Et la lignée survivra... [PV Walter Veldar]

La vie d'un notaire pouvait être une plaie. Si le très cérébral Clotaire Delavalette faisait ce métier, c'était uniquement parce qu'il s'agissait d'une histoire de famille et que cela payait bien. L'ambition? Il n'en avait aucune. Sa vie était aussi insipide que sa figure. Son épouse l'était aussi et ses enfants également. Sa lignée de gens insipides était ainsi assurée. Mais ce qui l'irritait le plus était sortir de la capitale. Il n'aimait pas la poussière. Il n'aimait pas les chevaux et les balades. Il était né austère et le demeurerait toute sa vie.

Lorsque l'on avait glissé dans son bureau un parchemin qui l'obligea à étudier la lignée de la famille béon, il accueillit cela avec un sourire jaune. Cela signifiait qu'il devait aller du côté de la frontière. Le bout du monde pour lui qui aimait sa petite vie rangée. Pire! Cette histoire l'avait obligé à faire des recherches pour vérifier la véracité des documents qu'il possédait. Le comté de Béon, c'était de la vieille noblesse, des vieilles traditions, des vieilles histoires. Une grosse couche de poussière qui lui donnerait des allergies à coup sûr.

Quand le jour fatidique arriva, son épouse lui loua un attelage de quatre chevaux. Pour aller plus vite qu'elle disait. La pauvre sotte ne savait pas que la vitesse pouvait être dangereuse pour son cœur! Si la voiture roulait imprudemment sur un caillou en chemin, cela se renverserait. C'était de l'imprudence pure pour un homme comme lui. Et puis, combien cela avait coûté cette histoire? Quatre chevaux, c'était trop de luxe pour une histoire de banale formalité de bâtardise avérée. Car tout se résumait à cela. La plus vieille histoire du monde qui avait poussé le maître de comté a faire des folies avec la bonne plutôt que sa femme trop ennuyeuse. Et voilà que le comté se retrouvait sans descendant légitime. Qu'il fallait être sot. Au moins, Clotaire, aussi insipide qu'il fut et le peu de folie dont il était habité, lui avait permis d'assurer son avenir.

Les heures de route furent un calvaire comme il avait pu l'imaginer. Il avait maugréé tout le long et bien après encore quand parvint au château du béon. Il se montra froid et pédant comme tout notaire qu'il était. Il s'estimait plus que les domestiques, peut-être même plus que les soldats aussi. Mais il était un couard dont il fit le minimum pour être exemplaire.

Sa venue était très attendue car on espérait enfin savoir qui reprendrait la tête de ses terres. Le dernier seigneur Veldar avait laissé dernière lui que des énigmes que le notaire avait dû résoudre, notamment en ce qui concernant son bâtard. D'ailleurs, maintenant qu'il était là, c'était lui qui l'attendait.

Expressément, Clotaire avait demandé qu'on lui prêta le bureau de l'ancien maître, pour prendre ses notes mais aussi pour faire signer les papiers officiels concernant l'héritage. Sans compter la lecture du testament du feu seigneur de Béon. Bref. Il n'y avait plus qu'à attendre que tous les protagonistes soient là. Une plaie ce métier.

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La vie sans écuyer était bien moins confortable. Il devait s'occuper de son cheval et de son équipement seul. Et surtout, il n'avait personne à qui faire la discussion. Sa jeune disciple avait choisie sa route après avoir reçu sa récompense pour avoir accompli la mission donnée par le Roi. Ils avaient partagé d'une bonne bouteille de vin ensemble dans un établissement réputé d'Hespéria avant de se séparer. Elle n'avait pas précisé où elle comptait se rendre, mais d'après la direction que Mary avait empruntée, Walter pouvait supposer que cela se trouvait à l'Est.

Comme promis, Thimothée Mannus, roi d'Eridania, lui avait proposé un autre rendez-vous pour lui parler plus en détails de son lignage paternel. Le souverain en savait long et avait deviné l'identité du père du chevalier en entendant la description des armoiries représentés sur des documents importants appartenant à Walter. De plus, l'informa-t-il, il y avait déjà des histoires et des rumeurs concernant l'existence d'un fils caché. Des histoires concernant Walter, donc.
Le chevalier désormais solitaire avait longuement hésité avant d'accepter cette entrevue. Sa vie lui convenait, après tout. A parcourir les routes, combattant et défendant les causes qu'il choisissait, surtout en fonction de la morale et de la paie, à vivre une vie d'aventures et de voyages. Mais depuis le départ de sa jeune écuyère, il sentait qu'il avait besoin d'un nouveau départ.

L'entrevue s'était déroulée dans le palais royal, dans une salle assez modeste. Le roi lui avait révélé que son père était l'ancien comte de Béon, désormais décédé avec toute sa famille dans une épidémie mortelle qui avait ravagé la région du Béon. Il se prénommait Vladimir et la maison des Veldar descendait d'une longue lignées de nobles et de comtes.
Il avait un peu choqué d'apprendre l'existence d'un père comte et de sa mort récente coup sur coup, mais ça ne changerait rien pour lui, qui avait toujours vécu seul.
Muet après ces révélations, le roi lui avait indiqué que la succession était compliquée et qu'un notaire réputé et compétent avait été mandaté par l'administration royale pour trancher le litige de la succession de Béon. S'il voulait faire valoir ses droits, Walter devrait chevaucher jusqu'à Béon pour s'y faire connaitre...

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Le voyage vers le comté de Béon fut silencieux pour le chevalier errant. Nulle compagnie de l'accompagnait, ni ne l'escortait. Il était encore perclus de doute. Béon était un comté ancien et fortement marqué par des traditions locales. Il doutait que son arrivée soit attendu avec impatience ou gaieté. Mais il avait reçu le soutien, même indirect, du roi Thimothée. Il aurait aimé être accompagné de Mary. Sa jeune écuyère, désormais officiellement chevalier, lui aurait donné de l'assurance. Il avait revêtu ses plus beaux atours et avait bien poli son armure. Walter espérait faire une bonne impression quand il rencontrerait les anciens hommes de son père.

Il craignait que l'homme chargé de démêlé la succession de son père ne soit pas accordant et ne l'écarte du fait de sa bâtardise. Après tout, c'est ce qu'il était en tant que fils illégitime d'un noble de haut rang. Cela ne lui plaisait guère, mais au vu de la situation, il devait se préparer à une certaine animosité de la part des nobles du Béon.

Il entra dans la ville par la porte nord. Le mur d'enceinte était solide et correctement garni, d'après ce qu'il vit au niveau de la porte. On le laissa entrer après un simple contrôle. La cité semblait dynamique et vivante. La grand place était le lieu d'un marché bruyant et il aperçut une taverne énorme de l'autre côté des étals. Il aurait bien été y faire un tour, mais il avait des choses plus importante à faire. L'homme chargé d'arbitrer la succession était parti vers le Béon avant lui et le chevalier avait dû forcer le train pour ne pas être trop en retard par rapport à cet homme.
Il remonta donc vers la forteresse de Béon, ouvrage massif et fortifié qui surplombait la ville, comme un mastodonte de pierre. Il dût passer par un quartier où le bruit des marteaux, des forges, du métal frappés et des cris des apprentis et compagnons résonnaient partout. De nombreuses forges et artisans peuplaient la ville et il put s'en rendre compte par lui-même.
Il fut même forcé de s'arrêter pour laisser le passage à un chariot rempli de minerai destiné à des fonderies. Les transporteurs lui crièrent dessus pour le forcer à s'arrêter sans même prendre en compte qu'il pourrait être quelqu'un d'important.

Il finit par arriver à la porte de la forteresse par le chemin escarpé qui partait de la ville. Également fortifié et surveillé, ce chemin débouchait sur une porte avec herse baissée. Il se stoppa devant les grands murs de la forteresse et chercha un garde à qui s'adresser. Une poterne s'ouvrit et un homme d'armes, arborant la livrée des comtes de Béon et armé d'une pique s'avança vers lui.

- L'accès à la forteresse est fermé jusqu'à nouvel ordre, déclara-t-il d'une voix monotone.
- Je suis attendu, répondit prudemment le chevalier.
- Ah oui ? Et vous êtes ? demandé avec un sourire goguenard le garde.
- Walter Veldar, annonça-t-il simplement.

Le sourire du garde se figea et son regard se fit plus intense. Après un moment de silence à la fois tendu et gêné, le garde cria d'ouvrir la herse et la porte pour le laisser passer.

Son entrée dans la forteresse de ses ancêtres se fit sans grande pompe, ni comité d'accueil. La cour où il pénétra était pourvu d'écuries et d'un poste de garde. Le château était immense et possédait de nombreuses cours, tours, bastion et un donjon énorme. Un palefrenier s'avança et l'aide à descendre de sa monture. Il prit les rênes et conduisit Grendel vers un box d'écuries pour s'occuper de lui.

Pendant un court instant, Walter resta seul dans la cour, jusqu'à ce qu'un homme, habillé d'un pourpoint bleu, qui devait être un valet ou un page se présente à lui pour lui demander de le suivre. Apparemment sa venue était attendue.
Il afficha un visage déterminé et ferme et espérait faire une bonne impression aux hommes de la forteresse. Il avait appris qu'un gouverneur apprécié et expérimenté dirigeait le comté depuis la mort du précédent comte, son père. Ce dernier serait d'une importance décisive pour lui.

Walter Veldar emboita le pas à son guide, tellement tendu qu'il en oublia d'observer et de découvrir la forteresse de sa famille paternelle...

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Clotaire s'impatientait. Il n'avait jamais été un homme patient alors que son métier l'exigeait. Mais que voulez-vous. S'il en était là aujourd'hui ce n'était que par défaut et uniquement parce qu'il savait que cela pouvait lui assurer une vie confortable.

Alors que les minutes s'écoulaient, il ne pouvait s'empêcher de tapoter sa plume contre le bois du bureau. Oh bien entendu, il avait mis un support en dessous pour ne pas mettre de l'encre un peu partout. C'était un vilain toc, un petit jeu de patience en attendant que le principal invité arriva. Jusqu'à ce qu'il se décida de se lever et s'en alla vers la porte, près à demander si on avait quelques nouvelles du jeune héritier. Mais à peine eut-il entrebâiller la porte qu'il distingua le bruit grinçant de la grande porte d'entrée. L'invité venait sans doute arriver.

Clotaire se dépêcha de refermer délicatement la porte pour s'en retourner à sa place. Il voulait montrer qu'il en imposait, qu'il était un homme sérieux et droit, et cacher le fait que toute cette histoire le fatiguait. Il prit donc son air le plus impérieux, une attitude altière et guetta que l'on toqua à la porte.

Comme prévu, le domestique guida le jeune Walter dans le bureau où attendait le notaire. Là, ce dernier ouvrit la porte et fit les présentations.

" Maître Delavalette. Voici Sir Veldar Walter. "

Clotaire arqua un sourcil.

"Sir? Il ne l'est pas encore. Veuillez entrer et prendre place. "

Le notaire, qui se tenait debout derrière le bureau, présenta d'une main directive un fauteuil matelassé qui se tenait devant lui. Il pria le chevalier de prendre place, et d'un autre signe de tête, il demanda au domestique de les laisser, bien qu'il ne refuserait pas une tasse de thé.

" Monsieur. Je me nomme Clotaire Delavalette et je suis le notaire qui a été mandaté afin d'étudier la succession de feu le Comte de Béon. Qu'avez-vous à dire à cela? "

Ils empruntèrent un escalier imposant pour monter un étage. Le couloir dans lequel le valet s'engagea, guidant le chevalier, était long et bien éclairé. Néanmoins, tout ce qu'il voyait jusqu'ici faisait clairement penser à Walter que le confort et le luxe était passé en second derrière l'ambition militaire de la forteresse, malgré des efforts pour rendre l'endroit plus accueillant.

Le page toqua à une porte en chêne puis entra dans la pièce. Walter le suivit sans trop savoir à quoi s'attendre. Un petit homme les regarda s'avancer dans ce qui était un bureau. Ce dernier portait un monocle et affichait une mine solennelle et un rien méprisante.
Le chevalier fut annoncé avec une marque de noblesse mais l'homme rectifia cela en précisant que ça n'était pas encore le cas. Walter haussa un sourcil d'étonnement face à tel respect d'étiquette et une volonté flagrante d'imposer son autorité à l'entrevue par cette remarque.

Ce dernier se présenta comme étant maitre Clotaire Delavalette, le notaire envoyé par l'administration royale éridanienne pour arbitrer la succession du comté de Béon. Une personne importante, du moins jusqu'à ce que son arbitrage soit rendu. Il décida de ne pas froisser cet homme afin d'éviter que la situation ne devienne trop tendue.

- Enchanté de vous rencontrer, maitre, commença Walter. Je suis Walter Veldar, fils du comte Vladimir Veldar.

Il ne précisa pas qu'il était né bâtard, afin de pas accentuer ce trait pouvant jouer en sa défaveur. Même si toute la famille de son père avait péri, emporté par une épidémie mortelle, il y avait d'autres prétendants qui voudraient sans doute devenir comte de Béon.

Farfouillant dans une de ses poches, il finit par en sortir un tube en cuir dans lequel se trouvait des documents attestant de sa filiation. Sur ces documents Vladimir Veldar reconnaissait être le père de Walter. Le sceau de l'ancien comte y figurait. Néanmoins, il n'avait pas écrit sa qualité de comte de Béon et Walter n'avait jamais chercher, ni fait le rapprochement avec le Béon, malgré les armoiries et le sceau. N'ayant jamais traversé le Béon auparavant, le nom de Veldar ne lui avait jamais été connu autrement que comme le sien.
Il se sentait un peu bête de n'avoir jamais compris, ni appris, ce qu'était son père. Il avait toujours repoussé dans un coin ce qui venait de son paternel. Il gardait une rancœur contre cet homme qui l'avait enfanté et abandonné avant même sa naissance avec sa mère.

Walter s'avança jusqu'au bureau. Il domina le notaire, assis dans un fauteuil, de toute sa hauteur, puis tendit les documents reconnaissant sa filiation paternelle au notaire. Il serait sans doute intéressé de les étudier. Walter les savait authentique, d'autant plus que le Roi Thimothée y avait jeté vaguement un œil lors de leur dernière entrevue et n'y avait rien vu à redire. Cependant, les hommes de lois avaient toujours la volonté de vérifier par eux-même selon son expérience. Déformation professionnelle sans doute. Ce notaire semblait plutôt rigide et Walter était sûr qu'il lirait attentivement le document.

- Je pense que ces documents sont importants dans l'affaire qui nous occupe, maitre, déclara le chevalier. Ils attestent de ma filiation, si je ne m'abuse. Je suis également un chevalier adoubé, mais je n'ai aucun papier pour le prouver, si ce n'est mes éperons de chevalier, mon armure et mon destrier.

Il fixait maitre Delavalette droit dans les yeux. Il avait la sensation que cet homme aimait contrôler son environnement totalement. Il ne lui ferait pas le petit plaisir d'apparaitre soumis à son autorité. Néanmoins, il affichait un regard avenant et sûr de lui, pour le moment. Aucun besoin de faire monter cette discussion dans des tons plus élevés ne se faisait ressentir.

Derrière lui, le valet se retira et le claquement de la porte se fit entendre malgré les précautions du serviteur.
Walter se demanda qui d'autres dans la forteresse devait attendre le résultat du travail du notaire. Le gouverneur, sans doute, et quelques nobles et bourgeois également. Le gouverneur... Quel était son nom déjà ? Le roi l'avait mentionné comme un homme de valeur, mais le chevalier errant ne parvenait pas à se rappeler comment il s'appelait... Une chose qui ne devrait plus arriver s'il héritait bien du comté de son père...

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Clotaire, aussi arrogant et pedant qu'il pouvait paraître, était un maître du protocole. Chaque chose était à sa place, comme les individus. Dans ce cas précis, si son avis personnel devait compter, sans nul doute qu'il aurait beaucoup à contester. Certes, le jeune homme qu'on lui présenta était le bâtard du feu comte de Béon, mais si la noblesse ne se jugeait que par le sang, alors Eridania serait au main d'un bon nombre d'enfants illégitimes.

" Enchanté de vous rencontrer, maitre. Je suis Walter Veldar, fils du comte Vladimir Veldar. "

Une moitié de fils. C'était la pensée que le notaire eut en premier lieu. Mais il ne devait pas juger et ne voir que les faits. En tout cas, cela ne le gêna pas le moins du monde de corriger un peu les faits.

" Mmm... Le fils du comte mais aussi... un fils illégitime. J'ai fait mes recherches, vous savez. Ne soyez cependant pas gêné par cela. J'ai cru comprendre que vous étiez un chevalier? Vous avez déjà un noble titre. "

L'arrogance de Clotaire se faisait sentir. Mais ce n'était que pour sa détestation de la poussière, des armes et des combats. Cependant voilà, le comté de Béon était très militaire et en réalité, les faits d'armes du jeune successeur ne pouvait être qu'un plus en sa faveur pour les gens qui seront sous peu sous sa direction.

" Votre connaissance dans les arts guerriers vous rendra facilement appréciés des gens du Béon. "

Ce fut à cet instant que Walter lui remit les documents officiels de sa filiation. A vrai dire, Clotaire avait espéré avoir pu mettre la main dessus lui même, il n'avait eut à faire qu'à une lettre écrite de la main du comte où il mentionnait un fils. Mais quand ce dernier s'approcha de lui pour lui fournir le papier et le toisa de sa hauteur, la couardise du notaire le poussa à s'enfoncer dans son fauteuil. Par tous les dieux qu'il n'aimait pas ce genre d'homme! On ne savait jamais de quoi ils étaient capable!

Tentant de faire tout de même bonne figure, il se racla la gorge et fit semblant de prendre une meilleure position sur son siège. Il arrangea son monocle et défit le document afin de s'assurer de son authenticité.

" Je pense que ces documents sont importants dans l'affaire qui nous occupe, maitre. Ils attestent de ma filiation, si je ne m'abuse. Je suis également un chevalier adoubé, mais je n'ai aucun papier pour le prouver, si ce n'est mes éperons de chevalier, mon armure et mon destrier. "

Alors qu'il lisait avec beaucoup d'attention, il n'écouta qu'à moitié les propos de Walter. D'ailleurs, il balaya d'un geste de la main les derniers propos concernant son adoubement.

" Mmmm.... oui, oui... votre adoubement. Nulle inquiétude à ce sujet... j'ai vu un document du roi... J'ai une copie que je vous remettrais... "

Un détail pour le notaire, peut-être pas pour Walter.

" Mmm... oui, oui oui.... Je reconnais l'écriture du comte... sa signature... sa marque.... Je peux confirmer qu'il ne s'agit pas là d'une falsification. Nul doute que vous êtes le fils reconnu du comte Vladimir Veldar. "

A ces mots, Clotaire replia le document pour le ranger dans son étui qu'il rendit au chevalier.

" Conservez-le précieusement. Peu de gens dans votre situation peuvent prétendre avoir un tel document pour légitimer leur sang. Votre père a été curieusement précautionneux. La plupart ne prenne pas cette peine. Il devait déjà avoir des projets pour vous. "

Au même instant, il chercha un autre document qu'il avait ouvert sur la table. C'était un grand parchemin, déjà signé de la main du roi et portant ses armoiries. Il y avait deux autres endroits qui attendaient une signature : celle de Walter, et celle du Notaire qui faisait office de témoin.

" Vous allez devoir signer ce papier. il stipule que le roi reconnait votre nom et vous offre un titre, celui de votre père. En signant ici, vous certifiez que vous devenez le nouveau comte de Béon et que vous allez devoir en assumer toute la charge de régence, et bien entendu, que vous vous soumettez à l'autorité de notre bon Roi Thimothée, et vous demeurerez son loyal sujet. Dans un cas de traitrise reconnu, le Roi pourra vous destituer et vous déchoir de tous vos biens, ainsi que de votre titre nouvellement acquis. "

Il tourna le document en direction de Walter, et poussa dans sa direction un encrier avec sa plume.

" A vous de choisir. "

Les remarques du notaire, quant à la bâtardise de Walter, n'énervèrent pas ce dernier. Il ne s'y attardait pas. Ayant été le fils unique d'une mère sans mari avant d'être l'écuyer d'un chevalier errant, il avait appris et compris que son statut était plutôt bancal, mais il avait su l'accepter pour finalement passer outre ces considérations.
Malgré son petit ton arrogant, le notaire chercha à atténuer ses propos concernant l'illégitimité de son interlocuteur en le flattant à propos de son titre de chevalier. Inconsciemment, le chevalier bomba le torse de fierté. Il était vrai qu'il avait atteint la chevalerie par ses propres moyens et ses seuls mérites.
Malgré sa situation qui avait connu des périodes difficiles - la vie de chevalier errant étant ce qu'elle est... - il avait toujours donné une valeur supérieure à son rang de chevalier et à tout ce que cela impliquait pour sa ligne morale et ses actions.
A chaque fois qu'il avait pu, il avait protéger les faibles et les causes justes ou nobles et la conservation de son honneur avait été un objectif clé à ses yeux.
Maitre Delavalette continua ses flatteries en mettant en valeur les compétences guerrières de Walter. Le chevalier fit mine de rester stoïque, mais il ne put s'empêcher de sourire en repensant à certains de ses exploits au combat.

Cependant, le juriste changea de posture et de ton quand Walter se retrouva à côté de lui, à le dominer de sa taille. Nul doute que cet homme était un pur homme de lettres et de lois et absolument pas un guerrier ou un brave.
Il se plongea dans l'étude des documents que Walter lui avait remis tout en balayant d'un geste de la main les remarques de Walter quant à la reconnaissance de sa chevalerie. Il fit même remarquer que le Roi avait fourni un document attestant de son statut. Le chevalier en fut un brin étonné et resta bouche bée un court instant. Le roi Thimothée ne lui avait pas mentionné cette attention de sa part. Il faudrait qu'il pense à le remercier la prochaine fois qu'il le verrait. Une telle attention de la part du souverain était un signe d'amitié et de faveur royale qu'il ne fallait pas négliger.

Walter n'oublierait pas de récupérer ce document. Même s'il n'allait sans doute jamais en avoir besoin, il appréciait le symbole que représentait une telle reconnaissance royale.
Une reconnaissance à double titre, puisque après avoir reconnu l'authenticité des documents qu'on venait de lui soumettre, le notaire lui présenta un autre document. Cette fois-ci, cela concernait la reconnaissance du nom, des armoiries et du titre de Béon à l'égard de Walter, qui deviendrait comte de Béon, officiellement reconnu et légitimé par l'autorité royale. En retour, il devrait se comporter en loyal vassal du roi et toute traitrise verrait la confiscation des titres et privilèges qu'il détenait en tant que seigneur de Béon.

Walter prit le temps de lire le document attentivement. En même temps, il réfléchissait. Delavalette avait faire une remarque intéressante concernant les intentions de son géniteur. Avoir faire rédiger une telle reconnaissance de paternité était très attentionnée de sa part et n'avait pas dû être fait sans arrière-pensée. Pourtant, si feu Vladimir Veldar avait montré un quelconque intérêt vis-à-vis de son fils illégitime, il l'avait bien caché. Se tenait-il informé de sa situation ou espérait-il que son bâtard de fils apparaissent un jour devant sa forteresse pour se mettre au service de la famille ?
Walter ne le saurait jamais.

Il releva la tête et regarda par la fenêtre. Sous cet angle, il pouvait voir les tours et bâtiments, ainsi que la muraille de la forteresse de Béon, ainsi que plus bas, dans la plaine, la ville de Béon, entouré de ses propres murailles, au milieu desquelles la fumées des forges et fonderies montaient ici et là. Encore plus loin, on pouvait distinguer, vaguement, la lumière et la brume du lac de Béon. S'il signait ce document, il deviendrait le seigneur et protecteur de ses terres qu'il apercevait, et plus encore. Le comté de Béon n'était pas la plus grande des provinces mais était largement assez grand pour lui et pour la plupart des nobles.
Walter pensa à toutes les responsabilités qui lui incomberait une fois officialisé comme le nouveau comte. Il devrait rencontré les notables et les conseillers comtaux et apprendre à les connaitre... Il en était déjà fatigué.

- Tout cela me semble parfait, maitre, déclara-t-il au notaire. De toute façon, je suis déjà un loyal sujet de Sa Majesté, comme nous tous.

Les dispositions qu'il acceptait était les mêmes que chacun des grands féodaux d'Eridania. Le Couronne avait accaparé de nombreux pouvoirs sur tout le royaume, notamment le pouvoir militaire. Si les grands seigneurs détenait toujours des contingents parfois importants, les régiments militaire de l'armée était tous sous l'autorité du Roi et de son État-major. Walter ne savait pas trop quoi en penser, mais si ça fonctionnait, alors pourquoi pas ?

- Je déclarer accepter les dispositions présentées dans ce document rédigé de votre main, énonça-t-il machinalement.

Il s'empara de la plume, la trempa dans l'encrier et apposa sa signature. Il s'agissait d'une signature simple, claire et lisible énonçant son nom, sa qualité. Walter n'avait pas encore de sceau à apposer sur le document, mais il était sûr et certain de pouvoir identifier sa propre signature si le besoin s'en faisait sentir.
A côté de la majestueuse signature de Thimothée, la sienne faisait un vrai contraste par sa simplicité.

- Voilà, c'est signé, annonça Walter. Il ne reste plus que vous, à ce que je vois.

Le chevalier, et bientôt comte de Béon, enfonça son regard dans celui du notaire qui portait un monocle. Étonnamment, le monocle lui allait bien. Il était ce genre de personne à qui les accessoires les plus ridicules obtenait une certaine prestance, ce qui faisait toujours sourire Walter.
Le document, que s'apprêtait à signer maitre Delavalette était d'une importance capitale pour le comté de Béon et pour Walter, voire pour le royaume d'un certain point de vue. Walter se doutait que le notaire devait avoir une certaine délectation à avoir autant d'importance en ce moment précis.

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