avait pas tord, aujourd'hui ce sentiment était en elle, bien que l'envie n'y était point. Mais heureusement pour Aliénor, la violoniste lui a rendue un fière service en jouant de son instrument. Ça a évité à la Rôdeuse de jouer. Tiens, en parlant de la violoniste...

- Quel est ton nom, toi qui illumina cette soirée ? Demanda l'Eryllis en se retournant vers la jeune fille aux cheveux d'or avec une voix amicale.

La taverne se vidait, le tavernier nettoyait et essuyait les chopes alors qu'il félicitait Sytrinn pour sa prestation. Mais la jeune femme était perdue dans ses pensées musicales. L'improvisation était son plus grand plaisir dans l'art qu'elle pratiquait. Il lui semblait prendre des risques, tout comme une funambule, le moindre faux pas et c'est la fausse note. Puis une vague d'émotion la submergea. Elle se souvint de ses belles années passées, de ses quinze ans, du temps ou elle jouait comme ce soir, pour son père et Ulrich, avant le drame. Ses yeux rougirent, s'emplirent de larmes douloureuses. Argh ! elle détestait cela ! Alors elle fronça les sourcils, plissa les yeux, une expression contrariée sur le visage, afin de retenir les perles d'eau salée au coin de ses yeux. Elle croisa le regard de Falko. Il avait les oreilles baissées, les yeux brillants de tristesse, il savait très bien par quelles émotions etait en train de passer son amie.

Malgré son douloureux voyage intérieur, Sytrinn avait entendu quelques bribes de conversation entre le tavernier et une femme, d'après ce qu'elle avait compris elle jouait également de la musique, mais ce soir Sytrinn lui avait en quelque sorte volé la vedette. Sytrinn eut une seconde de battement avant de percuter. Elle avait volé cet instant musical à quelqu'un ! Voilà qu'elle s'en voulait terriblement à présent. Elle savait à quel point la musique était symbole de liberté, personne ne pouvait se l’accaparer !

Elle fit glisser les quatre dias de son anannias sur le comptoir, en profitant pour jeter un coup d'oeil furtif en direction des voix. Son regard tomba sur un pan de cape noire mouchetée de bleu, puis se posa à nouveau droit devant elle. Alors c'était à elle qu'elle avait subtilisé cet instant musical ! Une double chape de culpabilité se déversa sur Sytrinn. Puis tout à coup...

- Quel est ton nom, toi qui illumina cette soirée ? Fit une voix féminine et amicale.

Sytrinn savait qu'elle avait encore les joues et les yeux rougis par les souvenirs difficiles de tout à l'heure. Raison de plus pour se ressaisir et adopter l'attitude rayonnante qu'elle laissait toujours transparaître. Elle se tourna vers la douce voix et afficha un sourire radieux.

- Sandström, Sytrinn Sandström, ravie de faire votre connaissance, dit-elle d'un ton tout aussi amical que celui qu'avait employé son interrogatrice. Et voici...

- Falko le renard bavard, c'est un plaisir de vous connaître, mademoiselle, fit l'animal en s'inclinant légèrement et adoptant une voix courtoise.

Maintenant que la lumière filtrait enfin sous le capuchon de la jeune femme, Sytrinn put estimer son âge à un peu plus de vingt ans. Cette personne avait un très beau visage, pensa-t-elle, mais pourquoi diable le cacher sous ce tissu sombre ! Elle put également voir s'échapper quelques ondulations brunes de sa capuche, contrastant avec sa peau claire. La seule touche de couleur que l'on percevait sur son visage était ses fines lèvres rosées s'étirant en un sage sourire.

- Mademoiselle, reprit Sytrinn, une expression sérieuse et navrée sur le visage, sans vouloir être indiscrète, j'ai ouïe dire que vous étiez musicienne et que c'est vous qui de coutume, enchantez ce lieu. Aussi, je voulais vous présenter mes plus sincères excuses pour vous avoir volé ce privilège. Puis-je vous proposer de revenir demain afin que nous jouions ensembles ? A condition, bien sûr, que votre instrument soit transportable. Poursuivit Sytrinn avec un sourire amical.

Tiens, tiens... Pourquoi avait-elle le minois plongé dans le tristesse ? N'était-ce pas des larmes qui coulaient sur son visage ? N'était-ce pas le chagrin qui était la cause du rougissement de ses yeux ? Aliénor se sentit soudain responsable, bien que ce n'était guère le cas. Elle aurait peut-être du remarquer qu'elle pleurait plus tôt, elle aurait peut-être fait quelque chose pour la réconforter... Oui mais, quel était l'origine de ces maux ? On ne pleurait pas ainsi quand on a fait une si belle soirée, et ce n'était surement pas des larmes de joie car ses yeux qui reflétaient une grande tristesse trahissait la jeune fille. Il n'y avait que les souvenirs douloureux qui pouvaient mettre une personne dans cet état et ça, Aliénor le savait que trop bien...

Bien évidemment, la jeune fille lui cacha son mal être par un radieux sourire, mais il en fallait bien plus pour la Rôdeuse pour la duper... Elle se voulait forte, faire comme si tout allait bien, mais mon Dieu... Quel regard mélancolique ! Un vieux proverbe disait que les yeux était le reflet de l'âme et à cet instant là, jamais cette phrase n'a été aussi vrai ! Enfin, quoi qu'il en soit, elle lui répondit d'un ton posée qu'elle se nommait Sytrinn Sandström et son compagnon se hâta de se présenter avec une courtoisie des plus touchante, arrachant ainsi un sourire amusé à la jeune femme.

- Je tâcherai de m'en souvenir... susurra Aliénor d'une voix aussi douce qu'un zéphyr.

La soirée prenait fin pour la Rôdeuse, elle n'avait plus rien à faire à présent et elle s'apprêtait alors à se lever du siège dont elle s'était temporairement installée, quand la voix de la violoniste l'en empêcha. Elle écouta attentivement et avec politesse ce qu'elle avait à lui confier et quand elle eu terminé, un sourire radieux apparut sur les lèvres de la jeune femme. Elle déposa son coude sur le comptoir et ses doigts fins retint son menton, tandis qu'un léger rire sortait de la barrière de ses lèvres. Elle regarda alors Sytrinn avec un regard d'amusement avant de lui déclara d'une voix douce et posée :

- Tu fais erreur jeune fille... Oui, je joue quelques fois, mais le nombre de fois où j'ai pu le faire dans cette salle se compte sur les doigts de deux mains... De ce fait, je ne suis pas la musicienne "à titré" du Poisson Fringuant et je joue que très rarement. Alors, dire que j'ai coutume d'enchanter ce lieu est totalement faux... Et tu n'as pas à t'excuser pour ce soir, tu devrais plutôt te féliciter pour avoir émerveillé les clients... Et puis... Qui t'as dit que j'avais réellement envie de jouer ce soir là ? Son sourire s'était élargit et elle se redressa sur son siège avant de continuer : Pour ta proposition, hélas, je ne sais quoi te répondre... J'avais l'intention de partir ce soir...
- Et quelle sera ta destination ? Demanda subitement le tavernier qui avait écouté leurs conversation.
- Eh bien, j'avais l'intention de partir vers Noathis... Ou bien Cimmeria, voilà longtemps que je n'ai plus fait escale ! C'est difficile à dire, il y a tellement d'endroit que j'ai envie de revoir... Tout dépendra de ce qu'on décidera
- " On " ?
- Tu as oublié que je ne suis pas toute seule à parcourir Istheria
- Ah oui ! Ton fameux Fenrir... Et tu repars pour combien de temps ?
- Je l'ignore, tout dépendra de la destination qu'on choisira et du temps qu'on voudra rester... Tu sais, je n'ai rien qui me rattache à la ville, je suis libre d'aller et de rester où bon il me semble, et nul être ne m'en empêchera !

Elle avait dit cette phrase avec une telle émotion dans sa voix, qu'on devinait aisément qu'elle adorait sa vie de nomade. Parcourir des terres inconnus, faire de nouvelles rencontres, découvrir des paysages époustouflant et apprendre de nouvelle culture... C'était ça la vie pour Aliénor.

- Ben justement... Déclara subitement le tavernier en croisant les bras. Il n'y a pas le feux, tu peux donc partir quand tu veux de Tyrhénium. Alors dis moi, pourquoi tu peux pas reporter ton voyage à demain soir ?
- Tu lâches vraiment pas l'affaire toi... Souffla l'Eryllis en lâchant un long soupir découragé.
- Je ne lâche jamais prise quand je l'ai entre mes mains !

Aliénor leva les yeux au ciel, l'air désespéré... Quelque chose lui disait qu'il va falloir qu'elle use beaucoup de stratagème pour le convaincre de la laisser partir ce soir...

Le visage de la jeune femme se détendit et semblait même amusé. D'une voix calme et douce elle rassura Sytrinn sur son statut de "musicienne du Poisson Fringuant", en fait elle n'avait joué que très peu pour l'établissement. Ce soir là, Sytrinn lui avait même rendu service en jouant à sa place, car elle n'en avait pas éprouvé l'envie. Cette jeune femme qui se faisait distante et froide en début de soirée s'était à présent dévoilée comme Sytrinn l'avait perçue, une personne sensible et compréhensive sous une carapace mystérieuse et masculine. Elle était à peine plus âgée que Sytrinn et pourtant, elle dégageait une sagesse rassurante.

- Pour ta proposition, hélas, je ne sais quoi te répondre... J'avais l'intention de partir ce soir...

Le tavernier la questionna sur sa destination. Assurément, elle menait une vie de nomade avec son compagnon qu'elle appelait Fenrir, car elle mentionna Cimmeria et Noathis, deux endroits que rêvait de découvrir Sytrinn ! Toutes les histoires et légendes qu'elles avaient pu entendre à propos de ces lieux ! Elle sourit tout en se mordant la lèvre inférieure, les yeux pétillants et avides d'aventure.

Mais elle n'avait jamais quitté la ville qui l'avait vu naître, Tyrhénium. Ah ! Cette cité avait été source de malheurs pour la jeune femme, certes, mais aussi d’innombrables aventures et de bonnes rencontres comme le gentil tavernier, sa deuxième famille les ladrinis, ou encore cette jeune exploratrice qu'elle avait en face d'elle...

- Monsieur, vous ne pouvez pas retenir cette demoiselle, dit Sytrinn d'une voix douce mais autoritaire. Je suis certaine qu'elle resterait pour vous faire plaisir, mais son compagnon lui manque... que ferais-je, moi, sans Falko à mes côtés. Je peux comprendre ce qu'elle ressent, même en n'ayant jamais été séparée de mon ami.

Le renard vint poser tendrement sa tête contre la jambe de Sytrinn. Puis cette dernière se tourna vers la jeune nomade.

- Partez mademoiselle, je ne vous supplierai pas de revenir demain. Moi aussi j'aimerai partir, seulement, je n'ai jamais quitté Tyrhénium si ce n'est lorsque mon esprit vagabonde au gré des légendes des vastes contrées d'Isthéria.

Sytrinn souriait, mais les regrets lui pinçaient le coeur. Jamais elle ne pourrait quitter la ville, elle ne connaissait aucun chemin, aucune route, elle n'avait aucun guide.

- Un jour, moi aussi je parcourrai Isthéria, reprit la jeune fille en se levant de son tabouret, et qui sait ? Peut être nous reverrons-nous ? En tout cas je le souhaite de tout coeur. J'ai été ravie de faire cette rencontre intrigante, j'aurais aimé vous connaître davantage, dit Sytrinn en souriant, le regard cependant triste.

Je ne connais pas votre nom,
Mais la musique a de grands pouvoirs !
Ainsi, pour accompagner votre départ,
Votre nom vous semblera murmuré par les pleurs d'un violon,

Tavernier, bonsoir !
Mademoiselle, au revoir.

Sytrinn inclina noblement la tête, son éternel sourire sur le visage, trahit par un regard mélancolique. Puis, sa mallette à la main, elle fit signe à Falko et tourna les talons.
Lorsqu'elle fut dehors, elle prit le renard dans ses bras, le posa sur Amadeus, puis monta à son tour. Elle fit claquer les rênes dans la nuit et partit au galop dans les rues presque désertes de Tyrhénium.
Au bout de quelques minutes, elle s'arrêta au pied d'un édifice religieux, dessangla sa mallette pour la faire passer en bandoulière autour de son corps. Ainsi arnachée, elle entama son ascension. Après quelques acrobaties quelque peu périlleuses, Sytrinn arriva au sommet de l'édifice et la cité toute entière s'offrit à sa vue. La jeune femme ouvrit sa mallette, prit son instrument et joua mélancoliquement dans les ténèbres son adieu à la nomade.

Aliénor s'attendait à d'autre réprimandes de la part du tavernier pour qu'elle puisse rester à la taverne jusqu'à demain soir. Si cette soirée lui avait rapporté beaucoup d'argent dans les tiroirs, il semblerait que cela de soit pour le lendemain si en plus on rajoutait une deuxième musicienne. De plus, la Rôdeuse voyait bien là une forme de vengeance. Il connaissait assez bien sa cliente pour savoir que pouvoir la faire jouer était quelque chose d'aussi rare qu'une éclipse, et si il réussissait, jamais il n'aurait au tant de fierté que de l'avoir convaincu... Elle réprimanda cette idée avec un sourire en coin, s'imaginant sa tête gonflée par l'orgueil. Si cela avait été un autre jour, elle aurait finalement accepté pour lui faire plaisir, ainsi qu'à la violoniste. Mais le temps se faisait long, et elle ne demandait qu'à rejoindre les terres sauvages avec son compagnon de vie. D'ailleurs, Fenrir devait sûrement s'inquiétait. Après tout, cela fait tout de même quelques jours qu'ils ne s'étaient plus revus... L’inconvénient d'être avec un loup sauvage, c'est qu'il ne pouvait pas la suivre partout, encore moins où il y a beaucoup de monde. Ça le rendait nerveux et il serait désorienté. Il pourrait facilement perdre son sang froid et s'attaquer accidentellement à un innocent. Alors, c'était le marché qu'il était convenu : il devait la laisser partir, seule dans la population, mais il faisait en sorte qu'il soit toujours jamais loin des portes de la ville.

Bref, Aliénor s'apprêta à lui répliquer une excuse, quand elle fut coupée par Sytrinn. Elle réprimanda le tavernier de vouloir la retenir, bien qu'il faisait surtout ça pour taquiner sa cliente. Elle justifia l'escapade de la Rôdeuse par le fait que son compagnon lui manquait. Ce n'était pas vraiment la réelle justification, mais cela faisait partie de ses raisons de vouloir partir... Elle s'est ensuite adressé à Aliénor qui n'avait sortit aucun mot depuis le début de son intervention. Elle lui ordonna de partir car elle ne tentera pas de la retenir. Elle enviait l'Eryllis de pouvoir voyager ou bon lui voulait, chose que ne pouvait pas faire la violoniste. Cette dernière voulait elle aussi partir et que le deux jeune femmes se revoient dans un futur proche. Alors, la Rôdeuse sentit là comme des adieux et sentait que cela pinçait le coeur à Sytrinn dont le regard était voilé de tristesse. Aliénor voulut lui parler, lui dire quelque chose, mais elle enchaîna si vite, qu'à peine fit-elle ses adieux, qu'elle se retrouva dehors.

L'Eryllis fut déconcertée, quelque peu perdue... Elle n'était pas sûr d'avoir bien comprit ce qu'il s'est passé. Les yeux écarquillés, elle se retourna vers le tavernier, qui fut lui aussi quelque peu perturbée. Tout s'est fait si vite, qu'Aliénor n'avait même pas put la réconforter, l'assurer qu'à son tour viendra le temps où elle pourra voyager ; ce n'était qu'une simple question d'envie... Elle n'avait même pas eu le temps de lui offrir son nom, et encore moins ses adieux... Quel curieuse jeune fille !

- Que sais-tu d'elle ? Demanda alors Aliénor au tavernier.
- Pas grand chose à dire vrai... Elle vient souvent chez moi, c'est une enfant agréable et qui, comme toi, aime récolter des informations sur ce qu'il se passe à travers Istheria...
- Oh, vraiment ? souffla-t-elle en fronçant avec gravité les sourcils.

Quelque chose d'intriguant planait sur la jeune Sytrinn, Aliénor serait prête à jurer que cette petite cachait quelque chose. Elle a depuis toujours apprit que les apparences pouvaient être trompeuses ; et si cette violoniste n'était qu'un simple mirage ? L'Eryllis secoua la tête, ce n'était pas le moment de se remplir de tant de question au sujet d'une simple adolescente ! Et comme si le tavernier avait lu dans son esprit, il lui annonça avec un grand sourire qu'il était l'heure pour lui de fermer les portes.

- J'espère te revoir bientôt, Ali... Dit-il avec douceur en serrant sa main. Fais un très bon voyage et que les Dieux te protègent.
- Au revoir, mon ami... susurra Aliénor d'une voix aussi mélodieuse qu'un zéphyr.

Elle tourna ensuite les talents et partit, sans se retourner, de la taverne. Dehors, il se faisait tard et les rues étaient désertes. Il faisait frai et la jeune femme s'amusait à faire apparaître des brises en savourant les caresses du vent sur sa peau claire. Elle inspira profondément jusqu'à que sa gorge lui brûlait, et souffla avec un doux sourire sur ses lèvres. Alors qu'elle entama seule sa marche parmi les ruelles de Tyrhénium, un son mélodieux arriva jusqu'à elle. Note mélancolique qui déchirait le silence religieux, mélodie enivrante d'un violon jouer par une musicienne d’exception... " Sytrinn... " Pensa-t-elle en lâchant en long soupir. Elle se rappela alors de ses paroles, son nom sera accompagné des pleurs d'un violon... Pourquoi cela lui faisait autant de peine à cette jeune fille qu'elle parte ? Elles se connaissaient même pas ! Elle était prête à reprendre son chemin, retrouver les terres sauvages... Mais il serait bien injuste de repartir alors que la violoniste pleurait son départ. Alors, Aliénor lâcha un long soupir découragé et décida de faire demi-tour en suivant la mélodie. " Petite sotte... " pensa-t-elle en secouant la tête.

Il fallut quelques minutes pour retrouver l'origine de ce chant mélancolique. Au pied d'un édifice religieux, elle trouva un cheval et sur son derrière était installé un renard roux que la jeune femme reconnut. Tout les deux se dévisagèrent, avant que Falko lui montre d'un signe de tête sa compagne perché dans le toit à jouer du violon. Alors, l'Eryllis lâcha un second soupir et s'installa contre l'édifice. Adossée contre la pierre, elle écouta attentivement la symphonie du violon qui pleura le nom inconnu de la Rôdeuse. Cette dernière ne comprenait pas sa peine, pas du tout même... Sytrinn était décidément un curieux personnage et Aliénor se demandait si tout ceci n'était pas une mascarade... Mais les notes trahissait les véritables sentiment de la violoniste. Que devait faire la Rôdeuse ? La rassurait ? Mais de quoi ? Qu'elle reviendra ?

- Tsss...

Oui, elle trouvait ça réellement absurde de pleurer le départ d'une inconnue... Il va falloir que la jeune fille lui donne quelques explications à ce sujet. Mais quoi qu'il en soit, Aliénor n'avait pas un coeur de pierre, et face à cette détresse, elle ne pouvait pas rester là sans rien faire... Ah, qu'elle était gentille cette douce Aliénor ! Un jour, qui sait, ça lui retombera dessus.

Elle sortit de sa sacoche une flûte en bois. Elle hésita pendant un moment, mais c'était là un bon moyen pour, peut-être, faire retrouver le sourire à la jeune Sytrinn. Prenant un inspiration, sous le regard curieux de Falko, elle souffla dans l'instrument. Une note grave et douce interrompit en premier temps la violoniste. Elle fit tenir la note durant un moment, avant de changer de son, encore, et encore... Elle se mit à jouer. Une mélodie harmonieuse et fort douce, au timbre mélancolique. Le vent fit son apparition et gémit sous cette symphonie en caressant les visages des deux jeunes femmes. Le bruissement des arbres se fit alors entendre et se fut comme un enchantement. Le son de la flûte semblait ranimer la nuit, jamais la lune n'a était aussi belle que cette nuit là, jamais le vent n'a était aussi doux, et voilà que la flore semblait être bercée par le souffle du vent et de la symphonie d'une Rôdeuse qui chantait sa solitude et sa mélancolie aux étoiles...

Caressées par l'archet, les cordes vibraient et les notes, telles des larmes, s'envolaient au-dessus de la ville endormie. Le violon pleurait. Mais bon sang ! Pourquoi éprouvait-elle tant de mélancolie pour cette jeune inconnue ? Cela n'avait aucun sens !
Mais c'était comme si son violon savait, lui... c'était cela, la magie de la musique. Le subconscient enfin révélé à la raison. Ainsi, lorsqu'elle jouait, Sytrinn eut les réponses à ses questions.

Ce soir avait débuté comme n'importe quel soir. Cette inconnue était comme n'importe quelle inconnu que l'on croisait dans sa vie. Sytrinn aurait pu voir dans son attitude de la froideur, de l'indifférence, de l'arrogance... au lieu de ça elle avait été intriguée, et nullement offensée par la façon d'être de la jeune femme. Elles ne se connaissaient pas ! Et pourtant, Sytrinn ressentait ce terrible pincement au coeur, comme le sentiment de perdre quelque chose d'important. Mais quoi ? L'opportunité de voyager ? Pas seulement cela... il y avait autre chose... *Parles, violon ! Parles ! Parles, Sytrinn ! Parles !*
Malheureusement, la principale raison pour laquelle la jeune fille était si triste, resta dans l'ombre. Le violon s'interrompit.

Un son grave transperça l'air, il dura, puis un autre son, encore un autre, une mélodie...

Sytrinn resta abasourdie, de toute évidence elle avait perdu l'esprit ! Elle secoua la tête. La mélodie se poursuivait. Son coeur fit un bond, tout comme son corps à cet instant. Debout sur le toit, telle une ombre se détachant sur la lune d'albâtre derrière elle, Sytrinn regarda sa silhouette noire dans la lumière blanche sur le sol, le violon dans une main, l'archet dans l'autre. Non, ce n'était pas elle qui jouait. D'ailleurs ce n'était pas du violon mais... une flûte.

Elle ne voyait rien, mais la mélodie provenait d'en bas en tout cas.
Alors le pincement au coeur disparu et Sytrinn sourit. La magie de la musique...
Elle plaça le violon sous son menton, s'inspira de la mélodie jouée par la flûte afin d'être en harmonie avec elle, et joua. Tout comme, un peu plus tôt, la musique avait rassemblé les clients du Poisson Fringuant, elle réunissait à présent deux jeunes femmes opposées par le caractère, opposées par le statut...

Le duo mélodieux envoûta Tyrhénium. Les habitations s'éclairaient une à une pour écouter la symphonie mélancolique. La nature bruissait au gré du vent caressant.

Sytrinn savait. Elle savait que c'était la nomade qui l'accompagnait. A la première note qu'avait joué la flûte, il lui sembla entendre sa voix emplie de sagesse.
Le voile sombre s'estompa au fil de la musique, la deuxième raison pour laquelle Sytrinn était si triste apparue. Banale. La sincérité. La jeune fille avait souffert par le passé et s'était obstinée à paraître et non plus à être pour se protéger. Si les gens étaient sincères avec elle, elle ne l'était jamais complètement avec eux. Ainsi, elle n'avait jamais connu d'amitié véritable. Mais ce soir... cette inconnue lui était apparue comme la possibilité d'être.

La mélodie cessa, le calme revint. Sytrinn rangea le violon dans sa mallette dont elle fit passer la sangle autour d'elle pour la transporter. Puis en équilibre sur l'arrête du toit, elle sauta pour atterrir au bord de ce dernier. Là, elle se laissa tomber, se rattrapant in extremis à une barre horizontale supportant anciennement un écriteau. Elle se balança, lâcha la barre et tomba souplement deux mètres et demi plus bas sur la terre ferme, un genou et les deux mains au sol pour se réceptionner sans douleur.

Appuyée contre le mur de l'édifice, la flûtiste la regardait approcher. Sytrinn ne pu retenir un sourire avant de reprendre son sérieux.

- Que faites vous ici ? Fenrir doit vous attendre !

Elle lâcha un soupir.

- J'aimerai tant partir avec vous, découvrir Isthéria, fit Sytrinn les yeux brillants, avant de reprendre en fixant le sol pour chercher les mots justes. Cependant, piteux fut le résultat. Je ne sais pas pourquoi... je... j'ai confiance en vous. C'est idiot...
En tout cas, ce fut un réel plaisir de jouer avec vous ce soir, termina t-elle en inclinant la tête.

Elle se retourna vers son cheval, gênée par l'incohérence de ses propos. Finalement, il était mieux qu'elles ne se revoient jamais, la honte était trop grande. Mais comment lui dire qu'elle s'était comme attachée à elle ? Qu'elle voyait en elle un mentor et une amie potentielle ?

Seul le vent avait accompagné Aliénor dans sa symphonie, murmurant ses complaintes oubliées. La Rôdeuse prenait plaisir a jouer dans l'obscurité de la nuit où seule la Lune trônait les cieux. Elle se sentait vider de toute émotion, purgeait de son mal-être, et elle aurait voulut continuer ainsi... Mais voilà qu'un autre son vint perturber cette harmonie. Le violon de Sytrinn se remettait à jouer. Au début, cela déstabilisait la jeune femme qui n'appréciait pas qu'on la dérange dans ce moment intime. Mais elle se souvint soudain pourquoi elle s'est mit à jouer dans les rues de Thyrénium au milieu de la nuit ; c'était pour apaiser la tristesse d'une violoniste qui n'avait pas supporté le départ d'une inconnue... Et Aliénor se demandait bien pourquoi elle faisait ça, elle n'avait nul compte à rendre à cette jeune fille. Elle était triste pour son départ ? Et alors ? Elle ne se connaissait pas à ce qu'elle sache ! Bref, les raisons de la mélancolie de la jeune fille restait un mystère et l'Eryllis se maudit quelque peu d'être aussi gentille...

Elle continua alors à jouer de la flûte accompagnait du violon de Sytrinn. Mais on voyait bien qu'Aliénor n'était pas à l'aise, encore moins enthousiasme de ce qu'elle faisait... Alors, pour oublier qu'elle était au milieu de Thyrénium à faire un duo avec une inconnue, elle ferma très fort les yeux et tenta de se concentrer sur les notes. Au moins, elle voyagera dans son subconscient en oubliant tout ce qu'il l'entoure. Elle s'imaginait bien des choses, comme des grandes plaines verdoyantes, un ruisseau qui se faisait un chemin entre les pierres, et des vagues immenses qui s'écrasaient dans un grand fracas contre les falaises... La musique était ainsi un moyen de s'évader dans l'imagination des gens, tout comme pouvait le faire la lecture ainsi que l'écriture...

Enfin, la musique cessa et se fut un réel soulagement pour Aliénor qui avait l'impression qu'on avait retiré une épine dans le pied. Elle lâcha un long soupir en rangeant sa flûte dans sa sacoche et prit sa gourde. C'est que ça donnait soif à force de souffler ! Prenant une grande gorgeait, elle vit du coin de l'oeil que Sytrinn descendait. Elle n'avait pas réellement envie de la parler, mais c'est qu'il était impolie de partir sans dire un mot après ce qu'il s'est passé. Rangeant sa gourde dans son sac, elle s'adossa contre le mur et attendit que la violoniste vint à elle.

D'ailleurs, elle lui demanda avec étonnement ce qu'elle faisait ici alors que Fenrir l'attendait. A ces mots, Aliénor haussa les sourcils et elle allait lui répondre qu'elle aurait put en effet rejoindre son ami et partir loin de la citée mais une petite sotte lui dérangeait dans ses affaires et elle s'était obligée de la voir pour la réconforter d'un chagrin incompréhensible... C'est peut-être ce qu'elle lui aurait répondu, en moins agressive évidemment, mais Sytrinn reprit d'un soupir ce qui empêcha à l'Eryllis de sortir le moindre mot. Elle lui confia alors qu'elle voulait partir avec elle pour voyager dans Istheria car elle avait confiance en elle...

Cachées sous son capuchon, les yeux de la Rôdeuse s'ouvrirent en grand. Elle avait soudain envie de lui demander si ce n'était pas une blague ! Et que si c'était le cas, ce n'était pas drôle... Mais vu comment régissait la petite Sytrinn face à ses propres propos, elle préféra se taire... C'était la première fois qu'on lui faisait ce coup ! Ou quoique... Il y avait bien d'autres enfants qui lui avaient demandé de l'accompagner dans ses périples. Mais leurs supplications étaient enfantines et il suffisait d'un sourire et de lui dire qu'un jour viendra leurs tours pour qu'ils abdiquent avec l'espoir qu'elle avait raison... Bref, c'était tout a fait normal pour un gamin de demander avec détermination à un aventurier qu'il voulait parcourir le monde et tuer des gros monstres avec lui ! Mais là, c'était vraisemblablement sérieux...

Aliénor lâcha un long soupir, ne sachant pas trop comment se défaire de cette situation délicate.

- Tu sais, commença-t-elle d'une voix posée et sage, tu n'as pas besoin de moi pour parcourir Istheria... Si tu as de la volonté, l'envie irrésistible de voir le monde qui te dévore l'estomac, alors tu seras que rien, n'y personne peut entraver ta route. Il ne tient qu'à toi de faire le premier pas et tu dois t'en prendre qu'à toi même si tu es incapable de le faire... Alors dis moi, Sytrinn... Qu'est-ce qu'il te retient ? Qu'est-ce qu'il t'empêche de profiter de la vie ? Qu'est-ce qu'il t'empêche de vouloir être juste toi même et de vouloir faire ce que toi, et toi seule, veux réellement faire ?

Le vent mugit dans la nuit et fit claquer la cape d'Aliénor. Les mains jointes et la tête droite, la lune enveloppait la Rôdeuse dans une étreinte lumineuse et bleutée. Elle avait un air sombre et mystique, tandis que son regard perçant se posait sur la violoniste, en attente d'une réponse.

Sytrinn avait posé un pied à l'étrier et s'apprêtait à partir, quand l'inconnue brisa le silence.

- Tu sais, tu n'as pas besoin de moi pour parcourir Istheria... Si tu as de la volonté, l'envie irrésistible de voir le monde qui te dévore l'estomac, alors tu seras que rien, n'y personne peut entraver ta route. Il ne tient qu'à toi de faire le premier pas et tu dois t'en prendre qu'à toi même si tu es incapable de le faire... Alors dis moi, Sytrinn... Qu'est-ce qu'il te retient ? Qu'est-ce qu'il t'empêche de profiter de la vie ? Qu'est-ce qu'il t'empêche de vouloir être juste toi même et de vouloir faire ce que toi, et toi seule, veux réellement faire ?

La ladrini se ressaisit. Tout à l'heure, les pitoyables mots qu'elle avait lâché à la rôdeuse n'étaient que le fruit de la magie musicale qui faisait encore effet. Elle s'était senti faible, immature, et elle ne supportais pas l'image de l'enfant qu'elle avait jadis été. Avant le drame. Elle serra la mâchoire, la raison reprit le dessus sur le subconscient. Sytrinn avait souffert, s'était effondrée, s'était relevée. Tout ceci lui avait valu de gagner plus vite en maturité. Désormais elle était une femme, une adulte, mais elle conservait précieusement ce côté insouciant comme un atout, elle en jouait. Pourtant cette facette de sa personnalité s'était exprimée sincèrement ce soir.
Un sourire en coin fit son apparition sur le visage de Sytrinn. Elle se hissa sur sa monture et plongea son regard doré dans les ténèbres du capuchon de l'inconnue.

- Je ne vous avais pas demandé de venir, mais merci, fit-elle d'une voix courtoise accompagné d'un signe de tête.

Elle fit claquer les rênes et partit au galop dans les rues désertes de la ville. Cette nuit avait été étrange... Sytrinn n'aimait pas perdre le contrôle de ses sentiments comme elle l'avait fait ce soir. A l'avenir elle redoublerait de vigilance.
Quelques minutes plus tard, elle arriva enfin dans la cour de son manoir, descendit de cheval et se précipita à l'intérieur de la demeure. Elle gravit le grand escalier en quelques secondes, suivie de près par Falko. Une fois dans sa chambre, elle s'empara d'un sac en toile et y fourra quelques affaires et de l'argent.

- Mais enfin ma belle, que fais-tu ? S'inquiéta le renard.
- Nous partons.

Falko se tut, abasourdi. Sytrinn s'installa à son secrétaire, prit du papier, trempa sa plume dans l'encrier et rédigea une lettre à sa soeur. Ces derniers temps Rebecka et Sytrinn se voyaient peu, l'aînée était très occupée, elle ne s’inquiéterait surement pas pour sa cadette.
La ladrini se leva prestement et passa une grande cape brune à capuche sur ses épaules. Elle traversa le manoir et déposa la lettre dans l'entrée avant d'attacher son sac à la selle d'Amadeus. Elle partit ensuite au galop dans Tyrhénium, Falko tout contre elle.

Trois quarts d'heure avaient dû s'écouler depuis qu'elle avait quitté la flûtiste. Sytrinn arrivait presque à la sortie de la ville quand elle fit passer son cheval au trot. Un peu plus loin se dessinait une silhouette ample semblant flotter au-dessus du sol. La rôdeuse. La ladrini s'approcha, invisible sous son capuchon, le renard blottit dans sa cape qui recouvrait également la mallette contenant le violon. Une parfaite inconnue.
Le cheval passa près de la rôdeuse et sans s'arrêter :

- Bonsoir. Fit une voix d'homme, provenant visiblement du cavalier.

Falko avait salué la nomade tout en modifiant sa voix, la rendant ainsi plus menaçante et sournoise. Sytrinn arriva à la sortie de Tyrhénium et elle tendit discrètement le dos de la main aux deux gardes qui se trouvaient là. La chevalière à son doigt était ornée du blason de sa famille, ainsi les gardes la laissèrent passer sans encombre. La jeune femme partit au galop pendant deux minutes tout au plus, histoire de distancer la rôdeuse, puis poursuivit sa route au pas jusqu'à la lisière de la forêt où elle s'arrêta et attendit...

Ses paroles avaient stoppé tout gestes venant de Sytrinn. Croyant l'avoir touché, Aliénor attendit patiemment ce qu'elle allait lui répondre. Plus elle la fixait, plus cette jeune fille lui semblait singulière. Elle avait un comportement vraiment étrange qui lui faisait rappeler un Dias. Deux facette différente dans une même personne : celle qu'elle avait vu à l'auberge était Face, celle qu'elle voyait à présent était Pile. Voulait-elle caché quelque chose aux yeux du monde ? Un secret ? Une facette d'elle même ? Quoi qu'il en soit, la Rôdeuse attendit patiemment qu'elle lui réponde en toute sincérité à ces questions. Mais à sa plus grande déception, il en fut rien. La jeune fille remonta à cheval et la remercia pour cette visite qui n'était pas désirée, avant de partir au galop.

- Tsss... Lâcha l'Eryllis en faisant volte face.

Réellement déçu par le comportement de cette violoniste, Aliénor ne put s'empêcher de lâcher un long soupir désespéré en se maudissant d'être allée à sa rencontre. Si elle avait su, elle serait partit vers les grandes portes de Tyrhénium et aurait laissé cette jeune fille à son triste sort avec son violon.

Cette fois, la soirée était réellement terminée et l'Eryllis entama seule sa marche dans les ruelles de Tyrhénium. Un lourd silence régnait où seul le claquement de ses bottes contre le sol résonnait aux alentours. Elle se dirigea doucement vers les portes de la ville, l'air pensif, en repensant à son séjour ici. En général, cela s'était bien passé, bien que la soirée fut intrigante... Ce qui était sûr, c'est que cette Sytrinn restera dans sa mémoire car à cause d'elle, elle venait de passer l'une des soirée les plus étrange.s qu'elle ait vécu. L’en voulait-elle à ce sujet ? Difficile à dire... Quoi qu'il en soit, elle rêvassa ainsi durant tout le trajet, jusqu'aux portes de la cité. Cette dernière était gardée par quelques gardes qui dévisageaient l'ombre encapuchonnée.

Mais soudain, un bruit singulier lui vint à ses oreilles. Cela ne fut pas suffisant pour sortir complètement la Rôdeuse dans ces rêveries, mais juste assez pour qu'elle veuille satisfaire sa curiosité en jetant un coup d'oeil sur l'origine de ses bruits qui n'était autre que des sabots martelant le sol. Elle vit donc que c'était un cavalier et ce dernier la salua poliment. Afin de se montrer courtois, elle lui rendit son salue d'une voix neutre. Lui aussi passa les portes de Tyrhénium, et quand il vint le tour d'Aliénor les gardes la laissèrent passer en voyant qu'elle n'avait aucune mauvaise intention. L'Eryllis les salua et les remercia d'un geste de tête.

Elle ressentit alors un vive soulagement quand elle se trouva dans les grandes plaines. Mère Nature lui avait terriblement manqué ! Il n'y avait pas à dire, elle préférait largement sa vie de Rôdeuse qu'une vie de citadine ! Quoi qu'il en soit, elle continua sa route durant une heure, prenant tout son temps en admirant le paysage. Et enfin, la lisière d'une petit forêt se dressa devant elle. Elle s'apprêtait alors à appeler Fenrir, mais elle abstint au dernier moment quand elle vit une silhouette se détachait de la forêt. Un cavalier ? Que faisait-il si loin de Tyrhénium ? Ah oui ! C'était celui qui l'avait salué... Mais que faisait-il là ? Il semblerait en plus qu'il l'est repéré ! Qu'importe, elle n'a guère l'intention de lui parler, elle a surtout hâte de retrouver son ami.

Une bourrasque de vent fouetta le corps de la Rôdeuse, en faisant claquer sa cape, avant de se précipiter dans la forêt, comme si cette dernière aspirait le souffle du vent. Elle marcha en silence, en baissant la tête, car elle n'avait pas envie de regarder l'inconnu, risque qui pourrait engendrer une discussion. Et comme pour lui montrer en beauté qu'elle n'avait rien à faire lui, Aliénor passa juste à ses côtés, sans un mot, et commença à s'engouffrer dans la forêt...

Sytrinn attendait, elle faisait les cent pas tout en donnant des coups de pieds cadencés dans un caillou qui n'avait rien demandé. Tout à l'heure, quand elle était passée à côté de la rôdeuse, à cheval, elle avait retenu un petit rire. Mais qu'avait-elle ce soir ? Était-ce l'ancienne Sytrinn qui était d'humeur à faire des pitreries ? En tout cas, elle éprouvait comme une sorte d'euphorie effrénée à l'idée de partir à l'aventure. Ce petit sous-bois n'était qu'un avant goût de ce qui pouvait l'attendre.

- Trésor, tu ne crois pas que cette rôdeuse est un peu trop susceptible pour ce genre de choses ? Fit Falko.

La jeune femme ne répondit pas et le renard émit un soupir. Sytrinn le considérait comme un petit frère mais parfois c'était lui qui avait le rôle de l'aîné. Elle s'installa à plat ventre juste devant lui, et lui fit un sourire ravi et enfantin, puis elle se saisit de son compagnon et roula sur le dos. Falko émit une petite plainte. Elle l'attira tout contre elle.

- Que ferais-je sans toi ? Dit Sytrinn en soupirant.
- Pas grand chose...
- Pfff ! Et toi que ferais-tu sans moi ?
- La même chose, mais sans toi...
- Tu me le paieras, satané renard !

L'animal étouffa un petit rire satisfait. La jeune femme regardait les feuillages au-dessus d'elle, bougeant au gré du vent. Elle pouvait distinguer le ciel étoilé au travers des branchages, ainsi qu'une portion de lune dont la lumière blanche effleurait son visage.

- C'est beau, n'est ce pas Falko ? Tu sens cette odeur d'écorce et de résine ?
- Mmmm... fit le renard blottit contre son amie.

Soudain, Amadeus qui broutait tranquillement l'herbe derrière eux, releva la tête tout en laissant échapper un souffle sec de ses naseaux. Sytrinn se releva et vit au loin une ombre approcher. Elle pris Falko dans ses bras, l'enferma dans sa cape et grimpa sur l'étalon noir.

- Je ne vois vraiment pas où tu veux en venir, ma belle, dit le renard à voix basse.
- Chut, n'oublies pas ce que je t'ai dit, je veux seulement lui faire une petite surprise, chuchota la jeune femme.

La rôdeuse arriva enfin non loin d'eux, à pas lents, passa, les ignora royalement. Alors qu'elle s'engageait dans le sous-bois...

- Belle soirée, n'est-ce pas mademoiselle ? Fit Falko avec la même voix sournoise que précédemment. Quel est votre nom ?

La nomade ne prêta guère plus d'attention à cette interpellation. Sytrinn ouvrit discrètement sa mallette et en sortit son violon et son archet. Elle joua une note, un La, qu'elle tint quelques secondes. Puis la ladrini descendit de cheval en un saut gracieux et retira le capuchon qui dissimulait son visage.

- J'ai décidé de vous écouter, fit Sytrinn en souriant, je me rend dans la cité de Hellas. J'ai eu vent d'une dague volée à une prêtresse, et je m'engage à la lui rapporter. Pourriez vous, s'il vous plait, m'indiquer la direction à prendre pour me rendre en Cimmeria ? Mais avant, puis-je vous proposer de profiter de ma monture, le temps que vous retrouviez votre compagnon ?

Alors qu'elle s'engouffra dans la forêt, le pire se passa. L'inconnu l'avait interpellé, d'une voix sournoise et mielleuse. En premier temps, il lui demanda son nom et Aliénor ne put s'empêcher de hausser les sourcils. Cet idiot pensait réellement qu'elle allait lui donner son nom ? C'était une plaisanterie ? Alors qu'elle n'avait même pas déniait de se retourner vers lui pour le répondre, Aliénor reprit son chemin dans la forêt, mais un son singulier la fit stopper net. Une note de violon qui fit rappeler bien des choses à la Rôdeuse. Tout de même surprise, elle fit volte face pour en avoir le coeur net. C'est alors que le cavalier descendit à cheval et s'avança vers elle en lui dévoilant son visage. L'Eryllis écarquilla des yeux en reconnaissant la jeune Sytrinn. Mais que Diable faisait-elle là ? L'avait-elle suivit ? Pourquoi se retrouvait-elle si loin de Tyrhénium ? Comme si la violoniste avait lu dans ses pensées, elle lui répondit qu'elle avait finalement écouté ses conseils et elle voulait savoir la direction qu'il fallait prendre pour Cimmeria, car l'adolescente eu vent d'une mission dont elle voudrait s'engager. Elle lui proposa ensuite de lui prêter sa monture le temps de retrouver son compagnon.

Un sourire doux et malicieux se dessina sur les lèvres rosées d'Aliénor, qui avait écouté la jeune fille en silence. Elle voulait alors partir ? Réaction assez radicale qui était tout de même prise sur un coup de tête. La pauvre enfant ignorait bien souvent de la vie sauvage et du monde de l'extérieur. Elle avait même avoué plus tôt dans la soirée qu'elle n'avait jamais quitté la cité. Alors, comment va-t-elle faire dans le monde sauvage ? Saura-t-elle y survivre et percer tout ses secrets ? C'était tout de même assez irresponsable car elle ne connaissait ni la faune, ni la flore, et encore moins... Les directions ! Si elle était une véritable aventurière, elle aurait su que Cimmeria se trouverait au Nord d'Istheria.

Ainsi, elle lâcha un léger soupir, cette fille allait dans la gueule du loup en partant sans aucunes connaissances du monde qui l'entoure. Quoi qu'il en soit, elle lui répondit d'une voix douce et chaleureuse :

- Merci pour ta proposition, Sytrinn... Mais Fenrir m'a déjà trouvé.

A ces mots, la forêt se mit soudain à se mouvoir derrière la Rôdeuse. Des craquements de branches et de feuilles se firent entendre, tandis qu'un bruit sourd, semblable à un grognement, sortit des entrailles de la Terre. Et soudain, deux yeux apparurent dans les ténèbres, comme deux lunes brillant dans la nuit qui entourèrent deux pupilles noires comme de l'encre. Alors, l’animal sortit de la forêt et se fut un loup blanc démesuré qui se dressa derrière Aliénor. Il faisait plus d'un mètre quatre-vingt de garrot et il avait un pelage blanc qui luisait sous le clair de lune. Cependant, l'animal avait le poil hérissé et les babines retroussées, menaçant la violoniste et ses compagnons. Ses yeux perçants n'étaient en rien sympathique et il dévisageait avec férocité la jeune Sytrinn. Et pourtant, la Rôdeuse ne bougea pas d'un centimètre quand il apparut, au contraire, elle n'avait pas lâché la violoniste des yeux, comme si elle n'avait pas entendu l'arrivé de son compagnon. Car oui, ce loup blanc féroce était Fenrir.

D'ailleurs, quand Sytrinn s'avança d'un pas, le loup blanc se montra tout d'un coup plus hostile que jamais et tenta de se jeter sur la jeune fille. Aliénor se retourna alors vivement et fit face à son compagnon qui la dévisageait avec défi. La Rôdeuse plongea son regard dans le siens et ils se fixèrent ainsi pendant un moment. Les yeux de la jeune femme était doux, mais autoritaires et tranchants comme la lame d'une épée. Avoir un loup comme compagnon n'était pas sans risque et lui montrait le moindre geste de soumission pouvait lui être fatale. Fenrir grognait de plus belle et il présenta ses babines retroussées à quelques centimètres du visage de la Terranne. Mais la jeune femme resta impassible face à ses menaces et elle maintenait fièrement son regard animal.

- Laisses la... Finit-elle par dire d'une voix aussi douce qu'un zéphyr.

Fenrir dévisagea sa compagne quelques secondes avant de finalement relever sa tête. Il fit un pas arrière et cessa de grogner, bien que ses poils étaient toujours hérissés. Alors, Aliénor tendit le bras vers le museau de Fenrir qui était toujours debout à dévisager d'un regard méfiant Sytrinn. Quoi qu'il en soit, la Rôdeuse le caressa doucement et s'étonna à chaque fois qu'il ait un si doux pelage. Ses doigts se baladèrent sur sa tête avant de caresser son catalyseur situé sur son front. Le loup blanc parut apprécié ses caresses et afin d'en profiter, il ferma doucement les yeux. Et la Terranne posa son front contre le siens, fermant à son tour les yeux. Les ardeurs du loups se calmèrent peu à peu face à cette présence des plus apaisante et la jeune femme encercla son grand cou de ses bras avant d'enfouir son visage dans son pelage. Fenrir lui lécha doucement la joue, comme l'aurait fait un père.

- Tu m'as manqué aussi, Fenrir... Souffla-t-elle d'une voix des plus douce.

Elle se retira à regret de son étreinte et fit quelques pas vers Sytrinn. Cependant, son compagnon réagit au quart de tour et commença à grogner en retroussant les babines. Aliénor s'arrêta et fit un geste pour signaler à son compagnon que tout allé bien. Il ne fut cependant pas rassuré et il continuait à lâcher des grognements sourds et menaçants. La jeune femme espérait tout de même qu'il apaise ses ardeurs... Elle se retourna vers la violoniste et lui déclara d'une voix posée et rassurante.

- Si tu ne fais pas de gestes brusques et que tu restes calme, alors il ne t'arrivera rien... Mais saches que je n'ai aucun contrôle sur lui et je ne peux te promettre de te protéger si Fenrir décide de te ôter la vie... Après tout, nous sommes sur les territoires des bêtes sauvages et ils n'auront aucune pitié pour une jeune voyageuse égarée. Une règle d'or quand on est dans des terres hostiles et tu dois apprendre à être constamment sur tes gardes, Sytrinn. Je dois t'avouer que je suis étonnée de voir que tu aies pris une telle décision en ayant aucune connaissance sur la vie sauvage et encore moins sur les lieux qui résident sur Istheria. Ne pas connaitre les directions te pourrait être fatale, Sytrinn et je me demande si cela est vraiment responsable de ta part de partir sur un coup de tête... Mais si c'est ta décision, alors je ne vais pas m'y opposer. Elle t'appartient et tu dois l'assumer. Tu cherches Cimmeria ? Bien, rejoins la région de Dalma et à partir de là, prends la direction du Nord, tu atteindras ainsi ce que tu cherches... Je te souhaite bonne chance, Sytrinn...

Elle fit volte face, faisant claquer sa cape et rejoignit Fenrir qui était toujours aussi méfiant vis-à-vis de l'étrangère. Et sans se retourner, la Rôdeuse s'enfonça dans la forêt...

La rôdeuse déclina poliment la proposition de Sytrinn. Tout à coup, les feuillages se mirent à frémir, les branchages à craquer... Un grognement sinistre laissa place à la bête. Un loup blanc, qui dépassait d'une tête les deux jeunes femmes, approcha en tremblant de fureur, et en dévoilant des crocs aussi acérés que la dague de la ladrini. Sytrinn restait impassible devant le danger, elle plantait son regard dans celui de l'animal enragé, signe de respect et de non-soumission. Falko vint se placer aux côtés de son amie et arbora la même expression qu'elle. Le loup s'apprêtait à bondir quand soudain, la rôdeuse se planta entre Fenrir et Sytrinn afin de protéger cette dernière. Elle tenta de le calmer en le rassurant avec sa voix de velours. Finalement, le loup se résigna à reculer, les grognements avaient cessés mais il était toujours parcouru de frémissements. Son amie vint le rejoindre, caressa sa tête massive, puis enserra son cou de ses bras tout en enfouissant son visage dans sa fourrure blanche. Fenrir ferma les yeux et lapa tendrement la joue de la nomade. Quant à Sytrinn, elle observait ces retrouvailles avec un sourire attendri.

La rôdeuse s'approcha ensuite de la violoniste, et son loup montra de nouveau les crocs. Mais son amie lui fit signe qu'elle ne courrait aucun danger. Sytrinn savait parfaitement que Fenrir avait garder un instinct sauvage et qu'il aurait pu les dévorer, elle et son renard, quitte à blesser son amie pour parvenir à ses fins. Elle était d'ailleurs pleinement consciente qu'une jeune femme seule dans la forêt était à la merci de tout les dangers. Ce fut donc sans surprise qu'elle reçu le discours de la rôdeuse. La jeune ladrini avait tellement analysé les dires et les comportements de cette nomade qu'elle devinait facilement ses réactions et ses paroles. Néanmoins, elle sourit poliment malgré les constatations et les conseils inutiles de son interlocutrice.

- Tu cherches Cimmeria ? Bien, rejoins la région de Dalma et à partir de là, prends la direction du Nord, tu atteindras ainsi ce que tu cherches... Je te souhaite bonne chance, Sytrinn... Fit la nomade en tournant les talons et en s'enfonçant dans la forêt.

Dalma, puis direction : le Nord. Mais bien sûr, c'était évident ! La ladrini n'avait aucune idée d'où se trouvait Dalma et ne possédait ni carte ni boussole. Un sourire malicieux s'afficha sur son visage. Si elle avait attendu ici durant une heure, ce n'était pas par plaisir de poireauter. Sinon elle aurait pris une carte et une boussole, dont elle maîtrisait parfaitement l'usage, et serait partie sans se retourner. Mais Sytrinn avait une idée derrière la tête... Et elle allait devoir user de ses talents de comédienne.
Le sourire malicieux disparu de son visage pour laisser place à une moue enfantine et suppliante.

- Mademoiselle, attendez ! Fit-elle sur un ton désemparé. Je n'ai point de carte ni de boussole...et je... je ne sait où se trouva Dalma. Je sais que ma décision de partir est irresponsable, mais j'ai vraiment envie de venir en aide à cette prêtresse. Ses yeux s'embuèrent de larmes. Je n'y arriverait jamais toute seule, j'ai besoin de vous, je... j'ai si peur... termina t-elle d'une voix tremblante.

La ladrini aimait les défis. Et ce soir, la jeune femme avait justement vu en cette voyageuse, comme un défi. En effet elle avait un sacré tempérament, complètement opposé à celui de Sytrinn. Mais celle-ci voulait perfectionner son côté manipulateur et cette nomade serait son cobaye. Oh, bien sûr, il ne s'agissait pas de lui soutirer des informations privées afin de les retourner contre elle pour lui causer du tort. Non. C'était simplement un entraînement. Si elle parvenait à gagner la confiance de cette personne diamétralement opposée, alors elle gagnerait en expérience. Et puis, par la même occasion, elle se verrait enseigner la vie et ses dangers dans un environnement disons, différemment sauvage de la ville.
Tout ce dont était certaine Sytrinn, était que cette inconnue ne la haïssait pas et qu'il en était de même pour elle.

N'avait-elle pas fait quelques pas, que la voix de Sytrinn lui agressa violemment les oreilles. " Que se passe-t-il encore ? " se dit Aliénor en lâchant un long soupir exaspéré. Quand elle fit volte face, ce n'était plus le visage souriant de la violoniste mais des larmes et un visage suppliant. Elle lui suppliait de la prendre avec elle car elle n'avait ni carte, ni boussole et ne savait pas où se trouvait Dalma. Et bien que la jeune femme l'avait écouté avec une certaine pitié, l'idée de la prendre avec elle ne lui plaisait guère ! C'était une Rôdeuse solitaire nom de Dieu ! Elle aimait voyager seule et pas avec quelqu'un dans ses pattes n'ayant aucune connaissance dans l'aventure... Mais elle ne pouvait tout de même pas l’abandonner, ça serait tout de même avoir un coeur de pierre !

Aliénor se gratta délicatement la nuque, l'air pensif. Comment a-t-elle fait pour être dans cette situation aussi délicate ? Ah oui, elle avait croisé Sytrinn dans le Poisson Fringuant. Prise de pitié, elle l'avait rejoins à l'église et cette jeune fille ait partit sans demander son reste. Cette dernière a ensuite mise en place un stratagème bien étrange : elle a décidé de partir sur un coup de tête, elle l'a croisé aux portes de la ville en se faisant passer pour un cavalier, elle l'a attendu durant une heure au sous bois pour lui annoncer qu'elle avait suivit ses conseils et qu'elle avait décidé de partir, mais elle a besoin d'elle pour aller jusqu'à Cimmeria...

Soudain, et sans crier gare, la Rôdeuse éclata de rire, déstabilisant ainsi ceux qui l'entouraient. Elle s'était adossée contre un arbre tandis que son rire cristallin se répercutait dans les alentours. Fenrir la regardait avec douceur tandis que Sytrinn la fixait avec un drôle de regard : Aliénor était-elle devenue folle ? Et il fallut un moment pour qu'elle se calme avant de se retourner vers la violoniste avec un sourire malicieux sur les lèvres :

- Bravo Sytrinn, tu serais digne d'une Ladrinie... Tu es très bonne comédienne ! Même un Cavalier de Sharna serait tombée dans ton subterfuge. Je te félicite...

Et à ses mots, elle continua sa route dans la forêt, suivit de très près par Fenrir qui dévisageait avec hautin la jeune fille. Que s'était-il passé avec Aliénor ? Eh bien, elle a faillit tomber dans le piège de l'adolescente. Mais, trop d'élément montraient que Sytrinn se jouait d'elle. Quand on a réellement l'intention de partir, on attend pas pendant une heure une personne rien que pour lui dire qu'elle avait écouté son conseil. Et si elle avait justement réellement envie de partir et quand c'est sur un coup de tête avec pleinne d'assurance qu'on prend cette décision, on avait pas peur ! On ne passait pas non plus du jolie minois radieux en une cascade de larmes en un claquement de doigts et en faisant la petite enfant perdue alors qu'elle prend des airs de grand ! Oh oui, elle a faillit se faire avoir... Mais elle avait encore quelques entraînement à faire et elle devait faire attention à l'avenir avec les détails. Quoi qu'il en soit, avançant d'une démarche féline dans la végétation sauvage, elle continua à s'adresser à Sytrinn d'une voix malicieuse et moqueur :

- Écoutes, je n'ai nullement envie de te prendre avec moi. Je n'aime guère avoir quelqu'un dans mes pattes ! Si tu veux aller à Cimmeria, tu te débrouilles toute seule ! Mais... Ça peut-être intéressant... Et puis, je devais passer par Cimmeria...

Fenrir dévisagea sa compagne d'un air de désapprobation. Comment a-t-elle pu parler de son prochain voyage à une inconnue ! Ça ne ressemblait pas à la Terranne...

- Et oui, que veux-tu Fenrir... Déclara-t-elle en s'adossant contre un arbre. La prochaine fois, je parlerai avec le tavernier à la fermeture... Les murs ont des oreilles, c'est bien connu ! Tu veux que je t'accompagne jusqu'à ta mission, Sytrinn ? Bien, ça sera une expérience à tester pour moi. Mais tu devras m'obéir et je veux pas entendre le moindre gémissement, ni la moindre complainte ! Tu te tais et tu me suis ! Et encore une chose...

Cette fois, elle se retourna vers Sytrinn et lui lança un regard des plus meurtrier. Froid et perçant, à faire déglutir les plus dure. Elle s'avançait vers elle d'une démarche menaçante tandis que sa voix résonna dans la forêt d'un son cinglant et coupant comme la lame d'une épée :

- Tu veux que je t'aide ? Très bien... Mais ne joue pas la comédienne avec moi. Enrouler des gens en les trompant et les faisant croire qu'ils sont misérable me fait vomir ! Cela me fait penser aux Ladrinis, aux Nérozias... Mais surtout, au Cavalier de Sharna ! Voilà bien une méthode qu'ils utilisent aisément... Tu ne vaux pas mieux qu'eux. Et si il y a bien une chose que je déteste c'est bien c'est sales types... Essayes à nouveau de me tromper et je te jure que Falco ne pourra plus te reconnaître... Je croyais que tu étais quelqu'un de bien et de confiance... Mais il semblerait que tu soies une lâche et une sale menteuse...

Elle fit soudain volte face et accéléra l'allure. Elle croisa ensuite le regard de son compagnon et ils se fixèrent un moment. On avait l'impression qu'ils communiquaient par la pensée et Fenrir termina leur contact en hochant la tête. Aliénor le lui rendit et sans se retourner vers Sytrinn, et avançant dans la forêt, elle lui lança :

- Nous ferons une pause demain soir... Allons-y.

Le loup blanc grogna en direction des inconnus qu'il devra supporter durant tout le voyage et alla rejoindre la Terranne à ses côtés. C'était la nuit, et pourtant, ils vont continuer leur route toute une journée avant d'enfin se reposer demain soir. Après tout, cela ne les dérangeaient pas : Fenrir avait dormi dans le sous bois et Aliénor avait fait une sieste en fin d'après midi avant de rejoindre la Taverne. Tout deux pouvaient tenir jusqu'à demain.

- Au fait, lança Aliénor en direction de Sytrinn. Mon nom est Aliénor.

En guise de réponse, la rôdeuse éclata de rire et dû s'appuyer contre un arbre pour garder l'équilibre. Falko sursauta, alors que Sytrinn leva un sourcil qui pouvait paraître surpris. En effet, elle était surprise de voir que son plan marchait mieux que prévu.

- Bravo Sytrinn, tu serais digne d'une Ladrini... Tu es très bonne comédienne ! Même un Cavalier de Sharna serait tombé dans ton subterfuge. Je te félicite...

A ce moment là, Sytrinn se serait volontiers frotté les mains d'euphorie. La ladrini, il était vrai, aimait parfois agir de façon théâtrale, et ce soir elle avait fait toute cette mise en scène pour se divertir et afin de cacher son jeu.
Tout en continuant son chemin la rôdeuse reprit la parole.

- Tu veux que je t'accompagne jusqu'à ta mission, Sytrinn ? Bien, ça sera une expérience à tester pour moi. Mais tu devras m'obéir et je veux pas entendre le moindre gémissement, ni la moindre complainte ! Tu te tais et tu me suis !

Bingo ! La ladrini avait longuement hésité entre la supplier de manière réaliste, ou bien, de jouer la carte de la pitoyable petite fille battue. Il fallait croire que parodier la comédie avait du bon ! Les lèvres de Sytrinn s'étirèrent en un sourire carnassier. Elle avait eu ce qu'elle voulait : la rôdeuse se payait sa tête. La flûtiste la sous-estimait désormais, elle la prenait pour une petite écervelée et c'est exactement la réaction que Sytrinn comptait susciter chez cette femme. Certes la ladrini n'avait que dix-neuf ans, mais cette inconnue devait en avoir tout au plus deux ou trois de plus qu'elle. Néanmoins, Sytrinn avait bien conscience qu'en terme d'expérience au coeur de la nature elle était cent ans devant elle. Et alors ? Peut être se sentait-elle supérieure en commandant la violoniste de la sorte ? Laissons la croire... "Tu te tais et tu me suis !", la ladrini eut une moue blasée. Et bien soit, elle ferait ce qu'elle dirait, mais ce ne serait certainement pas par crainte, mais uniquement par bon sens.

Soudain la nomade fit volte-face et s'avança vers la violoniste en la menaçant. Cette dernière se fit littéralement descendre. Ainsi, alors que l'autre vociférait, Sytrinn arborait une expression dépitée, comme une enfant capricieuse prise sur le fait, elle baissait les yeux. Intérieurement, elle pleurait de rire. Parfois elle s'étonnait elle même d'être aussi sournoise.
La rôdeuse s'en retourna enfin à son loup méfiant, lui faisant un signe de tête auquel il répondit.

- Nous ferons une pause demain soir... Allons-y.

Si elle espérait la décourager ainsi, elle se trompait. Sytrinn avait une grande résistance à la fatigue. En effet, être une ladrini n'était pas de tout repos. Selon les actions qu'elle effectuait, elle pouvait passer plusieurs jours sans dormir : espionnant et filant sa cible le jour, récoltant et volant informations et documents la nuit, et vice-versa.

La nomade lui lança une dernière information. Aliénor ? Joli prénom. Sytrinn haussa les épaules et grimpa sur Amadeus avec Falko, puis elle se mit à l'envers sur la selle et rabattit son capuchon. La violoniste s'allongea, les mains derrière la tête, les jambes croisées sur l'arrière-train du cheval et Falko roulé en boule sur son ventre. L'étalon se mit en route. Sytrinn n'avait pas envie de dormir, simplement d'admirer le ciel étoilé perçant au travers des feuillages.

En route vers les contrées glacées...

[Mission] La Dague Sacrificielle