Une nouvelle aventure au pays des glaces

La charrette perdra une roue deux fois pendant le long voyage qui leur faisait traverser tout Eridania. Heureusement pour la petite famille, il n’était pas difficile de trouver de l’aide dans les campagnes éridaniennes, ils auraient sans doute plus de mal dans les plaines gelées de Cimmeria mais ils pouvaient compter sur l’expérience de Duscisio. Les journées s’enchainent dans une monotonie réconfortante, les semaines finissent par s’écouler les unes après les autres, emportant avec elles les cauchemars traumatiques de l’enfant. Les nuits se font peu à peu plus calmes, plus reposantes pour tout le monde.

Sa peau était restée blanche la première semaine et puis, une nuit d’orage, elle était redevenue rouge, le temps d’un câlin avant que la transformation ne se résorbe. Depuis, l’enfant s'entraîne, elle veut pouvoir se transformer quand elle le veut et pas seulement quand elle a peur. Elle est plus rapide, plus forte, quand elle est rouge mais elle arrive mieux à se concentrer quand elle est blanche.

Lorsqu’ils passent proche d’Hesperia, Catleya insiste pour qu’ils achètent de nouveaux livres, ayant déjà lu trois fois tous ceux de la charrette. Son vocabulaire s’enrichit de jour en jour et sa capacité à apprendre rapidement semble décupler dès lors qu’elle arrive à dormir correctement et à ne pas se transformer. Son énergie et sa joie de vivre reviennent rapidement animer leur voyage.

Papa, je te lance un duel !

Lançait-elle un jour, ses gants fraîchement achetés pour la suite du voyage dans les mains, elle en jetait un au pied de son tuteur avant de croiser fièrement les bras. Elle avait visiblement lu un livre sur les chevaliers et les nobles éridaniens et y avait appris que c’était comme ça qu’ils se défiaient en duel. Elle n’avait pas lu la suite qui indiquait que ces duels étaient le plus souvent à mort.. Attrapant le bâton qu’elle avait patiemment taillé depuis le matin, préméditation oblige, elle se mettait en tête de rejoindre l'entraînement martial de son tuteur. C’était un nouvel apprentissage, source de curiosité et d’amusement pour l’enfant qui ne se laissait jamais abattre, elle n’était pas particulièrement douée au début mais son extraordinaire capacité d’apprentissage lui permettait d’évoluer à une vitesse folle.

Lorsqu’elle n’arrivait pas à dormir la nuit, elle suivait Loup dans ses pérégrinations nocturnes, elle prenait sa peau rouge et elles chassaient ensemble. Le petit monstre était déjà une chasseuse aguerrie mais elle apprenait à mieux pister les proies grâce à Loup et à travailler en équipe.

Puis ils entrèrent en Cimmeria et les températures chutèrent drastiquement, la neige ralentissait la charrette mais cela ne semblait pas embêter Catleya. Il faudrait encore près d’une semaine pour voir la cité d’Hellas et ils étaient pour l’heure dans les plaines gelées. Duscisio et Catleya étaient assis à l’avant de l'attelage, emmitouflés dans d’épaisses couvertures.

Dis Papa, si Loup trouve sa vraie famille.. je serais contente pour elle mais, je serais triste aussi si elle s’en va.. est-ce que c’est mal ?

Il est toujours dur de ne pas avoir un chez-soi.
On prend la route en quête d’un objectif et on vit au jour le jour afin de subvenir à nos besoins. On profite des petits moments pour s’en faire de bons souvenirs et ainsi les partager à ceux qui veulent bien les entendre ou les vivre.
Depuis qu’ils ont quitté la forêt de Noathis, le trajet s’est dévié par Canopée pour faire un petit ravitaillement de graines de cacao que Catleya adore prendre le matin dans son lait chaud. Le passage vers le Duché de Niveria se fait comme un passage obligé avant de prendre la direction d’Hesperia pour une première escale avant le chemin d’Ez.

Pendant le trajet, de nombreuses avaries ont été rencontrés, de nombreuses aides ont été échangés, mais aussi de très bon moment avec la petite fille qui su petit à petit estomper son mal-être qu’elle partageait avec ses rêves. Si aujourd’hui, elle reste blanche, quelques frayeurs lui ont valu quelques transformations bénignes qui furent calmées par un contact affectueux entre père et fille.
La lecture des ouvrages souvent répétée lui vaut également de nombreux bienfaits. Son vocabulaire s’enrichit, montrant une petite fille instruite malgré le peu d’ouvrage le plus souvent dédié à l’herboristerie, la magie ou quelques anciennes histoires méconnues du continent.
Plus le voyage avance, plus les proprets s’affichent et ceux dans tous les domaines. Que ce soit dans ses transformations, dans sa magie, jusqu’à ce moment lors de l’entraînement régulier de son tuteur.
Ce fut très amusant de la voir le défier en lançant l’un de ses gants comme tout noble éridanien. Le premier essai, avec son petit bâton qu’ils utilisèrent chacun de leur côté, se termina par une longue séance chatouille qui les fit rire tous les deux aux éclats. Si bien que les jours suivent, Catleya s’essaya aux affres de l’escrime.

Si l’on oublie ses vagabondages nocturnes avec Loup qu’il laisse passé, il leur faut encore une bonne semaine pour atteindre Hellas et alors qu’ils sont emmitouflés dans une bonne épaisseur de couvertures, Catleya a une pensée pour Loup qui pourrait partir après avoir retrouvé sa famille.
Duscisio est tout aussi attristé de la voir ainsi et cette pensée lui traverse l’esprit. La yorka a beau être un peu sauvage, les nombreux mois de présence leur ont donné une ambiance qu’il n’aurait pas eu rien que tous les deux.
Le père vient à s’approcher un peu plus d’elle, sous son bras, il la réconforte.

- Avec tout ce qu’on a partagé tous les trois, je te comprends. Toi comme elle, Loup a un chemin différent à prendre, mais n’oublie pas… Il pose une main sur son cœur. Tous ces moments-là sont gardés ici. Sans oublier qu’on pourra toujours la revoir si elle le veut.

Duscisio se tourne alors vers Loup, si elle ne s’est pas faufilé hors du chariot pour montrer qu’elle comptait beaucoup pour eux. Ses trois mois passés ensemble sont très précieux.
Il se retourne vers la petite pour lui demander quelque chose, toujours en rapport avec la famille.

- Dis-moi, Catleya… J’aimerais officialiser ton adoption et faire de toi ma fille aux yeux de la loi. Qu’en penses-tu ?

Elle deviendrait alors Catleya Balibe.

La louve à l’arrière de la charrette, les quatre fer en l’air, ne semblait pas écouter la conversation entre les deux de devant. Elle était certainement parti dans le monde des rêves. Catleya se demandait de quoi elle pouvait rêver mais, cette fois, elle se garderait bien de s’introduire dans ses songes ! Même si elle arrivait à mieux contrôler son pouvoir, elle préférait le laisser de côté. C’était un pouvoir stupide de toute manière, il ne servait à rien. Elle aurait préféré pouvoir faire pousser des plantes comme son Papa ou les guérir comme Loup.

La gamine faisait un petit oui de la tête lorsque son tuteur lui expliquait que même si Loup décidait de partir, ils garderaient de beaux souvenirs et peut-être même qu’ils la reverraient un jour. Puis il l’interrogeait sur l’adoption mais l’enfant ne comprenait pas ce que ce mot voulait dire. La petite albinos regardait donc l’homme avec curiosité, comme une élève studieuse.

Ca veut dire quoi “officialiser” et “adoption” ?

Elle ne butait plus sur les mots mais son vocabulaire n’était pas encore celui d’une grande personne. Elle écoutait attentivement la réponse de son professeur et se mit à réfléchir.

Ca veut dire que tu serais mon Papa pour de vrai ?

Est-ce qu’il l’était pour de faux jusqu’ici ? Devant la loi oui, ils n’étaient même pas parents éloignés, ils n’étaient rien en fait, de parfaits étrangers réunis sur un même chemin. La petite fille réfléchissait de longues minutes, elle avait failli dire un grand oui dès les premières secondes où elle avait compris ce que cela voulait dire mais quelque chose l’avait retenu. Pendant quelques secondes elle avait regardé l’horizon enneigé, les sourcils froncés et la bouche pincée dans une intense réflexion. Les mots de la sorcière du marais revenaient la hanter alors qu’ils approchaient de Hellas.

Il y a quelque chose que je dois dire… Mais Papa doit promettre de ne pas se mettre en colère, d’accord ?

Il y a deux mots que la petite n’a pas compris.
Afin de lui faire comprendre, quelques explications simples lui sont données. Loup étant en train de rêver les quatre pattes en l’air, elle n’allait pas les déranger dans leur échange. Ainsi, ils auront une certaine tranquillité tant qu’elle ne se met pas à hurler à la lune pour une raison obscure ou parce qu’elle aurait trouvé une nouvelle proie appétissante dans ses propres songes.

Une définition simple pour une petite fille qui a vécu dans un orphelinat avant de s’enfuir dans la nature en faisant tout pour se nourrir et se défendre. Si son éducation n’est pas à refaire, elle ignore malgré tout ce qui concerne la société.
Devenir son papa pour de vrai…

- Oui. Je serai ton papa pour de vrai.

L’expression est un peu étrange pour un adulte qui a déjà adopté l’enfant depuis longtemps maintenant, mais aux yeux de la loi, elle reste une orpheline en pleine nature. Il lui faut un simple morceau de papier contestant que Catleya deviendra une Balibe pour le reste de ses jours. C’est triste à dire, mais l’administration est un mur qui lui dit le contraire tant que ça ne sera pas fait.

- Même si c’est déjà le cas… Tu m’es trop précieuse… On a été séparé longtemps pendant la fièvre, et j’ai toujours notre promesse de rester ensemble pour toujours à respecter.

Cette promesse, il s’en souviendra toujours.
Lui qui l’a laissé au temple pour lancer une alerte au haut monastère, lui qui l’a laissé toute seule pour la retrouver gravement malade, pour se rendre compte qu’il fera tout pour cette petite fille qui lui ressemble tant.
Si elle semblait vouloir accepter, il y a quelque chose qui la retient. Elle a un aveu à lui faire, mais il doit lui promettre de ne pas se mettre en colère.

- Je te le promets. Vu ta tête, cela doit être important.

Duscisio lui sourit tout en gardant un œil sur la route. La cité d’Hellas est en vue à l’horizon, mais il leur restera encore quelques jours avant d’y arriver.
Il pouvait bien s’imaginer de nombreuses bêtises, mais s'il a promis de rester calme, alors il le fera.

La gamine s’agite un peu sur son siège, elle regarde Duscisio avant de tourner la tête. Elle se comportait comme une enfant qui devait avouer ses bêtises et qui n’en avait évidemment pas vraiment envie. Mais elle comprenait que c’était important et l’adoption c’était important aussi.

Quand Papa est parti pour le grand temple..

Elle cherche de meilleurs mots, ceux qui donnent un nom à cet endroit..

...le haut monastère, tout seul, tu rappelles ?

Il ne pouvait pas l’avoir oublié mais la gamine n’était pas pressée d’en arriver à la partie où elle lui révélait tout.

Catle.. Je suis partie aussi..

Aïe, aïe, ça se corsait.

Mais pas toute seule..  

Ce n’était pas tout à fait vrai ça et cela se voyait sur le visage de la gamine, pas très bonne menteuse..

J’étais toute seule au départ d’accord.. mais c’était pour rejoindre grande soeur Smaragd et grande soeur Eostr.

L’orpheline avait décidément une grande famille. Le récit était décousu comme le sont souvent ceux des enfants. Elle racontait pourtant tout de son voyage dans la forêt de Noathis pour se rendre au temple de Fen. Ah oui, elle avait oublié un détail ! Elle revenait donc en arrière pour parler du message reçu au temple de Délil et qui avait été rapidement intercepté par la gamine, un message des Eryllis qui proposait à Duscisio d’accompagner la petite jusqu’au temple de Fen pour rejoindre certaines amazones. Mais Duscisio n’était pas là alors.. le petit monstre s’était dit que ce n’était pas si grave si elle y allait seule.

La gamine ne s’attardait pas trop sur ce passage, passant rapidement à la partie où elle retrouvait sa grande amie et désormais grande soeur, Smaragd. Il était certain que si Fulla n’avait pas insisté pour laisser la petite sauvageonne au temple de Délil après la convergence, l’enfant se serait transformée en mini-Smaragd. Elle parlait de la zélos avec beaucoup de joie avant de raconter leur voyage à travers les marais brumeux, à la recherche d’une femme qui donnait des herbes qui guérissent. Elle racontait avoir croisé des mi-chevaux mi-hommes, pas très causants puis leur arrivée à la cabane de la sorcière.

Son visage se tordait en de vilaines grimaces alors qu’elle décrivait la shaman gorgoroth. Il était évident que la gamine ne l’aimait pas.

Elle faisait des choses qui n’avaient pas de sens, à un moment même elle a mis des feuilles sur la tête de moi.. sur ma tête..

Elle prenait de la neige qui s'amoncelait à côté d'eux et la posait en cercle sur le haut de sa tête pour imiter la couronne de feuilles qu'avait improvisée Talia avant de secouer la tête pour faire tomber la neige.

Ah et ça aussi..

Elle se tournait et cherchait dans le baluchon qui ne la quittait jamais, dans le carnet à la reliure de cuir rouge, elle trouvait un bout de parchemin qui n’avait rien à faire là. Le papier avait passé trop de temps dans l’eau pour contenir le moindre mot mais il gardait encore accroché un morceau de cire pourpre et la moitié d’un symbole que l’enfant ne connaissait pas. Elle donnait l’indice à son tuteur et poursuivait son récit.

La sorcière chantait des choses bizarres, Smaragd et Catleya comprenaient pas mais Eostre oui. Elle a dit que ça parlait d’une famille ré-gen-te..

La gamine articulait aussi bien qu’elle le pouvait ce mot dont elle ne comprenait pas tout à fait le sens.

Ca avait un rapport avec un temple ou un roi ou un clan, et de la miration.. je crois.. à Hellas. Elle chantait tout le temps “Hellas, Hellas, famille… régente !”

La gamine se contorsionnait pour imiter la gorgoroth qui sautillait en piaillant son étrange chanson.

Papa comprend lui ?

Son Papa était très intelligent, non ? Il comprendrait peut-être lui ce que signifiait les étranges jérémiades de la sorcière.

Eostre était très malade quand je suis partie.. j’espère qu’elle va mieux..  

Le petit monstre s’était assagi, visiblement peinée en repensant à l’état de santé de sa nouvelle grande soeur. Elle ne fit pas le lien entre la maladie d’Eostre et la fièvre de cendre qui avait failli l’emporter quelques semaines plus tard..

Malgré la promesse de ne pas se mettre en colère est engagé, cela n’empêche pas l’enfant d’avoir peur que son papa rompt cette dernière au premier mot. Son hésitation a raconté ce qu’elle y a sur le cœur est manifesté par le fait qu’elle se trémousse dans tous les sens et regarde le premier point devant elle comme si elle avait une grosse bêtise. Une très très grosse bêtise.

Elle commence par lui rappeler la période de la fièvre ardente. Il dut partir du temple pour un rassemblement important à la découverte d’un nouveau fléau et il n’avait pas emmené sa fille pour des raisons de sécurité. Qu’elle ne tombe pas malade, par exemple. Il a encore du mal à oublier l’agression des gardes sur la petite fille lors de son second passage, alors qu’elle était elle-même gravement malade. Son apparence a fait peur à tout le monde ce jour-là, pire encore, elle fut visuellement agressée par les soldats éridians et Duscisio s’était emporté en la voyant ainsi.
Lors du premier départ, il était donc parti, mais Catleya aussi. Duscisio continuait de regarder droit devant lui pour garder le chariot sur la route ; son sourire avait disparu uniquement parce qu’il l’écoutait attentivement pour ne manquer aucun détail.
La gamine n’était pas toute seule, du moins pas après avoir rejoint Smaragd et Eostr, des Eryllis. Elle voulait se rendre au temple de Fen, ce qui n’est pas la porte à côté de celui de Delil. Un long voyage qui ne laissait pas Duscisio indifférente, puisqu’ils s’imaginaient bien le voyage parcouru comme ils le font ensemble aujourd’hui. S’il paraît inquiet, il reste surtout attentif. S’il n’y voit aucun rapport avec le fait qu’elle parle d’une sortie sans autorisation alors qu’il parle de l’adopter, c’est qu’il y a forcément un lien.
Ce qui le rassurait beaucoup, c'est l’entrain avec laquelle Catleya parlait de cette Smaragd. Il pouvait déjà se dire qu’il pouvait lui faire confiance et la remercier d’avoir pris soin de sa petite fille. Ils se rencontreront un jour, il tient à le faire en face à face pour lui montrer toute sa reconnaissance. Tout ceci adoucit son visage alors qu’il tire sur un côté de ses rênes pour contourner un obstacle. Un petit retour en arrière pour un détail comme quoi, ce voyage le concernait, qu’il devait venir avec la petite. Pour avoir intercepté une soi-disant lettre, cela devait être extrêmement important.
Vient enfin la partie la plus intéressante.
La rencontre d’un peuple mi-homme mi-cheval qui attirait la curiosité de l’herboriste et enfin d’une femme. Si la sorcière gorgoroth qu’elle décrit avec tout l’effort qu’elle pouvait, il semblerait que Catleya ne l’aime pas.
Ses mimiques pour raconter son histoire sont amusantes. Prendre de la neige pour imiter une couronne, avant d’aller chercher un petit livre rouge avec un morceau de cité dont le symbole est délicatement saisi. Si son observation ne donne rien, la suite lui fait changer d’expression. Les quelques informations se trouvant à Hellas assombrissent bien plus son visage.

- Famille régente…

S’il conclut très vite que sa famille se trouvait à Hellas, cela lui ferait une raison de plus de faire demi-tour pour que leur rencontre ne se fasse jamais, pour que Catleya ne soit jamais séparé de lui. Il ne pouvait pas le faire pour une raison évidente : la curiosité.
L’histoire se termine ensuite par le fait que Eostre était très malade quand elle est partie, Duscisio ne pouvait que poser sa main sur sa tête.

- Je l’espère aussi. On ira prendre de ses nouvelles.

Son regard est attendrissant malgré tout. Son histoire l’a apaisé autant qu’elle l’attriste.

- Tu sais… Je ne peux pas t’en vouloir de t’être aventuré hors du temple… Moi-même, je regrette beaucoup de ne pas t’avoir emmené avec moi la première fois… Mais visiblement…

Il fait une courte pause, chatouille et appui sur son nez avec l’index, avec un regard craintif.

- Cela n’a pas été une réelle bêtise. Si je t’avais emporté avec moi, tu n’aurais pas eu cette petite aventure tout en donnant une nouvelle raison d’aller à Hellas.

La cité approche doucement, les tours les plus hautes dépassent de l’horizon, blanc et bleu brillant sur fond bleu et blanc nuageux.

- Seulement… Je t’avoue que cette famille régente me fait peur…

Il ne donne volontairement pas la définition du mot qu’elle ne comprenait pas. Si c’était bien ce qu’il pensait, Catleya pourrait être la fille d’une personne haut-placée à Hellas et ses craintes sont fondés sur le fait qu’elle puisse être séparée de lui par l’autorité locale… Être séparé de Catleya pourrait lui faire énormément de mal...

La gamine se demande si la chanson de la sorcière n'est pas contagieuse et maléfique lorsque Duscisio se met à répéter "famille régente" en regardant fixement la route devant lui. Heureusement, il ne se met pas à sauter partout en couinant ! Par contre il dit quelque chose qui ne plait pas à la gamine, il dit que cela leur donne une autre bonne raison d'aller à Hellas. L'enfant aurait préférée qu'ils fassent demi-tour et que cette famille régente ne soit qu'une fantaisie de sorcière. Elle boude à moitié en se tournant vers la route mais lorsqu'il lui annonce que cela lui fait peur aussi, le petit monstre blanc oublie sa bouderie.

Papa doit pas avoir peur, je les w'rag ysul nargil si ils sont pas gentils !

Ce que signifiait ces mots gutturaux ? Que la petite avait passé assez de temps avec sa grande amie verte pour retenir quelques uns de ses gromellements fétiches. Est-ce que Catleya avait une traduction littérale ? Non, pas du tout mais tout était dans l'intention et dans le grognement, non ?

Malgré tout, elle rangeait bien précieusement le bout de parchemin et sa moitié de cachet de cire portant l'étrange symbole, dans son carnet rouge. Elle avait peur et face à la peur elle avait toujours pris la fuite mais, une part d'elle voudrait savoir d'où elle vient et pourquoi.. pourquoi sa première famille n'a pas voulu d'elle.

J'aurai le droit de prendre de nouveaux livre au temple de la dame qu'on doit voir ?

Demandait l'enfant qui avait déjà lu tous ceux qu'ils avaient empruntés à Hesperia. Elle regardait le paysage tout autour d'eux quand tout à coup elle bondit sur ses pieds, faisant tomber les couvertures dans lesquelles ils étaient emmitouflés.

Loup ! Loup ! Il y a un loup !

Son doigt pointait une colline à l'est, une colline entièrement blanche et dénudée sur laquelle il y avait aussi un petit point noir. Difficile de voir à cette distance s'il s'agissait d'un loup, d'un chien ou d'un autre animal de cette taille mais la gamine semblait sûre d'elle.

Cette famille régente lui fait peur.
Entre la volonté de retrouver ses pouvoirs et de garder sa fille, Duscisio se retrouve à un dilemme sur leur destination.
Quelle personne pourrait être assez cruel pour abuser de son autorité pour les séparer ? Il faudrait être un monstre.

Catleya, qui boude quelques secondes, rassure son tuteur par des mots d’une langue proche du zélos qu’il ne pouvait comprendre. L’herboriste se met à sourire en lui caressant la tête pendant qu’elle range son carnet rouge.
La petite lectrice change de sujet. Il lui fallait de nouveaux livres. Malgré le nombre qu’il pouvait prendre qui était assez important pour la place restante.

- D’accord, mais à condition que tu choisisses ceux que tu veux garder ou non. On n'a déjà pas beaucoup de place…

Il s’est mis à ralentir sa prononciation quand il remarque que la petite bondit soudainement.

- Catleya ?

À peine eut-il le temps de l’appeler qu’elle hurle y voir un loup au loin. Aurait-elle des hallucinations en ayant parlé de loup puis de famille ? Duscisio regarde dans la direction de son doigt.
Loup se réveille par la même occasion, son énorme bâillement laisse croire qu’elle dormait bien jusqu’à que le petit flocon s’exclame.
Catleya continue de pointer du doigt le point noir et la yorka comprend qu’il faudrait aller voir et s’élance dans cette direction. Heureusement que son pelage n’est pas totalement blanc, ils l’auraient perdu de vue dès les premiers mètres en s’éloignant jusqu’en haut de la colline. Elle n’y reste que quelques secondes, avant de faire demi-tour plus vite qu’elle n’était arrivée.
Le point noir qu’avait vu Catleya n’était pas un loup, mais un troupeau de yaks. Il ne se fait pas attendre à l’idée de se débarrasser d’un prédateur potentiel. Autre problème, elle revient vers eux.

- Par les Dix !… Yaaah ! Fait-il en claquant les sangles de l’attelage pour accélérer la cadence.

Il ne pouvait pas aller trop vite. Le trot était le maximum avec le poids du chariot, sans compter les marchandises fragiles. Même si le nécessaire a été fait pour avoir le moins de casse en cas de course, il paraissait évident qu’ils ne pourront pas semer les poursuivants de la yorka.

- Prend les commandes, ma fille.

Heureusement, que Catleya s’est amusé à vouloir prendre les rênes.

- Avance tout droit. Arrête-toi uniquement quand le troupeau prend ses distances.

Il fallait surveiller non seulement la route, mais le troupeau ameuté par Loup. Même s’il restait à côté, il regardait la yorka en lui faisant signe de s’éloigner du chariot. En voyant que le son de la charge coupait leur communication orale, Duscisio prend son épée et se prépare à descendre si nécessaire. Il espère ne pas avoir à le faire...