Besoin d'aide {3 Moomé 1306} PV : Natreck

Natreck était perplexe. Il avait été convoqué au quartier général des ladrinis et s’y était rendu sans vraiment savoir ce qu’il allait y faire. Cependant, la missive qu’il avait reçue n’était pas du genre qu’on ignore et il s’était empressé de se rendre au bazar dès qu’il l’avait reçu. Il était déjà à Thyrenium, ainsi cela ne lui prit que peu de temps. Un larbin l’attendait, et on le conduisit au bureau d’Enteri, l’un des chefs de pègre les plus réputés des ladrinis, mais aussi d’Istheria. Homme plutôt singulier, le terran l’accueillit comme un vieil ami, même s’ils ne se connaissaient que peu. Sensible aux expressions de l’homme, Natreck comprit qu’il attendait quelque chose de lui. Cela ne tarda pas à se confirmer.

– Peu de ladrini sont réellement dignes de confiance, et parmi eux, encore moins sont inconnus des autorités. C’est pour cette raison que j’ai besoin de toi, Natreck.

Natreck, ne désirant pas interrompe Enteri qui hésitait visiblement à choisir ses mots, garda le silence en attendant la suite.

– Torenheim, ce gorgoroth qui a été accusé des meurtres de Dreak et Kodran, croupit actuellement dans la Prison des Déments, à Umbriel. On m’a dit que tu connaissais bien la ville souterraine.

– On peut dire ça.

– Bien, bien ! J’imagine que tu comprends ou je veux en venir.

– Vous souhaitez que je libère le plus grand criminel d’Istheria.

– Effectivement, c’est ce que je te demande.

Natreck prit un instant pour réfléchir, puis hocha la tête.

– Je mettrais ma vie et ma liberté en danger, avec cette mission. La récompense en vaut-elle la peine ?

Enteri hocha la tête, visiblement satisfait de l’état d’esprit de Natreck. Le ladrini aurait été dans son droit de refuser, mais il semblait intéressé par les arguments d’Enteri. Ils discutèrent pendant un bon moment, négociant la récompense et parlant des différents scénarios que cette mission impliquait. Finalement, Natreck accepta, conscient qu’il jouait sa vie, mais heureux d’avoir l’impression de faire quelque chose d’utile. Il ne considérait pas que Torenheim fût un plus grand criminel que lui. Il avait simplement tué des gens importants, et corrompus qui plus est. Comme Natreck n’accordait pas plus d’importance à une vie qu’à une autre, il ne jugeait pas le gorgoroth négativement.

Lorsque Natreck sorti du bureau, la nuit était presque entièrement tombée sur la ville. Plongé dans ses pensées, il ne vit pas l’homme qui était dans son chemin, trop occupé à réfléchir à la périlleuse mission que lui avait confiée Enteri. L’homme était pourtant admirablement grand, et dépassait Natreck de plusieurs centimètres, tel un véritable géant. Le yorka-oiseau allait invectiver son collègue ladrini, mécontent de se voir ainsi bousculé malgré qu’il soit lui-même fautif. Cependant, l’état de l’homme l’arrêta. Ce dernier avait la peau chaude, si chaude que Natreck fut surpris qu’il tienne encore debout. D’ailleurs, sa posture était chancelante et sa peau avait une couleur maladive, bien pire que la sienne pourtant très blanche. Ses yeux enfoncés dans leurs orbites et ses cernes finirent par convaincre le corbeau que l’homme était en détresse. Son regard était fuyant, mais Natreck n’attribua pas cela à la fièvre qui semblait accaparer l’homme. Était-il aveugle ? Cela pouvait expliquer cette collision.

Voyant le malade perdre l’équilibre, il s’approcha rapidement de lui et le soutint par le bras pendant qu’il s’effondrait au sol, lui évitant de se blesser dans sa chute. Celui-ci semblait proche de l’inconscience, mais le corbeau sentait qu’il combattait de son mieux le sommeil qui semblait inévitable. Encore une fois, Natreck fut surpris de sentir à quel point la peau de l’homme était chaude. Compatissant, il décrocha sa gourde de sa ceinture et l’offrit à l’homme qui semblait totalement déshydraté. Celle-ci n’était qu’à moitié pleine, mais elle était grande, sans doute suffisamment pour étancher la soif de l’homme, au moins temporairement.

– De l’eau, dit-il en désignant le contenant, espérant qu’il accepte de s’hydrater même s’il ne connaissait pas la provenance du contenant. Tu ne devrais pas être debout avec une telle fièvre…

La fièvre ! Natreck l’observa de plus belle, se reculant après avoir mis la gourde ouverte dans la main mollasse de l’homme. Était-ce cette fameuse fièvre qu’il avait entendu les rumeurs partout sur Istheria? Cette fièvre soudaine et incroyablement puissante qui mettait à terre même les plus grands guerriers, et dont personne ne connaissait le remède ? Il avait entendu par ouï-dire que le froid était l’une des seules solutions pour faire baisser la chaleur du corps. Cependant, dans les quartiers des ladrinis, il serait difficile de trouver quoi que ce soit pour lui venir en aide, et il ne connaissait personne avec une magie susceptible d’aider l’homme.

Ce dernier semblait reprendre contenance. Natreck l’observa alors, se doutant que l’homme n’était pas un terran. Il n’avait pas de détecteur magique lui permettant de connaître la race des gens qu’il rencontrait, mais l’appendice qu’il avait entraperçu lors de la chute de l’homme lui semblait très… animal. S’agissait-il d’un yorka? C’était très probable. Natreck soupira. Il ne se sentait pas capable de le laisser croupir ici. Il avait visiblement besoin d’aide, et il était peu probable qu’un autre ladrini s’arrête pour l’aider. De plus, avec cette fièvre, il n’irait pas bien loin.  

– Besoin d’un coup de main ? le questionna-t-il tout de même, ne voulant pas lui imposer sa présence.

Le ladrini ne semblait pas particulièrement sympathique. Il lui mentionna tout de même rapidement ce dont il avait besoin, mais ne semblait pas pressé de demander de l’aide, alors qu’il en avait visiblement bien besoin. Il lui enjoint ensuite de faire comme il le voulait. Natreck gratta sa barbe naissante pour camoufler un sourire, peu surpris par cette attitude. Non seulement l’homme était un ladrini, mais il était également malade et à bout de force. Il ne savait pas quel genre de caractère il avait lorsqu’il n’était pas malade, mais il ne pouvait espérer une sympathique conversation avec quelqu’un dans un tel état.

Lorsqu’il s’éloigna, le corbeau le suivit des yeux un instant. Connaissant bien les quartiers des ladrinis, il se douta de l’endroit ou l’homme s’était rendu. Il choisit toutefois de ne pas le suivre. Le mal-en-point avait besoin de vivres et de plantes. Certes, il ne lui avait pas dit en détail ce dont il avait besoin, mais Natreck avait pris la décision de l’aider, et ne comptait pas lui demander plus d’information. Il sortit par l’une des nombreuses portes de sortie du QG et descendit dans la ville qu’il connaissait comme sa poche. Déambulant dans les rues, il mit tout de même un moment avant de repérer l’endroit qu’il cherchait. C’était une petite ruelle pas plus large que la porte qui se trouvait au fond. Séparant deux immeubles d’assez grande taille, elle n’était pas éclairée et était étrangement lugubre. Pourtant, Natreck traversa la ruelle d’un pas sur et ouvrit la porte sans toquer.

Un charabia d’insultes sindarines s’abattit immédiatement sur le corbeau avant même qu’il n’ait le temps de franchir le pas de la porte. Une vieille dame aux oreilles pointues l’accueillit. Son visage ridé était contraire aux normes sindarines. Elle était très vieille, mais selon elle, c’était ses propres pouvoirs qui l’avaient rendu aussi fripé d’une vieille terranne. Ses longs cheveux ondulés étaient remontés sur sa tête grâce à une couronne de fleurs et d’herbes qui faisait ressortir leur blancheur. Elle avait le dos courbé et était légèrement enveloppée. Alors qu’elle était vêtue de blanc, le reste de la pièce faisait un étonnant contraste. Éclairés faiblement par un immense lustre gothique qui faisait presque la taille de la pièce, les murs noirs étaient ornés par des dizaines et des dizaines de plantes séchées et autres objets mystérieux. Il la connaissait grâce aux ladrinis, dont elle faisait secrètement partie depuis son exil de Canopée.

– Heya ! C’est moi ! lança-t-il en alfari, avant de repasser à l’isthar, ne connaissant que quelques mots dans la langue sindarine. Ne fais pas comme si tu n’avais pas senti mon arrivée!

– Ahahah, le p’tit Natreck! Tu n’trouveras pas ce que tu cherches chez moi, mon enfant.

La dame avait un pouvoir particulier que Natreck ne connaissait pas. Tout ce qu’il savait, c’est qu’elle semblait toujours au courant de tout, avant tout le monde. Il ne s’étonna donc pas qu’elle connaisse le but de sa visite et ne se perdit donc pas en explication inutile.

– C’est impossible, s’exclama-t-il joyeusement. Tu as toutes les plantes du monde, dans ce bazar!

Son visage s’assombrit, et un long soupir commença sa prochaine phrase.

– Hélas, avec cette fièvre, mes réserves sont vides! Cette foutue maladie les attaque tous, sans distinction! J’sais pas c’qui cause cette pagaille, mais ça n’a rien d’une fièvre ordinaire, croit-en mon expérience!

Natreck hocha la tête, le visage maintenant plus grave.

– Si tu ne peux pas me fournir ce que je cherche, peut-être pourrais-tu m’indiquer ou chercher?

Elle l’observa un moment en silence, avant de l’inviter d’un grognement à prendre une chaise alors qu’elle se dirigeait derrière le comptoir. Elle se mit à griffonner sur un bout de parchemin. Le corbeau resta debout malgré la chaise à ses côtés, impatient d’un savoir plus, et étrangement inquiet pour le géant qu’il essayait d’aider. Ce qu’avait dit la vieille sindarine l’inquiétait, et il avait peur d’avoir sous-estimé l’impact de la fièvre. L’homme allait-il bien?

– Tu t’inquiètes pour lui, on dirait, commenta la vieille avec un sourire en coin.

– Je lui ai proposé de l’aider, bien sûr que je suis inquiet ! se justifia-t-il.

Elle lui jeta un œil, visiblement peu convaincu, mais ne fit pas d'autre commentaire, laissant Natreck lègerement perplexe. Elle termina d’écrire avant de tendre le papier a Natreck.

– Voici ce qu’il te faut.

Il lut rapidement le papier, puis s’éclipsa en s’inclinant, remerciant la ladrini.

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La nuit avait bien avancé, mais Natreck avait ce qu’il lui fallait. Il retourna donc dans les quartiers des ladrinis et retrouva facilement le géant aux cheveux bleus. Celui-ci semblait profondément endormi, mais son front couvert de sueur fit comprendre à Natreck qu’il s’agissait de ce perturbant sommeil qui accompagnait souvent la fièvre. Inquiet qu’il plonge dans un délire, le yorka déballa les herbes qu’il avait cueillies. Malheureusement, si l’herboriste lui avait mentionné les plantes qui pouvaient être utiles, il ne savait pas comment les administrer. Il connaissait bien les plantes, savait lesquelles étaient comestibles et lesquelles il devait éviter, et il savait régler les problèmes qu’il rencontrait dans ses voyages avec ce qui se trouvait dans la nature. Toutefois, il n’avait jamais tenté d’apprendre à traiter des maladies, et ne savait donc pas comment guérir cette fièvre.

– Hé, toi! Je t’ai apporté des trucs, mais il va falloir que tu m’aides.

Il attendit qu’il se soit redressé pour désigner les ingrédients.

– On m’a dit que ces plantes pouvaient aider à faire baisser la fièvre. J’imagine que tu sais quoi en faire.

Il l’invita d’un geste à se servir dans les herbes qu’il avait disposées au sol et attendit de voir la réaction du malade.

[La vieille herboriste en image]

Intrigué, Natreck observa l’homme se lever en titubant, préparant les herbes avec des gestes qui témoignaient de son expérience. Sa physionomie maintenant bien visible, Natreck ne douta plus de son apparence au peuple yorka. Curieux, il chercha à trouver avec quelle essence animale l’homme était lié. Ses cheveux bleus et ses tatouages n’en disaient pas grand-chose, mais cette queue qui se terminait par un dard impressionnant lui donnait une bonne idée de ce qu’il était. En fait, il lui rappelait les petits scorpions qu’il avait pu voir lors de ses passages en Argyrel. Par contre, il avait également cette couleur bleue, très caractéristique, que Natreck ne parvenait pas à identifier.

– Entre yorka, il faut s’entraider, commenta Natreck pour briser le silence. Tu veux un coup de main ?

Natreck aimait bien jouer sur son apparence particulièrement proche de celle d’un terran. Toutefois, son collègue ne semblait pas du genre à se laisser surprendre, et peut-être avait-il déjà perçu, d’une manière ou d’une autre, l’appartenance de Natreck au même peuple. Après tout, Natreck n’avait eu besoin que de peu d’indices pour suspecter qu’ils appartenaient à la même race. Peut-être même s’était-il ainsi dévoilé sans gêne en toute connaissance de cause. Mais tout cela importait peu. Le yorka s’approcha de l’homme aux cheveux bleus et entreprit de lui donner un coup de main avec les herbes. Il plaça également les vivres et l’eau dans la pièce selon les indications le plus souvent silencieuses du scorpion. Natreck dut le soutenir quelquefois, alors que la fièvre lui faisait perdre le peu d’équilibre qu’il lui restait. Il sentit le malaise du scorpion, mais ne put s’empêcher de l’aider au prochain signe de déséquilibre, ne pouvant se résoudre à le laisser s’effondrer au sol.  

Au-delà de la maladie, il lui semblait être face à un homme de peu de mot, qui ne semblait pas malaisé par le peu de paroles qu’il y avait entre eux. Natreck lui-même appréciait cette drôle d’interaction sociale. Étrangement, il se reconnaissait dans plusieurs traits de caractère qu’il croyait déceler chez le scorpion, bien que le corbeau n’était surement pas aussi taciturne que lui. Finalement, l’homme s’assit avec la décoction, et le corbeau fut heureux de le voir presque immédiatement reprendre contenance. Natreck secoua la tête en réponse à la deuxième question de l’homme.

—J’ai voulu les acheter, mais il n’y avait rien en stock. Cette foutue fièvre a fait augmenter la demande, de ce que j’ai pu comprendre. Je suis donc allé les cueillir. J’ai été un peu plus long que prévu à cause de ça.

Il laissa le silence planer, l’observant prendre quelques gorgées de la mixture qu’il venait de préparer. Il était un peu méfiant au départ, mais Natreck finit par se détendre et s’assoir sur le sol, les jambes croisées. Il avait peu souvent l’occasion de discuter avec d’autres membres de sa caste, et appréciait la personnalité complexe qu’il ressentait dans l’attitude du scorpion.

– Es-tu dans cet état depuis longtemps ?  demanda Natreck d’une voix basse.

Il soupira, se remémorant les hommes, femmes et enfants sur sa route qui étaient récemment tombés malades. Plus le temps avançait, et plus il y avait de personne contaminées.

—J’entends parler de cette étrange fièvre un peu partout depuis un moment, et je t’assure que je voyage beaucoup. Elle attaque tout le monde sans distinction. Est-ce que c’est bien de cela que tu souffres ? De ce que j’ai pu entendre, on n’en connait ni l’origine ni le mode de transmission. Tout ce que j’ai pu apprendre d’utile, c’est que le froid apaise la fièvre.

Il espérait que cette information lui servirait. Réfléchissant à voix haute, le corbeau poursuivit.

– Est-ce qu’on aurait a faire a un nouveau colosse ? J’ai eu la malchance de me retrouver dans le chemin de certains d’entre eux. Ils seraient forcément capables de rendre Istheria malade, mais cela fait un moment qu’aucun n’a été aperçu. En même temps, tout cela me semble improbable, mais ce n’est qu’une intuition...

Et Natreck avait un bon instinct, la plupart du temps. Ses pensées suivant un raisonnement logique, et il déduisait souvent avec justesse les prochains mouvements de ses opposants. Pourtant, penser à cette fièvre le plongeait dans le néant, et avait le désagréable effet de lui rappeler la triste mort de ses parents, tout deux touché par la sarnahroa. Cela le ramenait à attribuer cela aux colosses, même s’il avait l’impression de se tromper en en parlant. Il sursauta presque lorsque Kouna, son furet, réapparut d’on ne sait où en le sortant de ses pensées. Elle se glissa par la fenêtre et s’installa sur ses jambes, bien peu intimidée par la présence du scorpion.

—Ou étais-tu, petite bête? murmura le corbeau en lui grattant affectueusement la tête.

Il reçut mentalement une succession d’images et de sensations qui le firent sourire. Kouna lui racontait quelques péripéties, et il s’amusa de la sentir encore tout énervée du chat qu’elle venait de semer. Elle se calma finalement, se lovant contre son maître, et Natreck reporta son attention sur le scorpion.

– Hé bien, puisque tu en parles... Je suis à la recherche de quelque chose d’un peu particulier... Connais-tu la légende d’Hephaestus ? demanda-t-il en tant qu’introduction.

Il n’attendit pas la réponse de l’homme aux tatouages pour poursuivre.

– D’après la légende, Hephaestus était la figure de proue des assassins de Themisto. Il portait une haine féroce envers la magie, lui qui était un homme d’armes. On dit qu’il jalousait tout particulièrement son frère, qui avait fait de la pratique de la magie son métier. Il l’admirait autant qu’il le détestait. Un jour, il lui demanda d’enchanter ses deux gantelets pour l’aider à faire face à la magie. Sans se douter de rien, son frère l’aida à enchanter ses équipements. C’est alors qu’Hephaestus se retourna contre lui et, se servant du pouvoir des gantelets, le tua sans plus de scrupule.

Un sourire dur s’afficha sur ses lèvres alors que, plongé dans ses souvenirs, il laissait son regard se perdre sur les murs sans véritablement les voir. Ses doigts caressaient nonchalamment le pelage du petit furet sur ses genoux.

– Hephaestus, aveuglé par son arrogance et le pouvoir que lui conféraient les gantelets, finit par se croire immortel. Un jour, ses deux apprentis fomentèrent son assassinat, souhaitant obtenir ce fameux pouvoir. Hephaestus fut tué, et chacun d’eux s’appropria un gantelet. On dit que le premier d’entre eux, vêtu du gantelet droit, prit la place de son maître à Themisto alors que le deuxième, muni du gant gauche, prit la fuite vers Argyrei et y disparu.

Sortant de ses pensées, il fixa son regard dans celui du scorpion.

– Il est dit que le gantelet gauche d’Hephaestus donne le pouvoir à celui qui le possède de connaître la magie de ceux qui l’entourent. Le droit, quant à lui, limiterait les effets de la magie sur celui qui le porte. On dit qu’ils renferment d’autres pouvoirs que l’histoire a oubliés.

Il prit un instant pour réfléchir à ce qu’il allait dire ensuite, ou plutôt à la manière de présenter la chose. Le gantelet représentait beaucoup pour lui. Avec son pouvoir de copie, il profiterait tout particulièrement du fait de connaître les pouvoirs d’autrui. De plus, cela lui donnerait une longueur d’avance dans presque tous ses combats, quand on voyait à quel point la magie était omniprésente en Istheria. Natreck laissa une seconde passer et, lorsqu’il reprit, il était possible de déceler un peu d’hésitation dans sa voix.

– Je ne te raconte pas ça au hasard, comme tu t’en doutes sûrement. Une fois remis de cette maladie, accepterais-tu de m’aider à trouver le gant gauche, quelque part en Argyrei ?

Il avait parlé d’un ton calme, mais la nervosité le dévorait. Il sentait que le yorka serait un atout majeur dans la quête du gantelet, surtout si, comme il le pressentait vu la race du ladrini, il connaissait bien Argyrei. Rien de plus n’a l’aise qu’un scorpion dans le désert.

– Comprends-moi bien, je n’estime pas que ces quelques herbes valent ce voyage et je suis prêt à te dédommager si tu le souhaites. Un chèque en blanc, si ça te convient mieux. Si tu as besoin de moi, je viendrai.

Il plongea son regard dans celui du scorpion, emprunt de solennité.

– Peu de personnes sont prêtes à entreprendre un tel voyage. Le chemin sera long, et certainement pas de tout repos. J’ai une bonne monture. Si tu n’en as pas, Viking sera certainement capable de nous porter tous les deux.

Viking était un frison, un cheval particulièrement robuste qui avait été entrainé à porter un cavalier en armure en plus de sa propre armure sur des champs de bataille très éprouvants. Il était de taille à supporter le poids de deux hommes, même s’il leur faudrait peut-être des chameaux pour traverser le désert. Natreck ayant quelques économies, il était prêt à débourser ce qu’il lui fallait pour acquérir le gantelet.  

Son esprit voyagea un moment vers Torenheim, le grand criminel qu’il avait accepté de libérer. Même si le scorpion n’était sûrement pas du genre à parler de cette mission à qui que ce soit, Natreck se garda toutefois d’en parler. Dans ce métier, il fallait savoir tenir sa langue, et moins il y avait de personnes au courant de ses plans, moins il avait de chance de se faire prendre. En plus, partir en Argyrei après un tel coup lui permettrait de disparaitre suffisamment longtemps pour qu’un coupable soit trouvé sans qu’il ne soit soupçonné. Le moment serait idéal.

– J’ai quelque chose à accomplir avant de commencer cette quête, mais si tu acceptes, on se retrouve ici dans un mois et demi.