Entre les ombres et le sang se dessine l'avenir

Esméralde, comme d’accoutumé, avait abandonné dès les premières lueurs de l’aube, le moelleux de sa couche. Son lit, véritable champ de bataille nocturne, où se tirebouchonnaient les draps de satin, les oreillers et les couvertures dans un méli-mélo complexe, augurait de sa mauvaise nuit de sommeil. Les traits tirés de sa fatigue s’étaient dissipés sous la tiédeur bienfaitrice d’un bain parfumé et les artifices d’un maquillage simple mais efficace. Ses mains tremblèrent un peu, en dessinant au khôl , la ligne de son regard, mais ne marquèrent aucune hésitation. A l’image de sa décision. Avec une expérience usitée par des années d’entrainement, elle se para d’une robe de cour sobre. Le tissu améthyste épousait ses courbes avec fluidité tout en marquant sa taille d’une ceinture d’un mauve plus soutenu. Ses cheveux d’un blond si pâle qu’il en paraissait lunaire, cascadait sur ses épaules jusqu’à ses hanches. Un dernier regard au miroir la rassura. Son visage n’avait plus la lassitude, l’inquiétude de son réveil. Il était lisse, indifférent presque froid, lui donnant un air inaccessible quasi éthéré.

Sa voiture l’attendait sur le parvis de sa maison. Les deux chevaux piaffaient, impatients sous l’œil attentif d’un cocher. Un laquais, lui offrit sa main pour l’aider à monter, elle l’ignora. Elle n’avait visiblement pas la tête à ce qu’elle faisait, et le serviteur émit un haussement d’épaules étonné au cocher. Le carrosse s’ébranla sous un coup de fouet, et bien vite, les sabots claquèrent sur le pavé humide d’Héspéria. Il ne fallut pas davantage d’une demi-heure, pour que l’attelage arrive à destination. La demeure d’Ision Lorindiar se dressait à présent devant la Dame de l’Epine. D’un mot, elle donna congés à ses gens, et gravit les marches du perron.

Elle était visiblement attendue. Le maitre des lieux, était, semble-t-il, de ces hommes si difficiles à surprendre. Elle suivit le majordome jusqu’au bureau. Il frappa doucement, ouvrit la porte, pénétra d’un air solennel et annonça :

"Monsieur, La Dame de l’Epine …."

Esméralde pénétra à son tour dans le bureau. La première chose qu’elle nota, non sans une certaine curiosité, fut la totale absence de fenêtre remplacée par des lampes à cristaux non moins étranges aux yeux d’un néophyte. La seconde fut sans aucun doute les deux tasses dont un léger fumet s’élevait agréablement. Du Thé. Alors que le serviteur s’éclipsait, elle avisait de son hôte. L’apparence était plaisante, mais c’était bien là une chose à laquelle il ne fallait se fier. Surtout si la personne en question vous attendait de pieds fermes, sans avoir été prévenu de votre visite.

" Ision Lorindiar … Il est plaisant de pouvoir enfin mettre un visage sur votre nom. Je suis enchantée de faire, enfin, votre connaissance."

Un sourire étira ses lèvres. Un sourire de courtisan.


[HRP : je suis sincérement désolé de l'attente! j'ai eu quelques imprévus.]

Esméralde suivait un à un les mouvements de son hôte, avec un détachement certain, signe peu révélateur de son véritable intérêt. Visiblement et venant par là même conforter son intuition première, c’était elle qu’il attendait et nulle autre. Elle s’empara de la tasse qu’il lui tendait tout en le remerciant d’un hochement de la tête. Sous ses doigts, la porcelaine dégageait une douce chaleur et une odeur délicieuse. Alors qu’il lui présentait tout un assortiment étonnant de sucres, elle déclina son offre, préférant de loin déguster son thé au naturel. Il était fort et épicé, comme elle l’appréciait.

"Il y a une question à laquelle vous allez certainement me répondre que je dois être déjà en mesure de vous apporter cette réponse, mais j'aime entendre les choses de la part de mes interlocuteurs, disons que cela les rend plus... vivants. Alors dites moi, comment va son altesse le Prince? Et dites moi ce que vous faites chez moi...?"

Elle posa doucement la tasse sur le bureau, croisa les jambes dans un délicat froufroutement.

« Comme toujours en cette période de l’année. Le Prince est mélancolique et sujet aux sautes d’humeurs. Il n’est guère de bonne compagnie et à vrai dire il l’évite. »

L’anniversaire funeste de la mort de son épouse et de son enfant, plongeait chaque année le Prince dans un état second. Il perdait l’envie de tout et rien ne semblait pouvoir le sortir de cette bulle dans laquelle il s’enfermait. Ce n’était jamais question de plus d’une semaine ou deux, mais durant cette période, il devenait véritablement irritable et insupportable, si bien que les courtisans, en général, préféraient ne pas se trouver sur son chemin. L’affaire était évidemment connue de tous, bien qu’on n’en commentait rarement les désagréments.

« Quand aux raisons de ma venue, elles sont … délicates. »

La Sylphide marqua une légère hésitation. Tout sourire avait déserté son visage et son expression reflétait à présent le sérieux de sa venue. Il était clair, qu’elle n’était pas ici pour badiner avec Ision de la pluie, du beau temps ou des derniers ragots en vogue dans les cercles mondains.

« Pour tout vous dire, j’ai besoin de votre aide.»

Le tout était de savoir ce que cette démarche lui couterait. Mais là n’était pas la question pour le moment, et elle ne comptait pas abattre toutes ses cartes en un seul tour.

« Vous êtes un homme de connaissances et on vous dit proche du Maire. Ces deux dispositions font que vous êtes actuellement la seule personne à qui je peux m’adresser… Non ne dites rien et laissez moi finir. »

Elle se leva, le visage fermé à toute expression, d’une telle impassibilité qu’il en paraissait irréel. Elle s’avança jusqu’aux bibliothèques et laissa son index courir sur la tranche des manuscrits. Chacun avait son histoire, chacun une anecdote à raconter, toutes concernaient les habitants de cette demeure. Esméralde s’octroya un instant pour les écouter puis les fit taire avant de se retourner vers Ision. Elle ne le jugeait pas entièrement digne de confiance, il était certain qu’elle hésitait à trop lui dire, de peur d’accélérer les événements de sa prémonition, mais elle savait aussi que de son inaction résulterait la mort de ce qu’elle aimait.

« Les affaires d’état sont toujours particulièrement compliquées, davantage encore lorsqu’il est question de traitrise et de faux-semblant. Et des traitres, il semble qu’il y en ait quelques uns de suffisamment audacieux pour s’imaginer remplacer son Altesse le Prince, et notre Honorable Maire.»

Elle laissa sa phrase en suspens, nul besoin de l’achever, la suite était pour le moins explicite. En attendant une réaction quelconque du maitre des lieux, elle le scrutait, comme pour en deviner les pensées.

« Vous avez raison Monsieur Lorindiar. Le maire ne se compromettrait jamais de la sorte. Il n’en a pas l’intelligence, ni même la sournoiserie suffisante. »

Sa voix se teinta de sarcasmes. La Dame de l’Epine ne cachait pas son aversion pour le Notable. Un sentiment qu’elle savait réciproque. Oh, bien évidemment leur relation restait strictement cordiale, surtout en public où ils faisaient preuve d’une grande retenue. Mais en privé, les maques tombaient. Etait ce l’influence et les faveurs du Prince qu’ils se disputaient l’un l’autre ? Possible. Quoi qu’il en soit ils ne s’appréciaient guère.

« Il était de toutes façons, d’office écarté de mes soupçons. »

Le sourire qu’arborait son interlocuteur l’agaçait mais il avait raison sur un point. Sans abattre les cartes de son jeu, ils n’avanceraient pas, elle en avait bien conscience. Cependant elle gardait aussi à l’esprit que plus elle se confierait, plus elle serait en position de faiblesse. Inacceptable. Elle ne pouvait se le permettre…

« Monsieur Lorindiar, savez vous quelles seraient les conséquences si le Prince venait à mourir ? »

Elle retourna sur son siège, avala une gorgée du délicieux thé.

« En l’absence d’Héritier, la Cour chercherait un futur prince dans la généalogique ascendante. Probablement le Comte de Bershald… cousin du Prince par sa mère. En somme, on couronnerait tout simplement quelqu’un d’autre. L’histoire s’achèverait. Dans le meilleur des cas l’assassinat passeraient pour un accident, sinon un bouc émissaire serait pendu. Mais qu’adviendrait-il si le Prince, le Maire et un certain nombre de nobles et bourgeois influents étaient empoisonnés en même temps ? Si les soupçons d’une telle infamie se portaient sur un autre royaume ? »

Elle harponna le regard de son interlocuteur. Aucune trace de mensonges, de fourberies n’entachaient ses prunelles d’obsidienne. Certes, elle ne dévoilait pas tout ce qu’elle savait, mais elle n’en était pas moins sincère. Ision, elle en était persuadée, devinait déjà les tenants et les aboutissants d’une telle manœuvre, quels avantages retirer de cette situation. Décapiter ainsi les hommes de pouvoir et d’influence ébranlerait Eridania. Ajouter à ceci l’ombre d’une invasion illusoire avec un coupable idéal, et on obtenait l’opportunité parfaite pour un changement politique. L’armée, les nobles, les riches négociants seraient tous désorganisé, la population en proie à la peur... Les responsables n’auraient plus qu’à apparaitre, prétendre à l’ordre, se dépeindre comme les héros de cette sombre période et ils obtiendraient le trône et le contrôle total du pays sans plus de difficulté. Pourquoi alors faire confiance à cet Ision Lorindiar , ne pouvait-il faire partie de ces hommes? Parce qu’elle savait, de façon absolument certaine qu’il ne mouillait pas dans cette intrigue...

« Lisez-vous votre courrier Monsieur Lorindiar… »

La question n’en était pas vraiment une, et joignant le geste à la parole, elle se saisit d’une lettre encore cachetée, dans une pile de documents, vraisemblablement le courrier du matin qu’il n’avait pas encore ouvert. Sans aucune gêne et sans lui laisser le loisir d’une réaction, elle l’ouvrit puis lui tendit l’invitation qu’elle contenait. Il était convié, tout comme le gratin d'Hespéria, à une réception, un bal masqué au Palais Royale donné en l’Honneur du Grand Ambassadeur de Phelgra.

« Les pièces de l’échiquier se mettent en place Monsieur Lorindiar, mais il vous reste à choisir quelle sera votre place dans ce jeu. Pion ou Garde-Fou ? »

Esméralde, silencieuse et attentive ne détachait pas une seule seconde ses yeux, des agissements du maitre des lieux. De l’ouverture du passage secret habilement dissimulé derrière la bibliothèque, à la jeune femme étrange qui en jaillit, la Dame de l’Epine observa un silence monacal. Parfois, étudier et écouter apportaient tout autant de réponse que ses intuitions. Ision Lorindiar, n’était pas n’importe qui. Si elle le savait instruit et intelligent, elle le découvrait à présent sous un aspect différent. Un homme nimbé d’un certain mystère, dont l’inconnue de la porte dérobée faisait intimement partie, un homme refusant de mener le jeu d’un autre, un homme de tête. A son sens, il était de ces êtres si sûrs d’eux, qu’ils ne s’imaginent emporter par les flots des événements que s’ils le décident. Tout prévoir, tout savoir et deviner le reste. Etre celui qui décide, hors d’atteinte et tellement supérieur aux autres. Oui mais voilà … le cours des choses prenait un nouveau chemin et alors qu’il se croyait à l’abri dans sa tour d’ivoire, le torrent rugissait, grondait et crachait ses flots de menaces sans qu’il en prenne véritablement conscience. Naïveté ou narcissisme ? Qu’importait s’il ne saisissait pas l’ampleur de la menace.

« En effet Monsieur Lorindiar, vous êtes un homme d’affaire, courtisé et influent. Cela ne fait aucun doute qu’un assassinat de masse ou qu’une guerre, n’entacherait guère vos profits ou vos desseins. D’ailleurs, vous auriez pu être l’instigateur de ce complot pourtant je suis venue chez vous, sans ce genre de crainte. »

Presque nonchalamment, d’une voix qui se voulait aussi chaleureuse que sarcastique :

« Mais n’avais-je pas justement précisé, TOUS les hommes importants de cette cité ? Ce qui vaut pour vous, le vaut également pour moi »

L’allusion ne pouvait être plus claire et ne pouvait être perçue différemment que ce qu’elle était véritablement. Une menace. Pas une menace entre Esméralde et Ision, non mais entre l’énigmatique marionnettiste qu’elle souhaitait découvrir et son Hôte.

« Et en ce qui concerne mes raisons, elle ne regarde que moi Ision Lorindiar. »

Il s’était approché, une lueur inquiétante brulant dans son regard d’azur. Esméralde était parfaitement consciente, qu’agissant de la sorte devant elle, exposant ses secrets dont certain masqué derrière les rangs parfaits de manuscrits, ses convictions et ses intentions, il lui révélait trop pour la laisser partir simplement. Elle ignorait beaucoup à son sujet, mais la réciproque demeurait. On ne vivait pas aussi longtemps sans avoir quelques malices dans sa besace. Aussi son visage ne s’imprégnait d’aucune crainte, et sa voix était ferme et sans appel. Elle ne souhaitait pas dévoiler ses motifs et il était clair que s’il attendait une réponse de sa part sur le sujet, il ne l’obtiendrait pas de cette façon. Par ailleurs, avant qu’il agisse autrement, elle enchaina :

« Oh… et je suppose donc que toutes Sylphides vous rendent des comptes sur leurs activités. »

Elle se releva, et fit un pas de plus vers lui, ses prunelles noires se plongèrent dans le bleu de celle d’Ision sans marquer d’hésitation, de réticence ou même d’étonnement bien qu’elle ignora jusqu’alors la nature syphide de son interlocuteur.

« Oser? Monsieur Lorindiar, essaieriez vous de me faire croire que ces êtres immortels vous craignent ? Pour ma part je n’éprouve aucune peur en votre présence et aucun remord à solliciter votre aide. Un jour, un vieil homme m’a dit « que la peur, n’évitait jamais le danger, qu’elle empêchait juste de l’affronter ». Alors, dites moi donc pour quelles raisons je devrais trembler devant vous alors que je ne suis pas ici en ennemie ? »

Le port altier, les bras croisés au-dessous de sa poitrine, elle lui faisait face fièrement.

La main légèrement apposée sur sa joue, s’imprimait comme le garde-fou d’une limite qu’elle venait de franchir. Un rictus déformait ses traits harmonieux, une lueur inquiétante habitait ses prunelles bleues. Si sa voix ne fut que murmure au creux de son oreille, elle pénétra durement Esméralde pourtant d’apparence imperturbable. A jouer avec le feu, elle venait de se brûler. Elle n’en conçut aucune amertume et savait reconnaitre ses erreurs ou ses faiblesses, le tout était d’apprendre d’elles pour ne plus les refaire. Pourtant, elle ne portait nul regret de son affront et de son effronterie. Une vie immortelle dans l’ombre d’un danger se révélait d’un ennui magistral, du moins l’estimait-elle de la sorte. Ceci expliquait peut-être en partie son extraordinaire aplomb et son assurance sans faille même lorsque son esprit s’électrisa d’une désagréable intrusion.

« La vie sans danger, vous semblerez-t-elle si enviable que vous ne vous essaieriez à la tourmenter un peu ? »

Ision Lorindiar. La pression de son âme sur la sienne, telle une mise en garde, une menace sous-jacente … Des frissons désagréables chatouillèrent son corps, et les lèvres de la Dame frémirent doucement, symbole sans conteste de sa faiblesse momentanée. Cette manche appartenait au Maitre des Lieu, Esméralde était suffisamment fine pour en prendre conscience, et suffisamment intelligente pour ne pas envenimer davantage la situation. Elle avait besoin de lui, et à ce titre ravala toutes répliques un tant soit peu belliqueuses, au profit d’une voix modulée et charmante. S’il s’était présenté, elle choisit pourtant de ne pas en faire autant.

« J’ai moi aussi reçue cette invitation. Cependant je serais heureuse de me présenter à votre bras. Mais je suppose que nous allons devoir, auparavant et avant tout aborder cette histoire de récompense… »

La Dame de l’Epine, assise, hésitait. Elle avait besoin d’Ision. Elle le savait être l’une des pièces maitresses pour déjouer le complot sans pour autant en connaitre les détails. A ce titre, elle ne pouvait se permettre de perdre son attention. Lui proposer argent ou pouvoir était bien évidemment inutile. Aiguillonner son orgueil ne semblait pas avoir fonctionné … lui demander ce qu’il souhaitait, était exclu, si elle lui laissait cette opportunité, elle risquait de regretter amèrement son prix.

« Vous avertir de cet assassinat prochain me semblait un prix raisonnable, mais j’en conclus qu’il n’est pas suffisamment élevé pour bénéficier de vos faveurs, Monsieur Lorindiar. Vous allez, et je le sens, être un personnage difficile à contenter. Je suppose qu’il est vain de vous proposer de l’argent ou tout autre chose du même acabit, il est clair que vous n’êtes pas sans ressources. Quand à faire appel à votre esprit chevaleresque » - ses lèvres s’ourlèrent d’un sourire moqueur avant de poursuivre – « autant rêver. »

Esméralde courrait sur le fil de ses pensées à mesure qu’elle parlait.

« Si vous m’accordez votre aide afin de déjouer ce complot, je vous accorderais un passe-droit sur ma personne. Vous pourrez me solliciter pour le motif de votre choix, que ce soit mon assistance ou mon savoir, et ce, lorsqu’il vous plaira. Entendons nous bien. Ce sera un service à usage unique qui ne devra en aucun cas mettre en péril Eridania, ma sécurité ou mes intérêts. »

Une proposition audacieuse, et potenciellement risquée, Esméralde en était consciente, mais elle n’avait pas de meilleure carte dans son jeu, pour le convaincre. Elle espérait juste, que ce serait suffisant.

« Qu’en dites vous ? »

Les yeux de la Sylphide, sous les traits délicats et avenants d’Esméralde, s’assombrirent, lui donnant à présent un air plus tout à fait Terran mais davantage en rapport avec son essence réelle. Avec une grâce éthérée, elle repoussa la tasse de thé promptement remplie. Si, habituellement, la Dame de l’Epine appréciait le jeu sournois des courtisans, montrait une patience à toutes épreuves et un charme de toutes circonstances, elle éprouvait en cet instant une certaine lassitude pour cette entrevue.

« Monsieur Lorindiar, vous êtes gourmand ! » lâcha-t-elle sans l’ombre d’un sentiment.

Les pressions mentales et les intrusions électrisantes, dont son esprit devenait trop régulièrement à son gout, la victime, sonnaient comme des menaces. Elle en avait conscience, mais au fond, elle supportait de moins en moins le joug de ce semblable, trop sûr de lui, trop égocentrique, trop narcissique. Chercher à tirer à ce point avantage de la situation dénotait bien son esprit. Ne lui avait-elle pas présenté une requête à la fois juste et honnête ?

Elle se leva avec la grâce éthérée qui la caractérisait tant et se dirigea vers l’une des étranges sources de lumière de la pièce. Incapable de résister, elle la toucha comme plongée en pleine réflexion. Puis, elle se retourna vers Ision. Sa bouche marquait un pli contrarié, et la lueur de ses prunelles semblaient s’être éteinte

« Soit. De toutes évidences vous ne me laissez guère de choix. » capitula-t-elle d’un filet de voix.

Ses épaules s’affaissèrent légèrement, tandis qu’elle scellait de ces quelques mots son avenir. Ision Lorindiar pouvait être fier de lui, elle s’était visiblement soumise à son joug. Elle croisa ses bras en dessous de sa poitrine.

« Votre curiosité est dérangeante et vous me prêtez des intentions qui ne sont pas les miennes. Je ne cherche pas à en savoir davantage sur votre personne, Monsieur Lorindiar. Le monde ne tourne pas encore autour de votre seule existence. Mais j’avoue cependant avoir gouté votre compagnie, même si l’occasion de notre rencontre est… fortuite. Vous êtes presque charmant lorsque vous y mettez les moyens. »

Reprenant un peu de sa superbe, et rangeant au placard l’impression de soumission précédente, elle continua plus chaleureusement.

« Seulement vous exigez beaucoup et offrez bien peu. Pourquoi ne pouviez vous tout simplement pas être raisonnable. C’est dommage, infiniment dommage… Et...Je refuse vos conditions, cela va s’en dire. »

Sa robe de soie froufrouta alors qu’elle s’approchait de lui, mystérieuse et envoutante.

« Mais vous viendrez, je le crois, à ce bal. Et ce pour deux raisons. »

Elle dressa son index comme pour donner une leçon

« La première est non la moindre. Vous détestez ne pas être le marionnettiste, et l’idée qu’un autre s’octroie ce droit vous est doublement insupportable car non seulement il marque votre ignorance et la faiblesse de votre si grand pouvoir» - l’intonation de sa voix modula ironiquement ce dernier mot – « Mais en plus il envisage de vous éliminer au même titre que Le Prince, le Maire ou moi-même. »

Elle s’approcha et se pencha vers lui. Malgré la proximité, il ne pouvait sentir sur sa peau, son souffle tiède. C’était comme si elle ne respirait pas, pourtant …. Elle approcha ses lèvres de son oreille et lui susurra

« La seconde, me concerne. Comme je gage que vous n’apprécierez pas de me laisser cette manche, vous viendrez donc, par défi, par orgueil. ou pour les deux ... »

Les couleurs de la jeune femme s’estompèrent, l’illusion se dispersait et Ision pouvait à présent se rendre compte de la duperie d’Esméralde. L’illusion avait rempli son office de diversion, tandis que la Sylphide, sortait par la grande porte. Oh… il n’avait pas fallu beaucoup de temps, et la relative résignation de la Dame de l’Epine n’était qu’un artifice destiné à lui faire gagner suffisamment de temps. Pendant qu’il l’écoutait, il ne se lançait pas dans quelques intrusions mentales (Esméralde supposait, à tord ou à raison, que seule la proximité lui permettait d’établir un lien avec sa psyché), et elle pouvait s’échapper de cette souricière dont les grilles se refermaient inéluctablement sur elle. De toute façon, en la jugeant telle une porcelaine inoffensive et en ne possédant aucune fenêtre dans son cabinet de travail, il avait fait le jeu de sa fuite.

Cependant la demoiselle n’était pas dupe. Assurément qu’il lui ferait payer cher cet affront. N’empêche, alors que le fiacre la conduisait au loin, elle ne put s’empêcher de rire. Tel était prit qui croyait prendre. Elle lui avait magnifiquement damné le pion! Restait à savoir s’il viendrait ou non à la soirée. La Dame de l’Epine en était convaincue, mais il lui arrivait aussi de se tromper.

Nue devant sa psyché, Esméralde se jaugeait. Sa peau laiteuse lui paraissait plus pâle qu’usuellement, accentuant son apparente fragilité. Ses yeux sombres accusaient une fatigue alors que ses traits ciselés dans une porcelaine délicate restaient indifférents à la tension agitant son être. Cette nervosité, loin de s’être évaporé dans les eaux chaudes et parfumées de son bain, la harcelait davantage à mesure que les heures s’égrainaient. Dans un soupir elle se retourna vers sa femme de chambre.

« Je vais mettre celle-ci Yvalette » annonça-t-elle à sa domestique qui passait en revue, une à une ses toilettes

Elle enfila la robe de taffetas bleu nuit aux reflets moirés d’argent. Elégante, elle soulignait délicatement les charmes de la Dame, emprisonnait sa taille dans un fourreau parfaitement ajusté et cascadait jusqu’à ses pieds chaussés d’escarpins.

« Le Capitaine Arthuras, vous a fait également porter un coffret et un message. Je les ai déposés sur la commode » déclara Yvalette tout en laçant la robe de bal d’Esméralde.

« Merci Yvalette »

La chevelure d’or blanc de la Sylphide fut habilement domptée par les doigts de fée de la servante. Une tresse ceignait son front tandis que le reste de ses boucles coulaient dans son dos.

« Se sera tout. Tu peux prendre ta soirée. »

La domestique congédiée sortit rapidement, trop heureuse de jouir des quelques heures de liberté octroyées. Esméralde, elle, s’approcha de la commode et souleva le couvercle du coffret. Un sourire satisfait illumina son visage.

« Parfait. Capitaine … vous êtes décidément un homme de circonstances. » Ajouta-t-elle en lisant le petit mot qui l’accompagnait

Elle s’empara du contenu et le glissa dans son réticule. Comme soufflé par ce seul contact avec l’objet, la pensée pernicieuse et obsédante d’Ision Lorindiar s’effaça de son esprit, lui offrant un léger répit. Etrangement, elle n’arrivait pas à se l’ôter de la tête. Bien sûr il faisait partie de ses « actuels ennuis » mais il revêtait une place prépondérante dans chacune de ses réflexions depuis leur rencontre. Comment aurait-il pu en être autrement en même temps ? Ne l’y avait-elle pas mêlé en lui réclamant son aide ? Au moins serait-il présent au bal, le Prince lui-même avait confirmé la rumeur de couloir. Elle l’avait voulu… elle l’avait… Mais il fallait rester lucide, elle allait devoir prendre une décision le concernant parce qu’elle savait qu’il n’en resterait pas là. Son regard se porta sur son réticule. En arriver à de telles extrémités ne seraient certainement pas appréciables… elle en avait conscience mais en aurait-elle le choix ? Maintenant, elle se sentait fin prête … Un complot à déjouer, un Traitre à découvrir, un Sylphide à contenir. La soirée s’annonçait hautes en couleurs et en émotions…

Elle passa la porte, emportée par ses méditations lorsqu’elle se heurta presque à Ision. L’étonnement l’emporta sur tout autre chose, puis suivirent la sempiternelle liste de questions défilant dans sa tête à vive allure : Que faisait-il ici ? A quelles fins ? Comment était-il entré ? Assurément la surprise et la contrariété se reflétaient dans ses yeux à défaut de son visage totalement placide.

"Il est de convenance de surprendre les dames pour leur plaire et plus encore pour les emmener dans des lieux emplis de danger, j'ai pris la peine de me déplacer pour vous saluer et espérer pouvoir vous parler, accorderiez vous à l'un de vos compatriote quelques secondes avant de vous rendre à son bras à un bal où tomberont les masques"

« Et je ne doute pas, Monsieur Lorindiar, que dans un cas comme dans l’autre vous soyez un expert. »

Elle soupira et d’un geste l’invita dans son boudoir, qui lui servait à la fois de salon pour ses invités particuliers et de bibliothèque, non sans avoir préalablement refermé la porte de sa chambre. Si la pièce n’était pas immense, elle était cependant très accueillante quoique relativement sobre pour une maison de nantis. Une grande bibliothèque dévorait tout un pan de mur, et les nombreux ouvrages hétéroclites s’alignaient en rang parfois guingois. Des fenêtres vitraux filtraient la lumière du soleil en pleine journée, mais à la nuit tombée, la cheminée et les chandeliers offraient la seule source de luminosité. Au centre, une méridienne et ses sofas ornés de coussins moelleux entouraient une table basse.

« Vous accompagner. Vraiment ? .. Hum… Pourquoi ai-je la détestable impression que cette rumeur concernant votre présence et celle de votre maitresse à ce bal, ne soit de votre œuvre ? » Elle marqua son amusement, par un sourire « Je ne doute pas que certains en auront des sueurs froides en nous voyant ensemble. Eh bien. Il serait malaisé de renvoyé mon prétendu amant, je suppose que s’il se permet de monter jusqu’à ma chambre, je peux difficilement ne pas l’écouter quelques instants. Que voulez vous Ision? »

Esméralde se détendit légèrement, mais sans pour autant abaisser totalement sa garde. Si Ision Lorindiar savait indubitablement être aussi agréable que prévenant et attentionné, elle n’oubliait cependant pas qu’il pouvait être aussi ambitieux que dangereux. Peut-être, en d’autres circonstances, se serait-elle laisser envouter par cette voix grave et veloutée, par ce Lord énigmatique aux manières charmantes et charmeuses. Mais l’expérience de leur précédente entrevue, alliée aux connaissances accumulées au fil de ses existences, lui ordonnaient de se méfier.

« Vous avez la fâcheuse habitude, Ision Lorindiar, de souffler le chaud et le froid »

Sous ces belles paroles, aucun mot n’était anodin et elle se demandait de quelle façon exactement elle devait les interpréter. N’était ce pas quelques menaces joliment déguisée, glissées là telle des mises en garde ? Sa main effleura la fleur noire ornant à présent ses cheveux. Ses yeux aussi sombres que les pétales de l’orchidée

« Lorsque je suis venue chez vous, Ision, vous ne souhaitiez pas un compromis, mais une reddition absolue. Dans ces conditions aucun marché ne pouvait être valable alors ne jouez pas là-dessus pour me culpabiliser. Mais vous avez raison sur un point. Nous sommes identiques parce qu’aucun de nous n’accepterait de se soumettre à qui que ce soit. Je ne suis pas une marionnette et vous ne serez jamais mon marionnettiste. En revanche je vais choisir de prendre cette fleur comme le symbole d’une trêve. Même si elle n’est qu’Ephémère »

La Dame de l’Epine se soutira à l’emprise physique que le Lord exerçait sur elle par sa seule prestance. Elle se dirigea vers un petit meuble, en ouvrit les battant, en sortit deux verres et une carafe de cristal. Elle déposa le tout sur la table.

« J’ai offert leur soirée à mes serviteurs, vous devrez vous contenter de ce vin, à défaut de thé. » se justifia-t-elle en omettant la provenance de cet alcool doux mais coloré.

Elle versa généreusement le liquide ambrée et tendit le verre à son invité. Puis elle s’empara à son tour de la coupe, et gouta du bout des lèvres avant de la reposer sur la table

« Bien… J’ai toujours pensé que les images évoquaient davantage que les mots, elles laissent moins de part à l’interprétation. Et puis comme vous vous en êtes rendu compte, j’ai… un certain talent pour les illusions. Je vais partager avec vous ce que je sais. Peut-être noterez-vous un détail qui m’aurait échappé… »

Le sourire qui marquait son minois lorsqu’elle aborda son « talent » s’évanouit presque aussitôt. Il désirait connaitre toutes ses cartes concernant cette soirée et ce complot… elle allait lui offrir davantage. Le plaisir ou le déplaisir de croiser dans son monde. Elle s’approcha de lui, si près que leurs souffles se mêlaient presque. Elle emprisonna ses mains entre les siennes.

« Voyez Ision…. »

Le boudoir de la Dame se troubla, se déforma pour laisser place à tout autre chose. Le Sylphide n’était plus dans la demeure d’Esméralde, mais au beau milieu d’une réception. Tout paraissait affreusement réel, les différents parfums épicées des Dames, les odeurs de tabac provenant d’un fumoir, les notes de musique jouées avec entrain, la virevolte des danseurs. Les discussions allaient bon train entre les convives tous masqués, tout comme l’alcool coulait à flot pétillant. Ce qui était à la fois étonnant et troublant avec cette vision, c’est qu’Ision pouvait sentir, toucher, humer, gouter comme s’il avait été parmi eux, investit dans leurs corps. Les émotions qu’ils ressentaient, Le Lord les ressentait également. Du gout des mets raffinés sur les canapés briochés, à la douceur des lèvres d’une aristocrate goulument embrassée. Il voyageait, de personne en personne au travers cette foule joyeuse. Tout en cet instant, était grisant et plaisant.. Il remarqua sur sa droite une silhouette bleue aux cheveux d’argent.

« Lorindiar ! Vous ici ? » Tonitrua une voix qui aussitôt accapara l’attention de la silhouette.

Dans ce tableau d’un avenir proche, il venait de trouver sa propre carte pourtant le périple ne s’achevait pas ainsi. Sa présence fut retenue par un cercle de personnes dont il pouvait reconnaitre les visages, même sous les loups. Esméralde de l’Epine, en compagnie du Maire, du prince ainsi que d’une terce personne visiblement hautement importante, devisait.Soudain, son Altesse porta sa main à sa gorge. Ses doigts se crispèrent sur son cou. Le maire à son tour fut pris de cet étrange malaise, puis Esméralde, et d’autres dans l’assemblée dont Le Lord.

S’en suivit une violente douleur. Oui… parce que cette douleur, inconnue des Syphides insensibles se répercuta dans l’esprit d’Ision. Elle n’était plus physique mais mentale, cependant elle traçait le ressenti des agonisants. Cette impression horrible d’étouffer alors que toutes les cellules du corps hurlent pour une bouffée d’air, le gout amère sur la langue, les picotements douloureux des muscles, la peur, la haine, les remords, toutes ces émotions, toutes ses sensations envahissaient le Noble et l’assujettissaient.

Les empoisonnés tombaient au milieu des autres… la panique…

La vision ne s’achevait pas de la sorte mais Esméralde choisit cet instant pour l’arrêter. Elle le libéra de cet envoutement mais ne lui lâcha pas les mains. L’expérience était éprouvante, elle en savait quelque chose…

Cette fois ci, Esméralde ne sortit pas indemne de cet étrange duel. Ses yeux s'étaient clos, ses lèvres entre-ouvertent sur un souffle court. Ses jambes menaçaient de céder et elle se laissa tomber sur le tapis moelleux de son boudoir. Dans une flaque de taffetas bleue moirée, elle peinait à reprendre ses esprits. Sa poitrine se gonflait à intervalle saccadée, ses mains tremblaient, ses émotions se bousculaient et elle n'osait bouger. La plénitude totale, grisante, envoûtante de l'union de leurs pouvoirs, de la source de leur être ; sa perte alliée aux horreurs de la prédiction l'abandonnait sur des rivages amères. Une faiblesse passagère mais néanmoins oppressante.

Les images dansaient encore dans son crâne et elle en appréhendait toute la funeste portée. Les sbires d’Ision aux lames acérées protégeant leur maitre, les autres s’écroulant alors que les deux Sylphides régnaient sur leurs cadavres, encore debout mais seuls. Esméralde n’aimait pas ce qu’elle avait aperçu dans le monde du Lord. Non... une alternative déplaisante, pour un futur tout aussi déplaisant.Le reste de bien-être qu’elle avait alors ressentit durant cette étrange expérience s’évanouit pour de bon, lui laissant un goût âcre dans la bouche.

Elle n’avait pas encore bougé lorsqu’il lui tendit la main. Elle leva vers lui ses yeux sombres. Elle n’avait pas confiance en lui et elle savait qu’il se servirait d’elle autant qu’il le pourrait. Oui… elle en était persuadée … Mais peut-être en raison de ce pouvoir qu’il venait d’insuffler en elle, ou peut-être à cause de sa présence pareille à un murmure doux et attirant résonnant encore dans son esprit, Esméralde scella momentanément ses craintes à ce sujet. Elle n'avait rien à gagner à s'opposer à lui et même en cet instant précis, elle n'en avait pas le désir...

« Vous et moi, le pouvons assurément. C'est un fait dont je n'ai jamais douté. »

Elle attrapa la main qui lui tendait, et se releva gracieusement tout en la retenant entre ses doigts.

« Cette danse sera vôtre Ision, mais j'en serais votre amante, votre cavalière et votre alliée. Il est temps de remettre en place les pièces maîtresses du jeu et d'en trouver le joueur.»

Elle chavira dans ses bras et tendis son visage contre le sien pour murmurer à son oreille, suavement

« Ne me faites pas défaut... je ne vous souhaite pas comme adversaire et vous détesteriez être le mien... »

Elle glissa sa paume contre sa joue, parcourant la ligne de sa mâchoire jusqu'à sa bouche sur lequel elle apposa un doigt levé. Son regard se plongea dans le bleu profond de celui du Lord. Son éclat sérieux et dur ne laissait aucun doute sur ses intentions, s'il la trahissait ou s'il s'avisait de se jouer d'elle. Puis cette lueur se modifia, se modulant, devant plus douce, chaleureuse presque tendre.


« Ne dites rien. L'heure n'est plus à la dispute.... et si vous dites un mot, nous pourrions nous quereller. Laissons cela pour plus tard, nous avons une rumeur à confirmer... et puis je suis certaine que vous ne manqueriez pour rien au monde le plaisir de voir quel en sera le résultat sur tous ces nobles. »

Elle lui embrassa doucement la joue, comme pour sceller leur alliance, puis elle s'écarta.

« Allons y, voulez vous ? »

Esméralde ne réagit pas au baiser. Il ne brûlait pas du gage passionné d’un amant, il ne représentait rien de plus que le sceau d’une alliance, le présent d’un allié à sa compagne de jeu. Peut-être, si le temps n’avait fait défaut ou lorsqu’ils auraient résolu cette situation, s’expérimenteraient-ils sur un terrain d’amusement plus en phase avec un baiser, plus charnel, mais pour l’instant cette préoccupation n’était pas leur.

La Dame de l’Epine se fendit d’un sourire admirateur devant l’ouvrage du masque d’Ision. Il ressemblait à son propriétaire, à la fois harmonieux, élégant et peu discret. Pour sa part, la Dame de l’Epine misait sur une sobriété raffinée. Comme toujours. Le loup qu’elle ajusta sur son visage n’avait certainement pas l’apanage de celui de son cavalier mais il s’accordait parfaitement à sa personne. De velours bleu et galon argent, sans aucun falbala, il rappelait à la fois les couleurs de sa robe et celles du costume du Sylphide.
Afin de parfaire sa tenue, elle s’empara d’un mantel qu’elle jeta telle une capeline, sur ses épaules nues. Elle déposa sur sa chevelure toujours ornée de l’orchidée noire dont le parfum se répandait agréablement autour d’elle, le capuchon associé. Elle était prête. Ils étaient prêts. Le Bal pouvait commencer.

« Que les masques tombent… »

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