Au nom de la vie [Partie 1]

Au nom de la vie
Cladil 1306

Sous le couvert des arbres de Cebrenia, tout était paisible. La pluie tombait lourdement, les grosses gouttes se déposant paresseusement sur les feuilles, faisant scintiller la nature. Dans cet environnement luxuriant, la végétation était dense et l’air humide, et seules les routes tracées par les sindarins permettaient de s’y déplacer avec aisance. Le bruissement de la végétation se mêlait aux cris des animaux qui se déplaçaient autour d’eux. Dès qu’ils avaient atteint le périmètre de la ville, l’ambiance paisible et foisonnante de la forêt avait laissé place à une harmonie que seul un œil avisé permettait de remarquer. Bien que nullement fréquentée vu le confinement en place, la route était dégagée, et l’odeur du marbre se mêlait à celle de la terre. À cette limite, les fins sens des sindarins permettaient d’entendre résonner la forge malgré la pluie qui tombait, même si les oreilles des terrans ne percevaient encore rien. Il fallut environ une heure avant qu’une troupe ne les intercepte. Divisée dans un périmètre plus serré autour du village, l’armée servait de contrôle pour faire respecter le confinement. À ce moment, au travers des arbres, Phyrra devinait la silhouette des grandes structures de la ville. Mêlée à une paix intérieure, une certaine nostalgie envahit la sindarine, celle que l’on ressent lorsqu’on est de retour à la maison.  

Phyrra n’était pas arrivée à la tête d’un grand convoi, mais le chariot qui leur avait servi durant le voyage contenaient déjà quelques dizaines de doses du remède ainsi que, plus important encore, sa recette. Elle avait travaillé fort avec les autorités en place en Eridania pour garantir ce premier envoi à Canopée. L’arrivée de la Sage des Dix ayant été annoncée, dès que les sindarins reconnurent les traits de la Haute-Prêtresse et de ceux qui l’accompagnaient, ils les rejoignirent avec joie. Effectivement, seuls les remèdes qui se trouvaient dans le chariot, et donc la certitude que la fièvre ne les accompagnait pas, leur autorisèrent l’accès à la cité. On leur permit sans problème de se rendre chez eux, car le conseil et la reine ne se réuniraient pas avant de longues heures, tous étant occupé à diverses tâches. Sur la route, Phyrra respira longuement, tentant de renouer avec le rythme plus lent de la cité. Elle avait eu le temps de préparer son discours durant son voyage, et il lui fit étrange de se rappeler que la notion d’urgence n’avait pas la même signification dans la cité forestière.  

Canopée était l’un de ses endroits où personne ne jugeait bon de l’escorter. Les sindarins étaient généralement pacifiques les uns avec les autres, du moins au cœur de la cité. Avec bonheur, elle déambula donc librement dans la ville, avec cette impression de reprendre contact avec la vie. Son premier arrêt fut le temple de Ténéis. Celui-ci était simple, mais confortable, et la prêtresse fut heureuse de revenir à cet endroit paisible qui était encore et toujours sa maison. Elle fut accueillie dans l’allégresse par les quelques prêtres du temple, mais aussi par Igaod, son petit singe-écureuil. Il était sous la garde de la prêtresse en charge du temple, mais dès qu’il la vit, malgré les mois qui avaient passé, il se précipita sur elle. Déversant par télépathie dans l’esprit de sa maîtresse tout ce qui s’était déroulé durant son absence, Phyrra eut bien vite mal à la tête, ce qui n’enleva en rien son bonheur de retrouver son petit familier.
Après avoir enfilé des vêtements plus secs et surtout, plus sindarin, Phyrra put se rendre chez ses proches, non sans Igaod sur l’épaule. Elle visita d’abord son frère Thanyl, qui vivait à Canopée avec sa femme et sa fille. Phyrra passa sa première journée en leur compagnie. Malgré la froideur qu’il y avait toujours entre elle et son frère aîné, Malon, celui-ci les rejoignit pour le repas du soir, et l’ambiance demeura joyeuse et festive. Il ne manquait que Wyrenth, mais celui-ci, prêtre de Fen, demeurait maintenant au temple de son dieu et, comme les autres, il ne pouvait revenir dans la cité forestière en raison du confinement.  

En soirée, elle rencontra finalement le conseil, reprenant sa place dans ce groupe respecté de la cité. C’est d’une voix solennelle qu’elle exposa la situation des autres pays à ses confrères qui n’avaient pas quitté ces frontières depuis maintenant un bon moment. Elle leur exposa la manière dont le remède avait été découvert, la contribution de chacun des acteurs, et la collaboration naissante qu’elle avait commencé à forger avec le Haut-Prêtre de Delil, que la plupart connaissaient au moins de nom vu l’importance qu’avait le dieu de la flore pour le peuple sindarin. Durant le mois qui suivi son arrivée, le conseil des sages se réunit presque toutes les semaines, un empressement rare chez les sindarins. Même si le confinement avait permis de limiter la propagation, de nombreux sindarins étaient malades, et certains nécessitaient des soins urgents. Décider de ceux qui recevraient les premières doses était d’autant plus difficile qu’il leur manquait encore plusieurs ingrédients.  

Une collecte de sang fut rapidement organisée sous l’impulsion du cercle des sages, et tous ceux qui étaient connus comme étant immunisés présentèrent bientôt une foule de traces de piqure. Plus solidaires que ne pouvaient l’être les Eridaniens, les Canopiens répondirent à l’appel en masse. Même certains sindarins habitant en dehors de la cité, dans d’autres villages de Cebrenia, répondirent à l’appel.
D’autres sindarins, notamment des soldats qui connaissaient bien les environs de Canopée ainsi que certains des plus grands herboristes isthériens, partirent à la recherche de l’imalis cristallin. Phyrra avait partagé au sien qu’ils recevraient bientôt les enseignements du prêtre Balibe pour permettre d’accélérer sa floraison, mais il fut décidé que la situation était trop urgente pour attendre ses interventions. Même si Phyrra avait dessiné pour eux les différents stades d’évolutions de la plante, celle-ci était extrêmement rare, et le succès des sindarins fut mitigé.  
Une voie commerciale fut également érigée, notamment pour permettre l’entrée de certaines herbes qui ne poussaient pas en Cebrenia ou en Noathis. La cité était habituellement autosuffisante, et la peur de la maladie augmentait les réticences du peuple sindarins. Il fallut donc presque trois semaines avant que cette voie commerciale soit inaugurée. Contrôlés par l’armée, les marchands n’étaient pas autorisés à pénétrer dans le village, et toutes les transactions étaient supervisées par un groupe de sindarin désigné qui, lui-même, n’avait pas l’autorisation d’entrer dans la cité, de peur que la maladie leur ait été transmise.

À Canopée, le temps était comme ralenti, et après avoir passé autant de temps auprès des terrans, Phyrra eut du mal à supporter le manque d’empressement de son peuple. Elle fit toutefois l’effort de s’y plier, sachant qu’elle ne ferait pas changer ces sindarins centenaires par la seule force de sa volonté. Elle profita des semaines qui passaient pour visiter de vieux amis et diriger quelques célébrations au temple de Ténéis. L’arrivée du Haut-Prêtre de Delil perturba toutefois le rythme de la cité. L’annonce de son arrivée traversa Canopée plus rapidement qu’une trainée de poudre, amenant les sindarins curieux à sortir de leurs habitations pour observer cette rare perturbation dans le cycle de la vie canopienne. Le convoi qu’il menait était plutôt conséquent, créant une ambiance festive compte tenu des heureuses nouvelles qu’il amenait avec lui. Heureuse de ce changement, Phyrra fit préparer, comme décidé avec Viwien et le conseil, l’aile des invités du palais royal, vide en ce moment en raison du confinement. Elle aurait souhaité accueillir elle-même le haut-prêtre, mais elle ne fut pas surprise d’entendre que celui-ci était déjà à sa porte, même si le sindarin qui l’avertit semblait suspicieux de cet empressement. Heureusement au contraire de ne pas perdre plus de temps, elle le fit conduire à son bureau ou elle l’attendit.  


Le bureau, situé dans le temple de Ténéis, dégageait une ambiance calme et sereine. Sur les murs de lambris reposaient de grandes bibliothèques pleines de livres de toute sorte. Divers objets technologiques décoraient la pièce, par exemple ces lampes étranges qui renfermaient un sort électrique. Un immense chêne perçait le sol et le toit de la pièce, et diverses plantes agrémentaient la salle. Le grand bureau principal était finement taillé dans un bois magnifique, des gravures d’or représentant la déesse des étoiles le décoraient, et de grandes fenêtres du côté sud permettaient de faire entrer énormément de lumière naturelle, même si celle-ci était plutôt terne en cette saison. La pièce était grande et proposait plusieurs tables de travail. Avoir un espace d’étude était particulièrement important dans un temple de la Connaissance, le bureau était généralement ouvert à tous, excepté une section à l’arrière qui pouvait être séparé par de grandes portes de bois qui, lorsqu’ouverts comme aujourd’hui, disparaissaient dans les murs, effaçant la séparation. Aujourd’hui, toutefois, le bureau était vide. Seule Phyrra était présente, assise au bureau, accompagné d’Igaod qui s’amusait dans les branches du chêne. De petits coups retentirent à la porte, et Phyrra s’empressa d’ouvrir. Le sindarin s’inclina avant de s’éloigner, laissant place au Haut-Prêtre de Delil. Celui-ci, habillé de vêtements de voyage, avait la tête toujours protégée par sa capuche, ce qui n’empêcha pas Phyrra de le reconnaitre immédiatement.

– Maître Balibe, bienvenue à Canopée, l’accueillit-elle en alfari. Venez, entrez-vous mettre au chaud, l’invita-t-elle en langue commune. J’ai préparé du thé.

Elle le fit entrer, lui laissa le temps de se dévêtir s’il le souhaitait, puis lui présenta une tasse de thé.  

– Je suis heureuse de vous voir enfin dans la cité. Le voyage n’a pas été trop éprouvant ? Dit-elle en lui offrant un siège.

Elle l’observa un instant. Duscisio était tel qu’elle se le rappelait, à l’exception de ces fleurs qui avaient décoré sa chevelure lors de leur dernière rencontre. Avait-il choisi de laisser mourir les roses pour préserver son énergie durant le voyage ? Le haut-prêtre semblait ralenti, comme empreint de cette fatigue qui engourdissait la forêt à l’approche de Nivéria. Son regard doré demeurait toutefois aussi vif que Phyrra se le rappelait. Dans la chevelure blanche du terran, elle remarqua non sans surprise que les ronces étaient toujours présentes. Pourquoi les conserver, alors que les roses n’étaient plus là ? Elle était la première à faire passer l’esthétisme avant le confort et n’avait pas eu de difficulté à imaginer que Duscisio endurait les épines en échange des belles roses qu’elles lui procuraient. Aujourd’hui, toutefois, la situation l’intriguait. Une étrange image, celle du colosse de Themisto, lui vint en tête, avec cette végétation rampante et cette maladie, le mal de Drys. Pourquoi l’état du représentant du dieu de la flore lui faisait-il penser à cela ? Cela n’avait pourtant rien à voir...  

Codage par Libella sur Graphiorum

Au nom de la vie
Cladil 1306

Duscisio accueillit ses salutations d’un hochement de tête, faisant sourire Phyrra. Il lui faudrait apprendre certaines formalités canopiennes avant d’être présenté à la reine. S’il n’avait pas à connaître parfaitement les formulations sindarines, son statut d’étranger étant suffisant pour expliquer ses maladresses, la prêtresse se promit d’au moins lui enseigner les salutations d’usage pour éviter que le haut-prêtre ne se ridiculise. Il valait mieux, en effet, que ce jeune terran fasse bonne impression auprès de la reine et du conseil s’il souhaitait se voir accorder tout le crédit qu’il méritait. Le maître Balibe était un herboriste et un mage puissant, surtout compte tenu de sa longévité, mais les sindarins étaient un peuple méfiant et fier. Il lui faudrait sans aucun doute faire la preuve de ses compétences pour être pris au sérieux, même si son titre de représentant de Delil lui apportait un crédit non négligeable. Visiblement affecté par la météo, l’herboriste prit place, et Phyrra écouta avec attention ses opinions sur le changement de saisons.

– Le cycle des saisons est essentiel à la vie, mais il est vrai que je me passerais volontiers de Nivéria. C’est sans doute pour cela que je me suis établi à Amaryl, s’amusa-t-elle, à moitié sérieuse.

Elle prit place en face de son interlocuteur, prenant une gorgée du thé bien chaud qui leur faisait face. Duscisio semblait particulièrement apprécier la boisson chaude. Devrait-elle faire porter des biscuits pour accompagner le thé ? Le regard que leva le prêtre de Delil sur elle la retint. Les yeux dorés du terran exprimaient une grande tristesse, et la sindarine s’empressa de le rassurer.

– Votre retard n’en est pas un, maître Balibe. Les sindarins, malgré l’urgence de la situation, ne partagent pas l’empressement qui caractérise les Eridaniens, dit Phyrra sans pouvoir masquer une pointe d’agacement sur ce sujet. Vos raisons justifient d’autant plus ce délai ma foi fort raisonnable. La quantité de remèdes que vous avez apportés sera un véritable baume pour la population.

La tasse de thé de Duscisio fut bientôt vide, mais celui-ci exprimant sa volonté de ne pas s’attarder, la sindarine ne crut pas bon de lui offrir une nouvelle tasse. Elle était pour autant curieuse. Les soleils se couchaient tôt en cette période, mais les journées se poursuivaient généralement après leur disparition à l’horizon. En tant que Haute-Prêtresse de Ténéis, beaucoup de cérémonies et autres célébrations se déroulaient après le coucher du soleil, sous le regard divin de la déesse des étoiles. Les mots du représentant de Delil lui laissaient croire que pour sa part, le soleil dictait ses journées. Nivéria devait, en ce cas, être effectivement très désagréable pour lui. Ainsi, pressé par le temps qui avançait irrémédiablement, le haut-prêtre s’adressa à elle avec gravité et Phyrra hocha la tête.

– Bien entendu, maître Balibe. Vous pouvez compter sur ma discrétion, ainsi que sur ma collaboration.

Le regard du terran était inquisiteur, comme cherchant dans son regard la preuve de sa sincérité. Phyrra soutint son regard avec honnêteté. Bien entendu, sa discrétion serait relative aux informations qui lui seraient transmises, mais comme le haut-prêtre semblait également vouloir mettre Viwien au courant, la sindarine n’était pas inquiète. Celle-ci était la seule personne à qui Phyrra ne cachait rien... ou presque.  

– Je verrais s’il est possible d’organiser une rencontre privée. Dans tous les cas, le Rindë en Istimor souhaitera vous rencontrer, mais ceux-ci n’ont pas à tout savoir, dit-elle en adressant un sourire complice au terran.

Les membres du cercle étaient tous des sages grandement réputés au sein de Canopée. Pour autant, Phyrra ne faisait pas confiance à tous ses collègues. Si la plupart étaient pourvus d’une grande intelligence et d’un sens logique irréprochable, certain étaient si vieux et si coincés dans leurs idées d’un peuple sindarin surpuissant qu’ils faisaient preuve d’âgisme et de racisme, ce qui, aux yeux de Phyrra, altérait grandement leur jugement. Ainsi, la sage des dix ne leur transmettait que les informations qui leur étaient réellement utiles, transmettant les informations les plus sensibles uniquement à la reine qui avait l’œil avisé et le jugement sûr. Duscisio pouvait donc avoir confiance en elle. Elle posa sur lui un regard curieux, attendant non sans impatience ces délicates informations.

Codage par Libella sur Graphiorum

Au nom de la vie
Cladil 1306

Elle attendit avec une certaine impatience de se voir dévoiler ce fameux secret que cachait Duscisio. Elle avait compris, dès qu’elle l’avait rencontré, que le représentant de Delil était quelqu’un de très secret. Il semblait garder beaucoup de choses pour lui, un trait de personnalité qu’elle-même connaissait bien. Cela était le lot des gens puissants, et le titre de haut-prêtre venait avec ce genre de responsabilité, celles qui font en sortes qu’il était impossible de faire confiance au premier venu. Phyrra était d’autant plus heureuse de constater que Duscisio lui faisait suffisamment confiance pour lui dévoiler certain de ses secrets, des secrets qu’il ne souhaitait visiblement pas se voir connu au grand jour. Pourtant, comme hésitant, il commença par lui demander une faveur, à laquelle Phyrra répondit en souriant.  

– Je vous y aiderais avec plaisir, maître Balibe. Je suis certaine que vous vous adapterez rapidement à nos us et coutumes.

Heureuse que le haut-prêtre aborde lui-même la question, Phyrra s’amusa déjà à imaginer le haut-prêtre se débattre avec les différentes formules de politesses sindarines. Pour autant, elle n’était pas inquiète. Les compétences de Duscisio prouvaient qu’il était quelqu’un de studieux et qui avait la faculté d’apprendre rapidement. De plus, beaucoup des coutumes sindarines étaient liées aux dieux, et même particulièrement à Delil. Cela faciliterait sans doute son apprentissage.  

– J’aimerais beaucoup entendre les détails de ce plan ! Peut-être pourrions-nous nous rencontrer éventuellement pour en parler, dit-elle en se souvenant que le haut-prêtre ne voulait pas s’attarder.

Il s’agissait d’une idée audacieuse que de croire qu’il serait possible de soigner toute la population isthérienne en six mois. Cependant, Phyrra avait depuis longtemps appris qu’il valait mieux ne pas sous-estimer les autres, particulièrement lorsque cette personne était Duscisio Balibe. Son plan impliquant toutefois les sindarins, elle avait hâte d’en savoir plus. Toutefois, pour l’instant, il semblait avoir autre chose en tête. Il lui parla d’une autre plante qui, selon lui, aurait aussi la capacité d’absorber l’essence divine, comme le faisait l’Imalis Cristallin. Avait-il en tête une amélioration du remède ? L’herboristerie étant une matière que Phyrra n’avait pas étudiée depuis de très nombreuses années, elle n’eut pas le temps de fouiller son immense mémoire pour retrouver des informations à ce sujet que déjà, Duscisio évoquait un nom, un nom qui provoquait un écho dans le cœur de Phyrra, un nom effrayant, qui avait été oublié depuis fort longtemps, si longtemps que Phyrra doutait qu’il existât encore des ouvrages la mentionnant aujourd’hui. C’est en écho avec Duscisio que la sindarine souffla, visiblement troublé, des mots qu’elle n’avait pas entendus depuis des centaines d’années.  

– La peste de Noathis...

Elle leva sur le terran un regard à la fois curieux et effrayé. La pistilose... Alors que les informations refluaient à la surface de son esprit, elle eut un moment de recul. Ces plantes qui grimpaient sur la peau du haut-prêtre... l’étrange évolution des fleurs qui avaient parsemé sa chevelure, des roses blanches... Lorsque le haut-prêtre releva sa manche pour dévoiler un petit bourgeon endormi, un bourgeon qui émergeait directement de sa peau, Phyrra ne put s’empêcher de reculer vivement sa chaise. Jamais elle n’aurait pu envisager une telle chose.

- Duscisio ! s’exclama-t-elle, choquée, laissant échapper le prénom de son interlocuteur dans la surprise. Comment... est-ce vraiment cela ? dit-elle en levant un regard effrayé sur le Haut-Prêtre.

Pouvait-il vraiment être aussi inconscient ? La pistilose était une maladie extrêmement ancienne, qui avait fait des ravages incommensurables au sein des populations qu’elle avait touchées. Dévorant l’essence divine de ses hôtes, cette plante parasite était, en plus d’être assurément mortelle, extrêmement contagieuse. Très virulente, cette maladie tuait habituellement ses hôtes très rapidement, en l’espace de quelques mois. Elle leva les yeux vers ceux, dorés, du terran. Cette couleur était-elle également un signe de l’infection ? Elle était effrayée. Si, vraiment, Duscisio était atteint de cette maladie, tous ceux qu’il avait croisés depuis son infection étaient condamnés à mort.  

Autour d’eux, les lumières vacillèrent légèrement. Phyrra n’eut que vaguement conscience du drain d’essence divine que cela entraina. Elle était beaucoup trop focalisée à essayer de comprendre ce que le haut-prêtre tentant de lui dire. En vérité, il était possible que le Haut-Prêtre se trompe. S’il en étant vraiment atteint, si, déjà au Haut-Monastère, et même avant, lors de l’anniversaire de Pandora, il avait été atteint de la maladie, alors non seulement il devrait déjà être mort, mais on aurait entendu les échos de la propagation de cette maladie. Car devant la Peste de Noathis, la fièvre de cendre n’était qu’une mauvaise blague.  

– Être vous certain... que cela signifie-t-il ? murmura-t-elle, prise au dépourvu. Sommes-nous en danger ?

Codage par Libella sur Graphiorum

Au nom de la vie
Cladil 1306

Duscisio semblait parfaitement calme, bien qu’il soit toujours victime de cette langueur qui avait précédemment alerté Phyrra. Celle-ci y voyait maintenant un signe bien différent. Comment tout cela était possible ? La sindarine reprit place en s’assoyant lentement. Si ses yeux méfiants ne lâchaient pas ceux du terran, derrière ses paupières brûlaient des questions par dizaine. Sans doute, pourtant, valait-il mieux le laisser s’expliquer. Se murant dans le silence, Phyrra entreprit d’analyser les paroles du terran. Comme par magie, les choses s’alignaient dans son esprit, répondant à des questions jusqu’alors restées sans réponses. Alors que, comme à son habitude, il parlait de lui-même au pluriel, Phyrra se rendit compte que cela n’était pas un simple style. Il y avait un « nous ». Lui, et cette plante qui le parasitait. Le danger semblait contrôlé, au dire du représentant de Delil. Pourtant, la haute-prêtresse n’était pas parfaitement rassurée. Qui considérait-il comme sa famille ? Qu’est-ce qui pouvait représenter un danger pour quelqu’un comme Duscisio ou, plus inquiétant encore, pour une plante comme la pistilose ? Et surtout, quel serait le résultat, si une agression avait lieu ?

Semblant vouloir expliquer comment tout cela était arrivé, il détailla comment tout avait commencé. Il décrivit comment il avait trouvé la graine de pistilose, pourquoi il avait choisi de la sortir de l’ombre. Il mentionna la douleur, le doute, et puis, enfin, l’osmose. Phyrra ne pouvait qu’imaginer à quel point tout cela avait été difficile. Il fallait une grande force d’esprit pour arriver à endurer tout cela sans flancher. D’un autre côté, pourtant, elle lui en voulait un peu. Si, d’une manière ou d’une autre, la pistilose échappait à son contrôle, ils seraient tous en très grand danger. Pourtant, Phyrra était une érudite avant tout. Aurait-elle résisté, si elle avait été dotée des facultés et des connaissances de Duscisio, à étudier cette plante perdue, à tenter d’en apprendre plus sur elle ? Elle en doutait assez pour ne pas condamner les choix du terran.  
Il était toutefois inquiétant de constater qu’il semblait vouer à la pistilose une sorte d’admiration, voire même de l’adoration. Cela inquiétait la sindarine. Elle espérait qu’il n’oubliait pas les lois de la nature. D’après ce qu’elle avait compris, il était présentement avantageux pour la plante de laisser vivre Duscisio, qui lui permettait de prospérer en sécurité. Cela pourrait pourtant ne pas durer. Elle allait lui suggérer la prudence lorsqu’il mentionna qu’une deuxième personne avait établi un lien avec la pistilose, visiblement sous son impulsion. Cela amplifia l’inquiétude de la sindarine. Il semblait encore au stade d’expérience et pourtant déjà, il permettait à cette plante dangereuse de parasiter quelqu’un d’autre.  

– Je ne vous cache pas que tout cela est inquiétant, malgré le contrôle que vous semblez exercer sur elle... Je dois dire que j'ai au moins un million de questions, dit-elle en esquissant un sourire. J’en comprends que la plante aurait sa propre volonté ? demanda-t-elle avec curiosité. Vous avez parlé d’une osmose, comment cela fonctionne-t-il ? Je veux dire, j’aimerais comprendre ce que vous apporte une telle fusion, hormis quelques jolies roses dans les cheveux. J’ose croire que l’énergie que vous offrez à cette plante vous offre quelques avantages ?

En effet, pourquoi offrir son corps ainsi à un être si c’était pour ne rien en tirer ? Était-ce pour son dieu qu’il acceptait de livrer son corps à cette étrange expérience ? Pourtant, le terran lui semblait trop pragmatique pour cela. Comme elle, il semblait avoir sa propre perception de la religion, et son lien avec Delil devait être d’une tout autre dimension. Se rendant compte que ses connaissances sur la Peste de Noathis étaient très lointaines, elle se promit de se plonger dans la bibliothèque de Palantil pour tenter d’en apprendre plus dès que le jeune prêtre serait parti. Avant qu’elle ait pu poser plus de questions, on cogna à la porte.

– Faites-là entrer, l’invita simplement Phyrra. Il doit s’agir de votre conseillère ? demanda-t-elle à Duscisio.

Codage par Libella sur Graphiorum

Au nom de la vie
Cladil 1306

Le jeune Haut-Prêtre répondit à ses interrogations à demi-mot, et ses paroles sibyllines ne firent qu’accroître les interrogations de Phyrra. Qu’entendait-il par « nous nous protégeons mutuellement » ? Cela voulait donc dire que, selon les règles de cet accord qu’il évoquait, la plante pouvait agir selon sa propre volonté pour protéger le terran ? Mais de quelle façon ? Il était évident que la Pistilose protégeait ainsi sa propre intégrité. Quel genre de pouvoir pouvait donc avoir cette plante ? D’un autre côté, peut-être avait-elle été présomptueuse de vouloir connaître ce genre de détail. Il était évident qu’il ne lui dirait pas tout, alors qu’ils se connaissaient à peine. Phyrra comprit qu’elle devait gagner sa confiance, tout comme il devrait gagner celle du peuple sindarin. Il mentionna également ne plus vraiment se sentir terran, même s’il n’explicita pas ce qu’il voulait dire par là. La sindarine connaissait si peu de détails sur sa condition qu’il lui était difficile de le comprendre. La langueur précédemment remarquée prenait de l’ampleur, et Phyrra observa avec inquiétude l’énergie de Duscisio décliner lentement. Était-ce quelque chose de normal ? Malgré le manque d’énergie du jeune homme, celui-ci ne semblait pas s’inquiéter de son état, ce qui, en quelque sorte, rassura la sindarine.

L’arrivée de Felicie fut un soulagement pour la sindarine, car celle-ci prit immédiatement les choses en main. Dotée de longs cheveux violets, sa peau était d’une blancheur cadavérique, dévoilant son appartenance au peuple gorgoroth. Elle demeurait très belle, habillée d’une jolie robe de soie, décorée des symboles du dieu de la vie. Son apparence laissait rappeler Shiva, l’ancienne haute-prêtresse de Delil, elle aussi une gorgoroth à l’apparence soignée. Cette pensée ramena à son esprit les flagrances extravagantes que portait l’ancienne élue de Delil, la faisant sourire. La prêtresse se présenta, donnant son nom, non sans hésitation. Felicie Balibe... Était-ce la sœur déchue de Duscisio ? Ou peut-être avaient-ils une relation plus intime que cela ? Ce fut le jeune terran qui apporta une explication. Sa voix, de plus en plus faible, désigna Felicie comme une sœur de cœur. Beaucoup plus éveillée que son maître, la prêtresse le réprimanda avec gentillesse, faisant sourire Phyrra. En effet, il lui semblait voir une grande sœur sermonner son petit frère. Elle lui expliqua d’ailleurs rapidement que cette perte d’énergie était due à l’endormissement de la Pistilose.  

Duscisio avait mentionné que Felicie était elle aussi l’hôte de la plante. Dédiée à Delil, avait-elle elle aussi un pouvoir sur la nature qui lui permettait d’entrer en communication avec la Pistilose, ou dépendait-elle du haut-prêtre pour comprendre ses intentions ? Elle mentionna ne pas en être au même stade que son maître, ce qui expliquait sans doute pourquoi, contrairement à lui, elle conservait un niveau d’énergie plus normal. D’ailleurs, contrairement à son frère, les signes de la Pistilose n’étaient pas encore visibles sur son corps. Comment la plante réagissait-elle à une fusion avec un enfant de Kron ? Cela soutenait l’hypothèse que celle-ci se nourrissait essentiellement d’essence divine, cette énergie qui, selon les hypothèses, permettait à Kron de redonner cette demi-vie à certains « élus ». Cela était tout à fait fascinant, et Phyrra avait hâte d’en apprendre plus, malgré les inquiétudes qui persistaient. La prêtresse avait, au premier abord, une âme pure. Pourtant, sa condition cachait le spectre d’une mort violente dont Phyrra ne connaissait pas les détails. Il était d’ailleurs tabou de questionner les gorgoroths sur les origines de leur condition, sachant que ces souvenirs ne pouvaient être bons. Ainsi, comment savoir si Felicie utiliserait à bon escient les pouvoirs de la plante ? Qu’elle n’en abuserait pas, qu’elle ne provoquerait pas de catastrophe ? Réduire à des suppositions, Phyrra ne pouvait qu’attendre et observer.

– Bien entendu, sœur Balibe. Laissez-moi vous accompagner au palais. Nous pourrons discuter sans problème une fois votre frère en sécurité.

Elle les conduisit rapidement au palais, jetant parfois un coup d’œil à Duscisio pour s’assurer qu’il ne s’endormait pas durant le trajet. La présence de Phyrra, bien connue dans les hautes sphères de la société sindarine, leur permit de franchir les barrages de sécurité sans attendre, et ils furent rapidement dans l’aile des invités. La conseillère de Canopée désigna la chambre réservée au Haut-Prêtre, le saluant sommairement alors qu’il somnolait déjà, puis laissa Felicie s’occuper de lui, attendant à l’extérieur. Elle en profita pour arrêter un astar, qui lui confirma qu’on leur avait demandé de ne déranger le Haut-Prêtre sous aucun prétexte durant la nuit. Phyrra confirma cette consigne, ajoutant toutefois d’augmenter la sécurité au palais. Malgré les bonnes intentions qu’exprimait Duscisio, elle ne pouvait lui faire entièrement confiance, et il était important que lui ou ses prêtres ne puissent accéder aux quartiers de Viwien durant la nuit. Lorsque Felicie réapparu, Phyrra lui adressa un sourire amical et l’invita à la suivre. Plutôt que de la ramener au temple de Ténéis, elle entra plutôt dans un boudoir élégant. Des biscuits et un thé chaud les attendaient déjà sur cette jolie table faite d’un bois foncé et finement ouvragé. Les murs de marbre blanc étaient parcourus de plantes grimpantes et la décoration, simple, faisait honneur à Delil. Prenant une place, Phyrra désigna un fauteuil à l’autre prêtresse.  

– Vous pouvez parler librement, ma sœur, l’invita-t-elle. De quoi souhaitiez-vous discuter ?

Codage par Libella sur Graphiorum

Au nom de la vie
Cladil 1306

C'est avec admiration que Felicie détailla la pièce dans laquelle Phyrra l’avait amenée. Visiblement impressionnée par le mélange de simplicité, de naturel et de prestance du boudoir, la sindarine la laissa prendre ses aises sans la presser. Rapidement, toutefois, la gorgoroth prit place face à elle, répondant à sa première question en mentionnant son maître. Ses paroles firent sourire Phyrra. Il semblait que tout le monde était au courant des difficultés diplomatiques de Duscisio...

– Ce sera avec plaisir. Duscisio a beaucoup à apprendre, mais je suis certaine qu’il assimilera rapidement ce qu’il doit savoir.

La prêtresse de Delil était franche et avait le regard sincère. Prenant une gorgée de thé pour réfléchir à la question, la sindarine tenta de répondre à sa question avec tact, mais honnêteté.

– Concernant Duscisio, je dois dire qu’il s’agit de quelqu’un d’intrigant. Il est jeune et inexpérimenté, mais il possède une maturité et une puissance tout à fait fascinante. Que Ténéis en soit témoin, il possède une volonté de fer et un sens de l’initiative rare. Je suis certaine qu’il deviendra quelqu’un de très influent s’il parvient à apprendre les manières appropriées. Il est l’élu de Delil, à n’en point douter, cela me semble d’une évidence même, mais même au-delà de son rôle religieux, je crois qu’il ira loin. Concernant ce qu’il m’a dit sur la pistilose...

Tout à sa mémoire extraordinaire, l’héritière des connaissances rapporta à Felicie tout ce que son maître lui avait confié. Elle était certaine, dans tous les cas, de ne pas en dire trop, car cette prêtresse semblait non seulement avoir la pleine confiance en son maître, mais elle semblait aussi en savoir beaucoup plus qu’elle-même sur les sujets qu’elle avait abordés avec le représentant de Delil.

– Cependant... Hé bien, sans vouloir vous offenser, sœur Felicie, je dois dire que je suis inquiète. Si cette plante profite actuellement de cette union avec vos corps, rien ne dit qu’elle ne trouvera pas éventuellement un moyen plus... destructeur de prospérer, surtout si, comme maître Balibe semble le croire, celle-ci est dotée d’une intelligence qui lui permet d’agir de manière indépendante. Dans tous les cas, le contrôle qu’elle possède sur l’énergie du Haut-Prêtre est préoccupant. Sa réputation le précède, et en cela je sais Duscisio doté d’une puissance magique incroyable. Je crois également son cœur pur, peut-être même trop pour envisager que cette plante et cette osmose qu’il chérit tant puissent le trahir. Je n’ai d’autre choix que de me reposer sur vous, sœur Felicie, et sur les dires de Maître Balibe.  

Cela dit... Au-delà de mon rôle de conseillère royale et de mon devoir de protéger le peuple sindarin, je suis la représentante de la déesse des connaissances. Je comprends sans doute mieux que quiconque l’intérêt d’étudier cette plante. Celle-ci, si sa coopération est aussi complète que semble le croire Duscisio, pourrait permettre des avancés incroyables, autant au niveau de l’herboristerie, de la médecine, mais aussi de l’essence divine. Je suis si curieuse à l’idée d’en apprendre plus sur cette incroyable fusion !  

Sœur Balibe, j’ai également une question pour vous. Avec la pistilose, Duscisio n’a pas eu le choix. Il s’est lancé dans le vide et a dû composer avec ce que cela a provoqué en lui. Vous, toutefois, avez fait ce choix consciemment, en toute connaissance de cause des difficultés qu’avait rencontré votre maître. Vous qui avez fait le choix d’accueillir cette plante en votre sein, seriez-vous à l’aise de m’expliquer les raisons qui vous ont motivé à l’accueillir ?

Codage par Libella sur Graphiorum

Au nom de la vie
Cladil 1306

Le premier aveu de Felicie fit sourire la sindarine. Après tout, peut-être les sentiments de la gorgoroth envers le Haut-Prêtre dépassaient la simple relation fraternelle, du moins, aux yeux de la jeune femme qui lui faisait face. Les intentions de Duscisio rejoignaient-elles les siennes ? Les explications qui suivirent lui permirent d’en douter, et Phyrra perdit rapidement son sourire au profit d’une mine inquiète. La gorgoroth se triturait les mains, visiblement nerveuse de lui raconter tout cela. C’est que les informations qu’elle livrait sur l’instabilité de Duscisio devaient lui donner l’impression de le trahir. Cette fois, rien à voir avec la Pistilose, même si celle-ci devait avoir un rôle à jouer. Pleine d’empathie, la sindarine fut frappée par la tristesse que lui présentait Felicie.  

– Je vous remercie de votre confiance. Ce que vit Duscisio, et ce que vous vivez également à travers lui semblent très difficiles.

Même si certaines informations, comme la perte de douleur physique ou la protection en cas d’agression, demeurèrent dans un coin de son esprit qui tentait d’en apprendre plus sur la plante parasite, il lui semblait que l’appel à l’aide de la jeune prêtresse revêtait un sentiment d’urgence. Même s’il ne sentait plus rien, la mutilation de Duscisio était inquiétante. Elle avait déjà côtoyé des gens dans cette situation, des gens qui se noyaient dans leur solitude et dans cette impression que personne ne pouvait les comprendre. Le geste de Felicie était tout à son honneur. Phyrra espérait seulement qu’elle ne se fasse pas happer par les mêmes soucis que ceux de son maître.  

– Que les Dix bénissent votre présence, pria Phyrra. L’âme de Duscisio souffre. Espérons que nous saurons l’aider à l’apaiser. Soyez assuré que je mettrai tout en œuvre pour l’aider. M’autorisez-vous à aborder ces sujets avec lui ? Sur le coup, il pourrait vous en vouloir de m’en avoir parlé, mais je vous assure que vous avez bien agi.

Il était difficile d’aider quelqu’un qui ressentait cette détresse que Felicie lui décrivait, Phyrra en savait quelque chose. Elle-même était passée par des moments difficiles dans son passé, et son rôle de prêtresse l’avait amené à aider beaucoup de gens avec des problématiques semblables. C’était sans doute pour cela qu’elle souhaitait l’aider. Ce mal de vivre était une chose horrible à ressentir, et la sindarine souhaitait pouvoir aider chaque personne qui ne se sentait pas digne du don de la vie offert par les Dix. Chaque personne était différente, ce qui rendait ce genre d’aide difficile. Elle espérait que Duscisio serait ouvert à lui en parler, qu’elle pourrait gagner sa confiance et l’aider à regagner foi en lui-même. Après tout ce qu’elle avait appris aujourd’hui, il lui semblait impossible d’abandonner le haut-prêtre. Elle se souvint qu’il lui avait confié ne plus vraiment se sentir terran. Pourtant, la sindarine était convaincue que son cœur l’était toujours. Sa passion, sa bienveillance, son désir d’aider son prochain, tout cela le prouvait aisément. Pourrait-elle l’aider à accepter celui qu’il était devenu ?

– Sœur Felicie, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aider votre maître. Ainsi, s’il accepte, j’aimerais le rencontrer demain pour en discuter avec lui. Il vous fait confiance. Pourriez-vous lui en glisser un mot pour moi ?

Elle pourrait lui faire croire qu’elle voulait lui parler concernant la pistilose, ou encore concernant le remède de la fièvre, ou elle pouvait même lui dire la vérité sur ses intentions. Phyrra espérait seulement qu’il accepterait de lui parler de sa souffrance, une chose particulièrement difficile pour chaque être pensant.

Codage par Libella sur Graphiorum