Un toit pour deux...

Alors qu'ils étaient devant la porte, Kelsier se retourna vers elle et l'avertit qu'il y avait sûrement des pièges reliés aux portes, le genre de dispositif simple à mettre en place mais redoutablement efficace. Et s'il devait y en avoir de plus complexes, ils auraient été mis à la hâte et donc plus facilement repérable. Étrangement, dans un cas comme dans l'autre, cela ne dissipa aucunement les inquiétudes d'Allaatkasik qui n'avait jamais été amenée à désamorcer de tels choses. Son truc à elle, c'était les serrures en tous genres, grosses ou petites, piégées ou non, mais là c'était totalement différent et elle sentie au fond de sa gorge, une boule d'angoisse qui menaçait de l'étranglée si elle perdait son sang-froid. Et tandis que Kelsier ouvrait la porte des appartements du bourgmestre, elle ferma les yeux et se concentra sur sa respiration. Si elle parvenait à faire le vide dans sa tête, tout irait bien. Du moins elle essayait surtout de s'en convaincre. En entendant les pas de kelsier qui s'avançait dans la pièce, Allaatkasik fut soulagée et rouvrit les yeux plus confiante. Mais lorsqu'elle vit qu'il avait prit une des torches disposées dans le couloir, elle se rua silencieusement dans la pièce et sans plus d'explication, vérifia les fenêtres. Il en avait une grande sur sa gauche qui donnait sur la cours intérieur du manoir et une autre toute petite qui faisait face au bâtiment principal. Par chance, celle qui donnait sur la cour était pourvue de lourdes tentures de velours qui avaient tirées. Par contre, celle de droite était dépourvue de tout rideau ou même de volet et la lumière de la torche pouvait très rapidement donner l'alerte. Alors, sans plus réfléchir elle ôta sa tenue de servante, jeta le tablier blanc à terre et ne garda que la robe noire et se précipita vers la fenêtre qu'elle entrebâilla et y coinça son vêtement. Ouf ! De justesse. Bon maintenant, il ne lui restait plus qu'à récupérer sa sarbacane et sa blague où elle y rangeait ses aiguilles ainsi que sa fiole de poison. D'ailleurs elle en profita pour réarmer sa sarbacane mais cette fois-ci elle enduit l'aiguille de liquide paralysant et la remit à sa ceinture. Elle jeta un rapide coup d’œil alentour et vit que Kelsier, d'un flegme à toute épreuve, était en train de s'affairer à désamorcer une de ces saloperies de pièges. Allaatkasik aurait bien voulue lui jeter son tablier à la figure tant il était désinvolte mais elle se contint pour deux raisons. Elle ne voulait surtout pas montrer son caractère soupe-au-lait et immature quant à la deuxième, elle était évidente. Surprendre quel qu'un en train de désamorcer un piège aurait été suicidaire. Et alors qu'elle faisait de grands efforts pour ne pas exploser de rage, serrant ses poings, ce dernier, comme de rien, lui demanda si ces documents étaient ceux qu'elle recherchait. Allaatkasik le regarda de ses grands yeux grenats d'un air dépité, presque mortifié. Décidément, il n'en loupe pas une ! pensa t-elle, mais elle lui cacha sa consternation et d'une voix grave, douce et complaisante:

Cela dit, elle lui adressa un sourire triste. Bon, il était grand temps de se mettre à le chercher lorsqu'elle remarqua que son acolyte n'avait pas chaumé à en voir par les portes de placards ouvertes. Allaatkasik de dirigea vers un massif bureau en bois de merisier de teinte claire. Deux grands chandeliers en argent y trônaient, pourvus d'une dizaine de bougies chacun, un magnifique encrier en bronze, de nombreuses plumes disposées dans un splendide cylindre de cristal ainsi que plusieurs piles de parchemins, pour certains vierges et pour d'autres, noircis par des textes. De chaque coté du bureau, il y avait trois tiroirs et un plus large et bien moins épais sous le plateau du bureau. Allaatkasik que s'il devait cacher un carnet, se serait sûrement là. Elle alluma une bougie et se mit à quatre pattes sous le bureau afin d’y repérer un quelconque piège mais elle ne vit de tel et sortant sa 'Langue Serpent', elle l'ouvrit. Il y avait là des documents concernant sa trésorerie, d'autres sur de l'import ou de l'export de marchandise mais pas de carnet. Elle essaya de voir s'il y avait un double fond et fini effectivement par un trouver un. Dans l'espace elle y trouva une boite assez lourde, bien trop lourde pour contenir ce maudit carnet. Fichtre ! Et après avoir examiné le reste du bureau et avoir fait chou-blanc, elle jeta un œil derrière les tentures. Même chose. Puis en contemplant le magnifique tapis de soie posé devant le bureau, elle le tira et découvrit une trappe, large de presque un mètre, munie un anneau de laiton. Prudente, elle en fit le tour mais là encore, ne remarqua rien et la tira tout doucement. Jetant un œil dessous, la trappe semblait inoffensive et un souffle frais lui balaya le visage. Une fois complètement ouverte, elle s’aperçut il ne s'agissait nullement d'une cachette mais d'un accès à un escalier en colimaçon qui descendait dans des ténèbres peu engageantes. Quand lui vint cette réflexion déprimante:

Et elle alla ramasser la boite. Pendant qu'elle l'ouvrait et que prise de stupeur par sa découverte et allait annoncer à Kelsier qu'elle avait peut-être trouvé sa fameuse statuette, elle vit que ce dernier était derrière la porte, l'épée au clair prêt à bondir. Allaatkasik qui n'avait rien entendu, ne se demanda pas le pourquoi et resta tout aussi immobile que silencieuse. Certes, il pouvait parfois être tête en l'air, mais question survie, il était tout à fait digne de confiance. Et sur le coup, elle se rendit compte de l'absurdité de sa situation. Elle se tenait quasiment au centre de la pièce, totalement à découvert, tenant de ses deux mains une boite au lieu de sa sarbacane. De crainte de faire le moindre bruit qui aurait pu trahir leur présence, elle préféra tout de même rester plantée là...

Kelsier avait régit avec rapidité et efficacité, comme instinctivement et c'est sûrement ce qui les avait sauvé à coup sûr. Pourtant en regardant le corps inanimé de la servante allongée sur le sol, Allaatkasik sentie un mal être l'envahir peu à peu. Mais sa conscience ne fut pour autant que partiellement soulagée en entendant Kelsier dire qu'il l'avait seulement assommée. Elle avait imaginée que cette mission se déroulerait d'une manière différente ou du moins elle l'avait secrètement espérée. C'était bien là le genre d'incident qui la terrorisait le plus dans sa profession, ne pas pouvoir éviter la confrontation. Bien entendu, elle n'en voulut aucunement à Kelsier d'avoir prit cette initiative et puis de toute façon qu'auraient-ils pu faire d'autre ? A l'évidence, il avait bien agit en sauvant la mission mais rien que de formuler cette pensée, cela ne fit que la tourmenter un peu plus. Par contre, Allaatkasik fut estomaquée en voyant Kelsier jeter sur l'infortunée servante quelques pièces de monnaies. Et bien qu'elle comprit le sens du geste de son compagnon elle ne put réprimer une pointe d'indignation luisante dans ses deux grands yeux noirs et elle préféra donc détourner la tête. Mais elle avait remarqué qu'après ce regrettable incident, Kelsier avait perdu de son flegme et semblait plutôt nerveux. D'ailleurs, ses propos étaient éloquents, tout comme elle, il n'avait pas envie de s'attarder plus qu'il n'était nécessaire. Alors, elle lui chuchota posément avec égard:

Puis elle posa avec précaution sur le plancher une boite en ébène qui contenait une statuette en or sur laquelle était serties de magnifiques joyaux et qui reposait sur un luxueux revêtement de velours pourpre. Sans plus y penser, elle prit sa sarbacane et l'arma d'une fléchette tout en continuant de lui chuchoter:

Mais alors qu'elle s'adressait au jeune homme, des bruits venant de toute part enflaient dans un rapide et funeste cressendo. Et bien plus vite qu'elle ne l'aurait voulue, elle reconnut des bottes qui martelaient rapidement le plancher du couloir. Le bruit à la fois venait du couloir de gauche mais aussi des escaliers montants du grand hall aux appartements. Un autre son, plus lointain en contre-bas trahissait que hommes étaient aussi en bas et s'activaient dans les allées de gravier du jardin en contre-bas de la tour. Il était clair que tous deux se trouvaient d'être encerclés et que dans quelques secondes tout au plus, de la porte de l'appartement surgiraient des hommes de garde. Alors, son instinct de survie prit le dessus et Allaatkasik ouvrit la trappe à la volée et fit signe à Kelsier qu'il serait urgent de descendre dans ce puits obscur d'où remontait une douce puanteur. Les premières marches d'un vieil escalier de pierre en colimaçon apparaissaient comme leur seule planche de salut.

En entendant Kelsier s'excuser de ne pas avoir penser à faire les poches du bourgmestre pour tenter de récupérer le carnet, Allaatkasik fut véritablement touchée par sa diligence. Mais il n'y était pour rien dans cette histoire et de toute façon comment aurait-il pu le deviner ? Alors qu'Allaatkasik elle-même n'y avait pas songé... C'était bien elle la plus étourdit des deux. D'un autre coté, comme elle le lui avait dit précédemment, elle ne c'était fiée qu'aux renseignements que l'on lui avait donnés et c'était bien là son erreur. D'ailleurs elle se demanda si elle avait informé le jeune homme que c'était sa première mission au sein de sa caste... Peut-être que s'il en avait eu connaissance, aurait-il évité d'être son partenaire sur ce coup... Mais quand elle lui tendit la statue et qu'elle le vit la mettre directement dans sa besace, cela la réconforta et raviva quelque peu l’assurance qu'elle avait d'elle-même. Finalement cette opération ne serait pas un désastre total et temps pis de ce que pourrait en penser sa caste. Mais bon, il était clair qu'elle ne s'attendait pas non plus à des félicitations. De toute façon le moment n'était plus à la réflexion mais à l'action. Des hommes de gardes se précipitaient à leurs portes et il fallait fuir au plus vite, sinon cette fois ce serait une véritable banqueroute. Allaatkasik n'eut même pas le temps de réfléchir à une ébauche de plan que déjà son compagnon d'infortune s'activait à barricader la porte avec un lourd meuble. Il y en avait au moins un dans le groupe qui avait la vivacité d'esprit nécessaire qui pourrait peut-être garantir leur survie alors qu'Allaatkasik c'était encore une fois contentée de le regarder agir. C'était véritablement l'homme de la situation alors qu'elle venait de constater amèrement qu'elle était incapable de prendre une décision dans le feu de l'action. Son truc à elle, c'était la planification d'opération, réfléchir à la meilleurs stratégie pour atteindre son objectif, bref elle venait de se révéler complètement incompétente sur le terrain et toute compte fait, elle n'était pour Kelsier qu'un boulet...

A   deux doigts de s'apitoyer sur son sort, Kelsier la tira de ses réflexions en lui demanda l'eau qu'elle avait emmenée à cet effet et elle lui tendit les deux flasques, intriguée et se demandant à quoi cela pourrait bien lui servir. Avant qu'elle n'eut le temps de lui poser la moindre question, il lui confia sa torche et lui demanda de descendre immédiatement. Ce qu'elle fit sans se faire prier en entendant le bruit menaçant, sourd mais régulier des gardes qui tentaient d'enfoncer la porte. Se saisissant de la torche, elle jeta un rapide coup d’œil derrière et n'eut le temps que d’apercevoir le meuble chanceler dangereusement. Allaatkasik dévala les marches de l'étroit escalier en colimaçon quatre à quatre mais après s'être enfoncé de plusieurs mètres, elle se retourna pour voir si son compagnon était bien toujours derrière elle et ne le voyant pas, elle attendit quelques instants en silence, le cœur battant la chamade. Tout au loin elle perçut le fracas fatidique qui annonçait que les gardes avaient enfin réussis à enfoncer la porte et devaient à cet instant pénétrer dans les appartements. Mais autre bruit, plus tangible et rassurant était celui des bottes de son compagnon qui lui aussi descendait rapidement les marches. Une fois qu'il l'eut rattrapé, tous deux continuèrent leur descente et finir par arriver dans une vaste salle.

A   la lumière de la torche, ils purent découvrir que la salle était en fait un vaste réservoir d'eau mais au lieu de la puanteur nauséabonde à laquelle Allaatkasik s'attendait, il y régnait une odeur de roche humide légèrement parfumé d'un fumé doux de champignon. Il se trouvaient sur les bords d'un quai qui partait de droite à gauche le long de deux canaux s'enfonçant dans les profondeurs de cette construction lacustre. Un troisième canal partait en face d'eux mais pour traverser le bassin, seul un vieux pont de corde en permettait l'accès. En s'approchant, l'on pouvait voir l'eau, immobile et noire à environs un mètre en dessous des quais mais dont la profondeur demeuraient inconnue. Le bassin dont la largeur devait atteindre facilement les quatre vingt mètres était encombré d'une forêt de piliers de pierre s'élevant haut dans l'obscurité de la voûte. Nulle embarcation n'était visible et hormis la lumière de leur torche, le réservoir était totalement obscure. En longeant les quais, les paroies de schiste et de granit avait été taillés de manière à donner l'illusion d'un mur bâti avec de gigantesques pierres donnant à l'ouvrage des allures imposantes. Hormis leurs pas qui résonnaient sur la pierre du quai, aucun autre son ne perçait le silence des lieux, tant et si bien que l'on aurait pu se croire dans une cathédrale souterraine. Mais alors qu'Allaatkasik allait demander quel chemin suivre à Kelsier, un vacarme à la fois métallique et mou résonna dans le lointain. Le fracas venait de derrière eux, bien plus haut mais il n'était pas difficile d'en connaître la cause. Le plan de son camarade avait fonctionné à merveille à en juger par le silence qui s'ensuivit. A n'en pas douter les hommes de gardes avaient du faire une sacré dégringolade, mais rien n'assurait non plus qu'ils se brisèrent le coup et que la surprise passée, ils reprennent leur poursuite.

Gribouilli plan:

Peu rassurée tout de même, Allaatkasik se tourna vers Kelsier et lui chuchota: