Discombobulate [PV Fenris]

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 Discombobulate [PV Fenris]

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Anonymous Invité
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MessageSujet: Discombobulate [PV Fenris]   Discombobulate [PV Fenris] Icon_minitimeMar 2 Juin - 5:51



Ses yeux noirs piqués de bleu scrutèrent froidement les alentours. La cendre, la pluie et la neige remontaient d'Inoa et balayaient la colline dans d'épais tourbillons blancs. Au-dessus de lui, le ciel était toujours d'une noirceur d'encre, tourmenté de zébrures orange. L'orage tournerait vite à la tempête, et des soldats en avaient manifestement trouvé l'épicentre.
Il les entendait avancer péniblement dans la montée du tertre. D'un pas vif, il prit la direction opposée, qui conduisait à la taïga, dans la pente des falaises. Il rabattit sa capuche sur sa tête et commença à courir, la main accrochée au catalyseur de son épée pour économiser ce qui lui restait de ressources. Il n'avait fait aucune réserve d'énergie. Sans cette pierre, il était condamné. Il devait trouver Fenris. Il avait sûrement amarré la goélette sur une plage accessible, il fallait descendre des falaises. Ils se croiseraient probablement en route.

Il entra dans la forêt au pas de course et dévala le coteau dans la brume entre les grands pins décharnés. S'il réussissait à traverser le bois et à atteindre la route de la plage, il s'en tirerait. Déjà, il entendait des bruits de cavalcades et des aboiements en alfari derrière lui. A l'évidence, on avait dû suivre ses empreintes facilement jusqu'à la forêt, mais dans la pénombre, au couvert des branches des résineux, ses traces seraient certainement plus difficiles à remonter. Il devait seulement réussir à les semer.
Au moment où il sauta par-dessus un arbre déraciné, de longues flèches sifflèrent autour de lui mais, mal dirigées tandis qu'il bondissait et se rétablissait à l'extrême limite de s'étaler de tout son long, elles transpercèrent seulement les pans de sa cape et se fichèrent dans des troncs d'arbres sur son chemin. Avec un rapide coup d’œil en arrière, parmi les volutes de neige qu'ils soulevaient dans leur sillage, il estima leur nombre à une quinzaine d'archers et d'arbalétriers, puis il bifurqua brusquement à sa droite et s'enfonça dans un bosquet de sapins touffus et d'arbustes épineux pour échapper à leur champ de vision.
Quand il s'en extirpa, il progressa encore sur une vingtaine de mètres, silencieusement, et se plaqua contre le tronc large d'un pin, dans un renfoncement rocheux, pour reprendre sa respiration. Il tendit l'oreille. Les soldats, à leurs voix, se dispersaient pour couvrir plus de terrain, comme il l'avait espéré. C'était bien.

Il attendit seulement quelques minutes avant de percevoir le bruit sourd d'un homme qui saute d'une hauteur dans un amas de neige, et comme le type s'élançait vers l'avant pour reprendre sa traque, Léo sortit brutalement de sa cachette, posa ses yeux bleutés sur l'arc de son adversaire et avant qu'il n'ait le temps de hurler pour signaler leur position ou même de s'arrêter, il le saisit par le bois de son arme et le projeta violemment sur le côté. En un instant, Léogan était sur lui, comme un fauve, il lui attrapa la tête et lui brisa les cervicales d'un coup sec. Aussitôt il se releva, examina farouchement les alentours, accrocha l'arc de son ennemi tombé et son carquois à son épaule et reprit sa fuite dans le brouillard.
Plus loin, il se plaqua derrière un autre conifère aux branches hautes, pistant l'un de ses chasseurs qui avait pris de l'avance sur lui, et, placé en surplomb, il le cribla d'une flèche unique qui lui traversa la gorge dans une percée de lumière, entre les ramures alourdies de givre de trois sapins. Le corps du soldat s'écroula silencieusement dans la nuit et Léogan remit son arc à l'épaule pour continuer de se ménager une route sûre dans le secteur du bois qui menait à la plage. Il tendit de nouveau une embuscade en calculant à l'oreille la trajectoire d'un Sindarin, qu'il surprit dans un bosquet en le frappant du tranchant de la main dans la jugulaire, dont il transperça la poitrine de son épée, et auquel il soutira une dague qu'il rangea à sa ceinture, puis il estima avoir déblayé raisonnablement le terrain, et il courut, et courut encore.

Soudain, une secousse incroyable ébranla l'air, dans un mugissement de tonnerre qui lui souffla les tympans, les arbres ployèrent et la terre explosa sous l'impact de la foudre. Propulsé en arrière par le choc en même temps que les sapins, éclatés, déchirés tout à coup par la force de l'éclair, Léogan vola sur quelques mètres et se cassa la figure sur le ventre dans un angle improbable au milieu des fougères. Ses iris bleus clignèrent frénétiquement et il s'ébroua, en plaquant immédiatement une main sur sa lèvre fendue et sa joue écorchée, dont il s'empêchait de ressentir la douleur, et d'où il put extraire une grosse écharde qu'il scruta une seconde avant de la lancer par terre. Il y avait également un éclat de bois qui s'était enfoncé dans sa botte jusqu'à percer son mollet. Son regard se posa froidement dessus. Plus tard. Il se remit à nouveau sur pieds, dans un paysage lunaire, où les cimes des pins encore debout brûlaient d'un feu orageux et où les arbres tombés incendiaient les bois enneigés. La fumée lui piquait les narines.

Et là, en un instant, dans le vacarme du cataclysme, il reconnut derrière lui le bruit d'une arbalète qu'on arme. Un tic lui agita la paupière.
Il tourna la tête brièvement, avec une bouffée d'adrénaline, afin d'estimer la trajectoire du trait. Il eut à peine le temps de bondir sur le côté d'une impulsion des bras, et le carreau arriva sur lui, à l'endroit où sa poitrine se trouvait une fraction de seconde plus tôt. La flèche traversa ses vêtements et sa protection en cuir, déchira les muscles de son bras gauche et se ficha dans son humérus en crissant et cisaillant ses nerfs. Faéris.
Un soupir lui échappa mais il fit face aussitôt au cousin d'Elerinna, qui se tenait à couvert, tapi dans une fosse en surplomb. Il le reconnut à sa tignasse opaline, mais surtout à sa façon de tenir son arbalète, qui n'était pas commune. Des souvenirs défilèrent à toute vitesse sur ses yeux. Faéris avait toujours été un tireur d'exception et un fin mécanicien, il utilisait une arbalète à répétition, Léogan n'avait pas le temps de s'occuper de son bras, les tirs suivants le cribleraient de traits dans la seconde.
Aussitôt, d'un bond précis, il se jeta à couvert également et une série de carreaux suivit sa trajectoire, sans le toucher heureusement. Il entendit Faéris jurer, dans sa fosse. Le souffle maîtrisé à la seconde près, Léo jeta un œil à la blessure de son bras, la main droite crispée sur son catalyseur, qui scintillait de plus en plus faiblement. Il devait se débarrasser de Faéris avant de se trouver à court d'énergie divine, sans quoi il finirait par se faire descendre avant d'avoir pu seulement croiser Fenris. Pour ça, il devrait tenter un corps à corps. Avec son arbalète à répétition, son adversaire était mieux équipé que lui, un combat à distance le perdrait.
Dans ce cas, il faudrait ne lui laisser aucune prise possible. Quitte à rendre le soin de son bras plus difficile, ultérieurement. Léo fixa l'empennage d'un regard opaque. De toute façon, au point où il en était, il était davantage question de sauver de lui-même ce qui pouvait être sauvé. Il valait mieux s'en tirer plus ou moins entier que ne pas s'en tirer du tout. Sa main droite quitta sans hésiter son catalyseur et se referma sur l'empennage du carreau – et aussitôt, son bras explosa de douleur. Il serra les dents de surprise et réprima un gémissement en se crispant de tout son corps, sa respiration s'emballa et sa main libre, la gauche, tâtonna à son fourreau pour retrouver un contact avec le catalyseur. Quand elle l'agrippa, ses yeux scintillèrent à nouveau d'un éclat bleuté et la douleur se tut. Il rétablit doucement ses constantes et son attention retourna à sa tâche. Il n'était pas avisé de chercher à extraire le carreau lui-même, il était possible que la pointe reste fichée dans son os, il avait besoin d'une force de traction plus importante pour la dégager de là. Alors, d'un geste sec, il se contenta de casser le trait en deux, laissant seulement deux à trois centimètres de bois dépasser de sa chair, pour d'une part faciliter ses mouvements et empêcher Faéris de saisir littéralement une opportunité de prendre le dessus, et d'autre part laisser de la marge à des soins éventuels plus tard. Il jeta l'empennage ensanglanté dans la neige, cracha de la salive et commença à ramper dans la partie basse de la végétation, fronçant du nez en remarquant les traces rouges qu'il laissait dans son sillage.

Ha, Fenris, c'est le moment ou jamais de ramener tes miches, si tu prétends mériter ton titre de chevalier servant...

Il ne percevait pas le moindre bruit du côté de Faéris. Réflexe de traqueur de Canopée, il devait s'être simplement immobilisé en attendant de déceler du mouvement dans les fourrés. Et il avait bien raison. De là-haut il avait une vue imprenable sur son gibier, si tant est qu'il décide de sortir de sa cachette.
Seulement, une fois qu'il se fut trouvé un tronc d'arbre mort où il put s'adosser, bander silencieusement son arc et encocher une flèche, Léogan n'avait plus l'intention de bouger d'un poil. Faire le mort était certainement la meilleure façon de faire descendre l'oiseau de son perchoir. Son souffle se condensa dans l'air glacial.

Pendant un long moment, les deux hommes se tinrent inertes chacun dans leur tranchée. Léogan respirait à peine.

« Et tu comptes rester terré combien de temps dans ton trou, petit fumier ? »

Il ne répondit rien. En haut de la butte, Faéris commençait à s'impatienter.

« GALDOR ! ADARIL ! PAR ICI ! »

Galdor et Adaril ne répondirent pas non plus. Sous la chape assourdissante du tonnerre, sur chaque crépitement de l'incendie qui naissait dans la forêt et faisait craquer la neige régnait un vide sépulcral.
Un rictus narquois se dessina sur le visage de Léogan.

Il fallut encore quelques minutes au commandant des forces des Lanetae pour comprendre que ses deux hommes ne le rejoindraient pas et qu'il devrait vérifier sans couverture qu'il avait bien touché et étendu sa cible. Léogan l'entendit se glisser à son tour dans la végétation et descendre à pas de loup de son promontoire. Il tendit plus sensiblement la corde de son arc entre ses doigts nus.
Son ennemi apparut finalement, dans un halo de lumière projeté par les flammes. Il était vêtu d'un manteau, mais on devinait assez aisément que la fourrure cachait une armure de plaque, qui cliquetait régulièrement tandis qu'il avançait. Léo prit une inspiration imperceptible et dirigea sa flèche un peu plus haut, de sorte à viser la tête du chien qui flairait sa piste.

« Tu sens si fort la poudre prête à brûler et exploser, mon ami, que tu devrais nourrir quelques inquiétudes. Si fort, que je te retrouverais même dans le noir... Ou serait-ce la puanteur de ton cadavre ? »

La pointe de la flèche de Léogan suivait la tête de Faéris jusqu'à trouver un angle de tir infaillible, tandis que celui-ci dépassait la souche morte derrière laquelle il était planqué.

« En parlant de cadavre, j'ai trouvé celui d'Elerinna que tu as laissé derrière toi, poursuivit Faéris, d'une voix poisseuse d'acidité. Défiguré et égorgé dans la neige. J'espère presque que tu agonises quelque part dans le coin, que je puisse au moins te rendre la pareille. »

Il s'éloignait. Cet abruti lui tournait le dos et s'éloignait. Et sa fenêtre de tirs possibles – de tirs faillibles – se réduisait à mesure qu'il avançait dans le bois. Cinq ou six noms d'oiseaux traversèrent l'esprit de Léogan alors qu'il décidait enfin de tirer une flèche, une seule, qui ne pouvait pas atteindre la tête découverte du Sindarin, mais qui déchira son carquois d'arbalète et propulsa dans la neige tous ses carreaux en réserve. Surpris, Faéris se retourna avec un grondement de colère et chercha des yeux d'où pouvait venir le projectile, l'arbalète en avant.

« Bien visé, Léo, siffla-t-il. Tu peux pas t'empêcher de faire le malin, tu sais que ça te perdra. »

C'est ça, ouais. Allez approche, amateur.
Léogan encocha très silencieusement une nouvelle flèche, mais le chasseur avait prudemment choisi de se mettre à couvert, plutôt que de ramasser les traits qu'il avait perdus. Il revenait sur ses pas, le bruit de son armure le trahissait. Et bientôt, Léo le trouva, son angle de tir.

La corde de son arc vibra et sa flèche siffla dans l'air vif de la nuit. Faéris était à quelques mètres à peine, le trait fusa sur les gantelets de son armure et son arbalète lui bondit des mains. Ce fut cet instant précis que choisit Léogan pour lâcher son arc et se précipiter sur lui de tout son poids. Tirant au clair le couteau dont il avait délesté un des malheureux qu'il avait tués, il le flanqua contre un arbre d'un violent coup de pied dans le poitrail et s'apprêta à plonger sa lame dans une interstice de son armure en l'abattant avec force, mais Faéris, quoi qu'à moitié sonné, retint son bras d'une poigne féroce – et il fallait lui reconnaître qu'il était en meilleure disposition physique que Léogan pour l'heure. Il lui suffit d'un poing envoyé en plein thorax pour repousser son adversaire qui s'abattit par terre.
Insensible à la douleur néanmoins – en tout cas autant que sa magie le lui permettait, c'est-à-dire avec des oscillations sensitives très troublantes – Léogan ne s'en formalisa presque pas et attrapa l'arbalète pour mettre en joue, mais Faéris expédia un coup de pied dans l'arme qui valdingua par-dessus la tête éberluée de Léo, avant d'écraser sa poitrine sous sa botte. Il s'effondra contre le sol. Ses pupilles bleues s'éteignirent dans la noirceur de ses yeux et il sentit toute la morsure de ses brûlures sur ses membres et son buste, la déchirure de son bras et le picotement de son mollet le percuter comme un taureau en pleine charge. Il était incapable de se reconcentrer assez pour retrouver l'usage de sa magie. Ses mains tâtonnèrent autour de lui et la droite se referma par chance sur quelque chose.

« Comment as-tu pu... ? Comment as-tu osé nous faire une chose pareille ?
– ...j'en sais rien, suffoqua Léogan, d'une voix rauque, j'essaie des trucs, j'y vais au culot. »

Et d'un large balayage du bras, il frappa avec une branche dans les jambes de Faéris qui trébucha en arrière et libéra sa poitrine de la pression qu'y exerçait sa botte. Secoué d'une quinte de toux douloureuse, Léo repuisa de nouveau de l'énergie dans son catalyseur et attrapa l'arbalète avant de se relever en chancelant pour faire face à son ennemi.

« Oh, Faéris ! »

Il lui envoya violemment l'arbalète contre la poitrine et Faéris la réceptionna de force, le souffle coupé. Le temps qu'il retrouve contenance, Léogan le repoussa d'une main jusqu'au bord du talus d'arbustes, et, empoignant l'arme de nouveau, flanqua un violent coup de botte dans le genou de son adversaire qui s'écroula en arrière dans un cri et dégringola dans la pente enneigée. Sans plus de cérémonie, Léo s'élança à son tour, l'arbalète sous le bras, et dévala la butte à toutes jambes pour prendre de la distance dans l'obscurité d'un sous-bois.
Tout était à recommencer. Ils allaient à nouveau se lancer sur ses traces.

Et puis cette arbalète ne lui servait à rien d'autre qu'à l'encombrer, quand Faéris disposait des seules munitions ! Du moins, il restait trois carreaux de réserve, il s'agissait d'en faire bon usage.
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Anonymous Invité
Invité

MessageSujet: Re: Discombobulate [PV Fenris]   Discombobulate [PV Fenris] Icon_minitimeDim 21 Juin - 19:07

Chapitre V : Discombobulate

Acte I: On the Hunt

Son souffle se perdit en un nuage de fumée blanche tandis qu’il regagnait la terre ferme, après avoir inspecté les voiles et les deux mâts. Hésitant, Fen jaugea plusieurs fois son chapeau et son manteau, dont il se sépara finalement à contrecœur. Sourcils froncés, il les jeta à l'intérieur d'un coffre qu'il referma sèchement, puis s'en fut amarrer sa toute nouvelle goélette à un arbre, qu'il choisit pour sa solidité. Ses mains noueuses entourèrent le tronc en des gestes prompts, puis tirèrent d’un coup sec pour vérifier le nœud. Il n’avait pas beaucoup de temps à accorder à ces détails, et pourtant seul Soulen savait à que point la logistique serait cruciale. Ce bateau était sa seule porte de sortie d’un pays qui allait bientôt être mis à feu et à sang, et c’était avec lui qu’il comptait emmener Léogan loin de ce merdier. La Bateleuse était son nouveau nom... En espérant qu’elle y fasse justice. La demoiselle serait leur unique salut dans ce jeu hasardeux où les mises étaient de plus en plus conséquentes. Et bien qu'il soit un joueur expérimenté et habitué à risquer gros, cette fois il n'en menait pas large.
Avec la Bateleuse ils ne pourraient pas aller aussi loin que le portait son ambition, mais c’était ce qu’il avait pu s’offrir avec les trois malheureux sous qu’il avait de côté, le tout dans un délai peu propice aux négociations. Et justement, le temps c’était ce qui lui faisait défaut. Une angoisse au fond du ventre lui donna un début de vertige. Il porta son regard vers l’orée du bois qui couvait de mille consciences grouillantes, puis sur le ciel obscurci par la tempête orageuse qui s’était déchaînée avant son arrivée. Il savait qu'avec ou sans la bénédiction du dieu des océans les intempéries incontrôlables compromettraient le voyage. Aussi expérimenté qu'il soit, il avait appris à ses dépends qu'il ne fallait jamais se défaire de son humilité. Son habileté avait ses limites, il ne pourrait pas grand-chose face aux éléments s'ils persistaient à s'exprimer avec cette incroyable violence.
Fen prit une profonde respiration et rassembla son courage. Il ne fallait surtout pas qu’il s’imagine être déjà rattrapé par sa saloperie de malédiction, ni qu’il anticipe la probabilité un nouveau naufrage. Sa vie et celle de son frère étaient en jeu, il n’y avait pas de place pour les vieux démons. Il vida ses poumons et ses fantômes intérieurs, agacé de déjà fantasmer sur une cigarette qu’il n’aurait pas le luxe de fumer.


« Sirion, reste ici avec Eesa, monte la garde. Si quelqu’un vient, tu leur expliques que nous sommes ici pour livrer des marchandises de la part des forces alliées. S’ils doutent, montre-leur la lettre cachetée. Surtout tu ne bouges pas. Ils ont sonné l’alerte, mais on ne doit pas laisser ces biens tomber aux mains ennemies. Je vais aller voir ce qui se passe, sois prudent. » Dit-il en alfari au jeune bleu qui attendait des instructions, inquiet mais dans une confiance presque aveugle.
C’était le dernier né des Inändil, un jeune blond à peine majeur qui se retrouvait là livré à lui-même, entraîné dans un conflit dont il ne saisissait que les inepties idéalistes avec lesquelles on lui avait étanché la cervelle.


« Tiens, prête-moi ton fanion, j’sais plus où j'ai foutu le mien. » Fen parlait à la fois avec la mesure d'un militaire très organisé et la familiarité bienveillante d'un vieil ami. Pour cette raison, et parce qu'au fond le sindarin appréciait qu'on le traite enfin comme un homme sur qui on pouvait compter, il détacha le fanion de sa ceinture et le tendit sans poser de questions. Fen accepta et rangea précipitamment le petit bout de tissu rouge et noir aux couleurs du blason Lanetae… la seule marque qui permette aux mercenaires de se reconnaître entre eux. Il le glissa dans sa poche avec un remerciement et une tape amicale sur l'épaule. En parfaite illustration des modèles de l'est, Sirion ne broncha pas. Les démonstrations et les effusions ce n'était pas vraiment la politique nationale.
Et dire qu'au final ils veulent entrer en guerre pour défendre l'honneur inexistant d'une femelle qui ne se soucie que de son nombril enjolivé d'on ne sait quelles modernités pimpantes ! Oh elle est féroce et pleine d'allure, la dame d'albâtre, la gloire et la fierté de tout un pays, elle qui n'avait rien eu de mieux à foutre que d'aller sauver deux ou trois glaçons à l'autre bout du monde, histoire de chasser l'ennui ! Quelle grandeur d'âme, quelle philanthropie, quelle magnificence sonore et lyrique dans la verve et les appels au secours ! Il roula des yeux, dans le dos du petit.

Loin de se douter de ce qui couvait derrière la mine concentrée de Fen, ce dernier n’avait aucun doute. Il se passait quelque chose. Il haussa les épaules d'une fausse insouciance, cherchant à se convaincre et se faire une raison. Quoi que ça puisse être, c'était sans importance. Les troupes Lanetae auraient bientôt le dernier mot et feraient comprendre la dimension de leur erreur à ces Cimmériens obtus et limités. Personne ne châtierait injustement l’une des leurs sans en subir les conséquences. Cela n'avait jamais été un but à atteindre mais s’il fallait en venir à la guerre pour défendre la dignité du peuple sindarin, et bien c'était un choix qu'ils devaient assumer à n'importe quel prix. En cela, la présence de vétérans tels que Fenris le rassuraient énormément. Il se sentait fier de voir que les Jézékaël leur prêtaient main forte même si ils n’avaient pu assumer publiquement leur position, muselés qu'ils étaient par les restrictions ridicules émises par la reine Viwien. Une fougue endormie battait comme un tambour sous la pellicule de sang-froid qu'on lui avait inculquée toute sa vie durant. Sirion fut tenté d’insister pour accompagner son aîné, seulement un regard inflexible lui suffit à comprendre qu’il n’obtiendrait pas gain de cause.
Il se remémora les règles si souvent apprises à l'école militaire. Les premières lignes du manuel lui revinrent distinctement, parmi d'autres extraits. « Un soldat accomplit sa mission, avec la volonté de vaincre et défendre la nation, si nécessaire au péril de sa vie. » Il récita intérieurement la ritournelle rassurante, tout en ébauchant un garde-à-vous impeccable. « Il obéit aux ordres, dans le respect des lois et de l’honneur de sa famille. » Sirion regarda Fen partir, une moue frustrée au coin des lèvres. L’heure de montrer sa valeur viendrait bientôt, il lui fallait être patient.
Fen échangea un dernier regard avec la renarde, puis s’en fut. Ils n’avaient pas besoin de parler pour communiquer. Eesa dans sa grande curiosité pencha la tête sur le côté, plissant les oreilles sans tout saisir. Pourquoi fallait-il qu’elle protège l’enfant ? Il avait une pique, n’était-il pas assez grand pour se défendre seul ?


***

L’orage se faisait de plus en plus intimidant, grondant sur sa tête avec une violence qui semblait provenir à la fois du ciel et des entrailles de la terre. Fenris leva l’œil vers la cime des arbres pour juger la vitesse du vent. Assez pour perturber les archers, insuffisant pour dévier ses carreaux,… du moins s’il parvenait à trouver une position à l’abri. Retirant le cran de sécurité, il vérifia que les trois carreaux se trouvaient bien placés dans la queue de détente. Il était paré. Si Léo était quelque part dans ce labyrinthe sylvestre, il le trouverait. Adossé à un arbre, les pieds bien ancrés dans la neige, il se concentra. Son esprit s’éleva doucement par-dessus les branches, emmené par les spirales venteuses, scrutant les environs de ses yeux visionnaires avec la minutie du mécanisme d’une horloge. Néanmoins le lien qu’il retrouva après une paire de minutes le figea, l'éjectant brutalement.
La trace était nette et chaotique, foudroyante comme le mauvais temps. Les émotions conflictuelles et explosives qui lui parvenaient étaient trop fortes pour qu’il prenne le risque de prolonger le contact et déborder comme une coupe trop pleine. Sous le choc et le souffle court, Fen s’arrêta pour nouer le fanion à son poignet, juste au-dessus de sa chaîne. Au cas où, ça lui permettrait au moins de faire diversion, et quelque chose lui disait qu’il allait en avoir besoin.
Comme pour lui donner raison, des cris pressés retentirent.


« Par ici, il est deux collines plus loin ! »
« Merde. »
« Là !! »
« Par où ? » Il courut en direction d’un sindarin aux cheveux sombres, qui fila sans prendre le temps de s'interroger quant à son identité.
« À dix heures. Suis-moi ! »

Quelques secondes d’attente. Un sifflement dans l’air. Un son très bref, pratiquement étouffé d’un bruissement d’aiguilles de sapin agitées par le vent marin. Bianca chanta sa mélodie favorite et fit tomber le soupirant à la renverse, raide mort sous son charme. Un carreau logé entre les omoplates signa son requiem, un murmure aérien qui s’évanouit sans tarder dans le froid ambiant. L’homme tomba à genoux puis s’étendit face contre terre, dans le petit ravin qu'il traversait. Fenris jeta une œillade à la ronde puis courut à grandes enjambées en sa direction. Personne. Il laissa Bianca glisser dans son dos via la lanière de cuir qui la retenait et descendit prudemment. Il récupéra le carreau en posant un pied indifférent sur le corps, et réfléchit à comment le cacher. Une haute branche lui donna la réponse. À pas de loup il remonta la pente et sauta pour y peser de tout son poids. Le bois craqua et céda après la seconde tentative, couvrant le macchabée de dix bons kilos d’une épaisse poudreuse.
Fen se donna pour satisfait de son œuvre mais ne recula pas assez vite pour éviter la douche. Il s’ébroua en frissonnant, les cheveux plus pâles que jamais. Sa natte retomba lourdement dans son dos, alors qu'il se retournait brusquement. D'autres cris provenaient de plus loin, de la direction que lui avait pointée le mort. L'étau se resserrait autour de Léo, qu'il sentait de plus en plus fatigué et nerveux à travers la piste qu'il suivait à tâtons. Son pas s'accéléra et se mua en course dès que le terrain le permettait. Sa main prudente était posée sur la garde de son épée. Il avait la certitude inexplicable qu'il en aurait bientôt besoin. D'un regard en arrière il mémorisa le chemin parcouru de façon à gagner du temps sur le retour. Les sens aux aguets, il se dirigea vers la forêt dense où les arbres se succédaient en rangées sombres, en public silencieux des barbaries qu'ils abritaient. Le malheureux spectacle n'était pas terminé, et avec le nombre de types qui ratissaient les lieux à la recherche de la source du cataclysme, il y aurait forcément d'autres morts. D'autres sindarins qui ne seraient plus que cendre et poussière, de la chair à canon qui deviendrait humus pour les profondes racines des géants sylvestres, et un petit tas de terre étrange sous ses bottes.

Le borgne les écouta aller et venir, sans trop savoir s'il devait les suivre pour continuer de jouer la comédie, ou les attendre pour se frayer une voie jusqu'à son frère. Bianca avait toujours deux carreaux enclenchés, aussi il continua d'avancer. Le sentiment d'urgence qui montait dans sa poitrine commençait à vibrer dangereusement, le rendant sourd à la peur de se faire prendre. Et puis soudain ça le déchira comme une vieille page jaunie. Une douleur diffuse et piquante, un élancement incompréhensible dont il connaissait l'origine mais pas la cause. Léo, il avait besoin de lui. Pas dans quelques heures ou quelques minutes, maintenant. Fen serra les poings de telle façon que ses ongles se fichèrent dans sa propre peau.
Un bruit de pas. Un, non... deux gars venaient. Il s'adossa à un arbre en espérant pouvoir trouver une fenêtre de tir, une occasion de mettre fin à ce combat qu'il n'avait pas le temps de mener. Bianca au bout du bras, la gâchette le démangeait. Un carreau pour chaque, un seul, c'était tout ce qu'il lui fallait. Il se craqua la nuque comme pour retrouver une partie de sa mobilité, qui perdait en fluidité avec le froid ambiant. Il laissa les deux soldats passer à côté de lui et se précipiter vers les voix qu'ils entendirent au loin, entre les explosions qui traversaient les cieux en un feu d'artifice lumineux. Fen tendit l'oreille aussi, et après quelques longues secondes il entendit les provocations précipitées d'un homme, qui s'en donnait à cœur joie niveau insultes. Des injures portées par le vent qu'il connaissait si bien, et qui résonnaient dans l'espèce de clairière vallonnée d'où elles provenaient. Apparemment ils jouaient à un jeu de patience qui aurait pour résultat la mort d'au moins un d'entre eux.

Fen se sentit pousser des ailes. Des ailes de panique et d'impulsivité, qui l'emmenèrent dans un envol immédiat pour une destination inconnue. Les bras calés sur la branche d'un arbuste décharné, il vit une ouverture qui ne dura qu'un instant. Il la saisit désespérément et tira, bien qu'elle soit loin d'être parfaite. Le carreau siffla à nouveau et se ficha dans la gorge du soldat, qui venait de se retourner à l'improviste vers son comparse. Ce dernier fut donc alerté par l'attaque qu'il n'était pas censé avoir vue venir et se mit à courir comme un dératé sans demander son reste. Fen jura mais réussit à résister à l'impulsion de décocher un troisième trait qui allait valoir très cher après cet échec. Bianca glissa à nouveau dans son dos, mais cette fois il n'eut pas le temps de récupérer son projectile ni de s'approcher discrètement.
L'homme qui avait disparu au détour d'un vieux chêne en lui faisant croire qu'il s'était enfui chercher de l'aide agissait en chasseur rôdé. Après sa feinte calculée le soldat lui fonça dessus comme un aliéné, avec la force de l'adrénaline et de la colère. Dans ses yeux brillait un éclat de révolte envers la mort de son frère d'armes, et c'est avec la ferme intention de le venger qu'il avait sorti son épée. Fenris eut tout juste le temps de réagir. Trompé par les crépitements étranges qu'il percevait au loin et surtout le bruit de l'orage qui étouffait tout le reste, il dévia le bras assuré du combattant qui ficha sa lame dans l'arbre derrière lui. Pas assez profondément pour qu'elle soit définitivement coincée cependant.

Une série de coups de poing traîtres suivit l'assaut et Fen n'eut d'autre choix que de les encaisser, se repliant comme une tortue dont les avant-bras étaient la carapace.
Ce type est rapide pour un mercenaire. Trop puissant pour un travailleur occasionnel et trop en forme pour un militaire encore en activité. Un déserteur sûrement. D'un rictus narquois il le toisa pour le provoquer, ce qui poussa l'homme à déchaîner sa fureur à travers ses poings plutôt que sa lame. Un terrain où sa probabilité de victoire était bien faible étant donné son gabarit. Après une dizaine de coups acharnés sa puissance déclina sensiblement, ainsi Fen fut capable de saisir son poignet et ne se gêna pas pour douloureusement le tordre en pressant les veines qui irriguaient sa main. Une technique fourbe qui lui avait souvent été utile pendant les combats urbains de Tyrhénium. Il lui fallait néanmoins gagner du temps s'il voulait en tirer les bénéfices. Un peu de bluff s'imposait.

« Tes potes ont braillé comme des pucelles. De jolies fillettes sindarines étendues dans la neige, la gorge en sang. Mortes de la même façon que ta chère maîtresse. Comment déjà ? Ah oui, Elerinniaise... La plus grande trainée de l'orient, idole intouchable de tous les trous du cul de la forêt. » Son sourire s'élargit, dévoilant des crocs qui n'avaient rien d'humain. Il s'amusait de la situation et de la manipulation facile qui fonctionnait à chaque fois. La réaction fut intense et presque immédiate, mais il s'y attendait.
Le soldat arracha brutalement son bras à l'emprise du blond, portant la main à l'épée recourbée à sa ceinture, décidé à en finir avec lui. Seulement sa main engourdie peina à se refermer sur la poignée, ce qui le ralentit juste assez pour qu'il perde le dessus. Fen lui colla un coup de boule magistral qui le fit tomber à terre, lui défonçant l'arcade au passage. Assommé, l'homme tombé à genoux regarda le Lhurgoyf une dernière fois... avant que sa nuque n'émette un craquement sinistre, disloquée dans un angle improbable. Fen se releva sans tarder, désormais peu soucieux d'attirer l'attention. Une fumée d'un noir opaque s'élevait dangereusement depuis les falaises, et les cris des militaires pris au piège par le feu commençaient à se mêler aux ordres que leur beuglait leur supérieur. La panique les dispersait et rendaient leur organisation plus difficile. Il lui fallait en profiter.

Fenris s'élança entre les arbres comme une bourrasque, un spectre blanc fusant entre les troncs comme un fauve lâché de sa cage. Son œil devançait ses jambes qui le poussaient en avant à toute vitesse, et c'est avec une souplesse animale qu'il zigzaguait à s'en fendre le souffle, que son dos s'était progressivement voûté et que ses mains avaient parfois servi d'appui à une trajectoire un peu hasardeuse. Elles étaient devenues le gouvernail d'un vaisseau éclopé qui ne payait pas de mine, mais qui glissait sur les eaux mouvantes de Cimméria, se dégageant plusieurs fois in extremis des irrégularités du terrain ou autres débris d'explosion. Inévitablement il s'écorcha à de nombreuses reprises, le visage déjà un peu tuméfié par les coups qu'il avait reçus, mais il passa outre comme il pouvait. De toute façon ses mains calleuses possédaient une corne qui empêchait les échardes de se planter trop profondément. Il s'arrêta et huma le vent.
Au-dessus de sa tête le ciel était charbonneux et hostile, l'air était lourd d'humidité et de sang, qui s'infiltrait dans ses poumons dans un rai de fraîcheur désagréable. Il ne tarda pas à tomber sur plusieurs corps et sut qu'il n'avait pas été le premier à tuer en ces lieux. Il ne s'arrêta pas pour les examiner. Léo était proche. Si proche qu'il pouvait presque en flairer l'odeur...

Un autre éclatement terrible détona à une cinquantaine de mètres de sa position et le fit frémir d'appréhension. En plus du reste le froid commençait à peser sur ses membres à moitié transis, peu protégés par la mince barrière de sa chemise usée. Il leva la truffe sans trop y croire, tendant l'oreille. Des gens venaient. Au moins trois, probablement bien armés à en juger le cliquetis régulier qui les accompagnait. Sa mission principale était de trouver Léo et de le tirer de là, mais il n'était pas prévu qu'un tas de clampins s'amène au rendez-vous galant. Il s'arrêta soudain pour trouver une solution, mais rien ne vint. Au lieu de ça ce fut une intense douleur qui remonta le long de son échine sans qu'il puisse en déterminer la cause. L'origine quant à elle, était évidente : Léo.


« Lève tes bras et fais pas le con ! » Un homme l'apostropha en baragouinant un Terrania maladroit, en roulant les R comme un mendiant sudiste.
« Je suis des vôtres, ducon. » Fen répondit dans un argot alfari qui n'était pratiqué que dans les basses classes de Canopée, ce qui à défaut de mieux, désarçonna les présents qui se mirent à parler entre eux.
Son interlocuteur entra enfin dans son champ de vision, en même temps que trois autres qui le suivaient en chiots bien dressés. Il scruta sa poitrine et des épaules. Aucun galon. C'étaient de simples mercenaires, comme lui... À croire que les Lanetae n'avaient embauché que ça. Il leva le bras et montra le fanion qui y était enroulé, l'air détendu.

« Te fous pas de ma gueule, connard. On t'a vu faire. Mais maintenant qu'on a buté ton copain on va pouvoir te ramener à Faéris et te faire cracher ce qu'on veut savoir. S'il nous paie au moins la moitié de ton poids en or, on n'aura plus à bosser jusqu'à la fin de nos jours. »

Ils s'approchèrent et l'encerclèrent prudemment, lui coupant ainsi toute échappatoire. En fait il pondérait l'idée de se carapater à travers la végétation, mais deux autres types descendirent un talus pour rejoindre le groupe.
Putain de merde... Six, ils sont six. Et plus je traînerai, plus nombreux ils seront. Bien, puisque c'est comme ça... Fenris se décomposa sur leurs yeux et devint poussière, une poussière blanche et fine comme de la neige, qui flotta et disparut en se fondant au blizzard. La nuit artificielle couvrit son tour de passe passe, et il ne fut bientôt plus que fumée, une fumée indistincte qui leur arracha des cris et des jurons alors qu'ils s'élançaient à sa poursuite, comme des gamins après un sac de bonbons. Ce fut sciemment qu'il se joua de leur précipitation, qu'il serpenta entre les branchages et resta en hauteur un moment, le temps qu'ils se séparent à nouveau pour ratisser les environs. Il reprit forme en faut d'un grand arbre centenaire, et attacha Bianca à une branche et nicha Gleipnir dans une cavité du tronc. Il reviendrait les chercher plus tard. Pour l'instant il avait des choses à faire... Il se surprit à sourire à l'idée de laisser libre cours à la bête qui le taraudait, prisonnière depuis des mois et des mois.

Quitte à y être, il pourrait au moins se faire plaisir. Et puisque Léo avait attiré l'attention avec sa grosse colère de gamin qui pique une crise, il pouvait bien se permettre de casser la croûte. Fen grimaça à l'avance. Il s'assit à même la terre et prit une grande inspiration. Son œil se mit à luire et son dos se voûta à nouveau de la même façon que pendant sa course. Ses mains se crispèrent sous l'effort et la douleur contenue. Il grogna en sentant la bête ramper sous sa peau, qui ondulait sous les vagues d'essence divine. Ses cicatrices prirent feu, son orbite vide depuis si longtemps sembla se révulser du vide qu'on lui avait imposé. Son échine s'allongea en même temps que son visage se mua en museau. Sa mâchoire craqua et ses os se fendirent parfois pour prendre une forme très différente, ce qui le fit hurler sans s'en rendre compte. La violence qui remontait à la surface de sa conscience désinhibée lui fit peur. Son corps gonfla et s'étendit, jusqu'à ce que ses mains se fasse pattes. Il n'était plus lui-même. Il était enfin lui-même. Il ne le savait plus.
Un grognement sonore s'échappa d'entre ses crocs immenses, le ramenant à sa première transformation et le bain de sang qui l'avait suivie de près. Aujourd'hui il allait recommencer... et si l'homme rationnel était déjà horrifié à cette éventualité, l'animal n'y trouvait que délice. Majestueux et sépulcral avec les lourdes chaînes qu'il venait de briser au bout des membres, le loup originel était libre. Libre de faire ce qu'il voulait de ces pauvres tâches qui auraient mieux fait de fuir tant qu'elles en avaient eu l'occasion. Fenris se retourna et flaira le sol. Des racines, du gibier, et une piste ensanglantée qui était fraîche. Il n'avait pas oublié la petite voix qui bien au fond insistait pour qu'il retrouve son frère, un murmure aussi faible que tenace. Seulement avant... avant il comptait s'amuser.
Une paire de minutes suffit à ce qu'il retrouve deux proies. Les deux derniers mercenaires à être arrivés sur les lieux, les premiers à en repartir les pieds devant.

Un, deux, moult hurlements d'effroi s'élevèrent depuis les bois et résonnèrent en un écho répétitif à en glacer le sang. Le gargouillis agonisant se mélangea au mâchonnement hâtif de la bête qui refusait de se repaître complètement de ces insectes trop bruyants. Il lui fallait plus que ça. Beaucoup plus. Fenris hurla à son tour, comme pour signifier le début de sa victoire. Sa prison n'était plus, et bientôt les sindarins ne seraient plus qu'un lointain souvenir gommé par le temps et l'oubli. Sa fourrure se gorgeait progressivement de sang et de chair, rajoutant une sacrée couche à son aspect pas engageant d'origine. De l'homme il ne restait que des élans incertains d'émotions. Des élans qui le portèrent à la suite de l'odeur familière que lui évoquait Léogan. Mais au lieu de cela ce fut une silhouette élancée qu'il trouva, un étranger aux cheveux clairs et à l'arme de tir.
Silencieux comme le vent glacial, il se tapit dans l'ombre et rampa dans la neige qui se dilua dans son pelage. C'était une une aquarelle monochrome, parfois teintée de l'écarlate de la culpabilité qui n'éprouverait que bien plus tard. Son œil valide se fixa sur l'homme qui serrait contre lui une épée, puis repéra approximativement la forme sombre qui s'échappa dans la nuit en claudiquant. Une certitude assaillit son for intérieur et confirma sa pulsion instinctive. Un sindarin en chasserait un autre, lui les chasserait tous les deux. Car d'une façon ou d'une autre,... Faéris périrait avant le lever du jour.
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