Un premier contact [Privé Glanael / ABANDONNE]

Pourquoi marchait-elle aussi vite ? C’était à peine croyable, elle aurait juré qu’elle faisait exprès presser le pas dans le but de la semer, elle qui est sa propre suivante, dans cette foule qui grandissait au fil des minutes. La jeune Terran avait maintenant perdu sa maîtresse de vue et n’avait de cesse d’être bousculée, elle parvint cependant à s’extraire de la foule en coupant la route à homme d’âge mûre qui pestiféra nombre d’injure à son encontre. A bout de souffle, elle s’adossa à un mur pour récupérer et accessoirement tenter de localiser Verna, chose qui s’avéra vite infructueuse. Elle commença alors à paniquer, certes elle saurait retrouver aisément le chemin du retour au foyer de son maître, mais si Verna avait demandait qu’elle l’accompagne ce n’était pas pour qu’elle la perde de vue à peine une heure après leurs départ. La jeune fille posa alors la main sur son front en poussant un léger soupir d’appréhension. Elle va me tuer, se dit-elle quand une voix résonna soudainement dans sa tête.

-Ca c’est sûre que je vais te tuer si tu ne me dis pas tout de suite ce que tu fais là !

Elle tourna alors sa tête vers un minois qui ne lui était pas inconnue… Mince !
Verna se tenait à quelques mètres d’elle tapant du pied. Ses traits étaient durcis par une moue agressive et ses bras croisés, histoire de bien faire passer le message. La jeune Terran sursauta légèrement à cette vue qui ne lui laissait rien présager de bon pour la suite des évènements, ou pour être plus précis, ceux qui la concernent directement. Elle tenta alors, dans l’espoir vain que ses punitions seraient allégées, d’expliquer la situation.

« Je vous en conjure, laissez moi vous expliquer. Vous marchiez trop vite et un homme m’a bousculé. Je vous ai perdu de vue et… »

Elle cessa alors de parler quand ses yeux croisèrent ceux de la Lhurgoyf, elle la foudroyait littéralement du regard. Sentant que son repentir n’allait attirer aucune clémence, ou simplement produire l’effet inverse à celui escompté, elle préféra se taire. Sa maîtresse l’attrapa alors par la main et tout en la tirant avec fermeté repartit dans la foule. La petite blonde était maintenant contrainte de suivre à grand peine le rythme de marche effréné de Verna qui pourtant était à peine plus grande qu’elle (en comptant les couettes).

« Aïe ! Arrêtez s’il vous plait. C’est… c’est assez humiliant. »

« Veux-tu te taire !? Je te rappelle que je suis pas là pour jouer à cache-cache alors contente toi de ne pas me lâcher. Tu as déjà eu ta chance. »

Si ces deux jeunes filles étaient actuellement de sortie c’étaient dans le but d’acheter quelques fournitures nécessaires à leur future hypothétique découverte du monde. En effet le calme de sa vie actuelle n’était pas sans déteindre sur le moral de Verna. Non pas que sa vie de prostituée lui manquait mais l’excitation, ou plutôt le frisson qu’elle ressentait en ces temps oui. C’est pourquoi elle prévoyait de changer de vie, et c’est dans cet optique elle était partie au quartier commerçant, bien que la raison officiel fut qu’elle était seulement partie acheter quelques vivres pour son époux, stipulant au passage que c’était une de ses activités favorite.
La fin de la matinée approchée à grand pas et la jeune noble se sentait déjà le besoin de souffler un peu, elle entra alors dans une petite taverne quelconque et finit par s’assoir à une table. Elle s’installa et invita sa suivante à ses côtés, Maxine elle semblait quelque peu confuse.

« Pourquoi sommes nous venues ici ? Vous ne buvez ce genre de breuvage si je ne m’abuse. »

Cette question lui paraissait si stupide que Verna ne put réprimer un soupir d'exaspération en l'entendant..

« Evidemment que non triple idiote ! Si je viens dans un tel endroit c’est pour toi, j’imagine que tu as soif. Profites-en ce sera notre seule pose de la journée. »

La jeune Terran baissa les yeux, montrant ainsi son incroyable sentiment de gêne.

« Hum…merci. »

Il ne leur restait plus qu’à attendre le tavernier.

[Désolée pour ce très très court début, je me reprends au prochain post ^^".]

M es affaires marchaient toujours de mieux en mieux à Tyrhénium. Certes, je voyageais beaucoup ces derniers temps, mais mes absences spontanément plus fréquentes en valaient la chandelle. Le parfum ardent de la cité cuisante avait changé pour celui de Riguéar : l’approche de la mort puis celle du froid. Bien que je côtoyait la première avec une certaine régularité, sa place prenait une ampleur plus majestueuse. Le poids du sachet en cuir qui pendait du côté droit de ma ceinture d’armes s’alourdissait déjà depuis qu’une certaine quantité des poisons qu’il contenait s’étaient volatilisés dans le but passager d’entraver le cours naturel de plusieurs vies. Tous les moyens était bon pour assassiner, autant sauvagement que soigneusement. Non ma nature démente, mais la nature elle-même m’accordait de nouveaux atouts pour exceller avec diversité dans mon art.

La nuit précédent avait, quant à elle, avait été riche en émotions. L’idée de me réfugier dans mes propres songes ne pouvait triompher de celle qui se présentait inopinément à ma vue. La pénombre d’un établissement peu sain accueillant nombre d’ivrognes grassouillets, de prostituées mal payées ou de poètes fauves. Des effluves autant repoussantes que ragoûtantes se bousculèrent d’emblée sous mes narines. Ma monture s’arrêta en constatant mon intérêt soudain pour un nouvel établissement à l’allure lugubre, à l’enseigne de bois orné de moisissure. Akira ne fut évidemment pas surprise de sentir le corps imposant de son cher ami se glisser hors de son dos. La jument resta interdite, les yeux posés calmement sur la foule fourmillante des environs, se préparant à passer dans la solitude les minces prochaines heures qui s’écouleraient.

J’entrai de bon coeur dans l’une des multiples tavernes d’Eridania qui se fondaient dans la masse par leur manque d’originalité. L’heure du zénith approchait tandis que les fêtards se remettaient les idées en place. À ma venue, plusieurs me dévisagèrent sans trop comprendre. Quelques mines déboussolées s’attardèrent sur mes habits d’encre puis retournèrent à leurs piètres racontars. Une table vide, à proximité de jeunes gens, me parut agréable pour me reposer.

À ma droite, j’entendis quelques brides d’une discussion forte amusante. Un langage ponctué d’élans méprisants puis de certains qualificatifs plutôt suggestif. Je m’intéressai avec un brin de moquerie à ces jeunes femmes qui conversaient bien gentiment... Quoi qu’un certain manque de politesse de la part de l’une envers l’autre imposait une forme bien banale de hiérarchie grandissante.

Un tavernier à l’air peu vaillant s’approcha fébrilement de ses clientes pour leur servir l’un des modestes breuvages de la maison. Derechef, je l’apostrophai pour m’inclure indirectement dans cette charmante compagnie.

- À boire pour ces charmantes dames messire !

, lui dis-je d’un timbre chaleureux.

Durant l’attente, les deux jeunes filles conversèrent sur ce qu’il leur restait à faire du reste de la journée qui s’étendait toujours un peu plus devant elles. Nombre de chose restait à prendre en compte pour les périples qui les attendaient dans l’avenir. Vivres, équipements, nécessaires nocturnes, c’était pas les candidats qui manquaient, encore fallait-il pouvoir faire la part des choses. L’avantage pour les vivres tenait du fait que seule la Terran en aurait l’usage, par conséquent les quantités allaient être réduites. Pour dormir de simples sac de couchages feraient amplement l’affaire dans un premier temps, le vrai problème venait après, quel étaient les effets primordiales à prendre avec soit pour survivre un tant soit peu en milieu naturel voir hostile ? Boussole… carte, corde, et… quoi d’autres ?

Tandis que le charmant petit duo était plongé dans une intense réflexion dont allait probablement dépendre leur avenir, vint quelqu’un. Lorsqu’il pénétra dans l’établissement, nombre de consommateur et autre ivrogne se tournèrent vers cette personne mais pas Verna qui se contentait de poursuivre sa conversation avec Maxine. Quelques secondes plus tard elle put entendre quelqu’un s’assoir à la table d’à côté, et à en juger par la trajectoire de l’œil d’un vieil homme borgne se tenant face à la petite rousse il devait s’agir de la personne qui venait d’arriver. Après deux ou trois minutes arriva d’un pas peu vaillant le tavernier qui fut interpellé sur son trajet par une voix qui se voulait aimable. Maintenant contrainte de lui porter attention Verna se tourna vers l’homme qui venait de s’installer, un grand personnage au corps emmitouflé dans un tissu d’ébène et à la longue crinière argentée. Ajouté à cela, la pâleur de ses traits… un Lhurgoyf des plus charmants pensa-t-elle.

« Dois-je comprendre par là que vous nous faite don de votre galanterie ? C’est trop d’honneur. »

Elle fit alors face à l’arrivant en prenant soin de lui faire part d’un joli sourire ainsi qu’une petite croisade de jambe.

« Je souffrirai de vous savoir délaissé si tel était le cas. Prenez la peine de vous joindre à nous. »

Elle se laissa alors glisser sur la chaise voisine à la sienne concédant ainsi sa place à l’inconnu et se rapprochant accessoirement de sa petite esclave, qu’elle ne put s’empêcher de la taquiner mentalement au passage.

-N’est-il pas tout à fait saisissant ma chère ?

La réaction de la Terran ne se fit pas attendre, et l’on put la voir sensiblement virer au rouge, elle détourna alors légèrement le regard vers le sol en tortillant une de ses mèche de cheveu par réflexe compensatoire.

« M… Madame, que dites-vous là ? » Murmura-t-elle afin de ne pas se faire entendre.

Bien que cette situation ne fût pas sans divertir Verna, elle fut contrainte d’y mettre un terme par l’intervention du tavernier qui semblait s’impatienter sévèrement. La Lhurgoyf tourna alors son regard vers sa suivante qui mit quelques instants à comprendre où sa maîtresse voulait en venir. C’est alors dans un léger sursaut qu’elle se tourna vers le propriétaire des lieux.

« Oh excusez-moi… hum je vous prendrai un verre d’eau s’il vous plaît. »

« Pardon !? Allons ne fais ta timide. » Rectifia sa maîtresse. « Apportez-lui quelque chose de léger je vous prie. Qui puisse la revigorer pour le reste de la journée. Quant à moi je ne prendrai rien je vous remercie.»

Le tavernier finit alors par se tourner vers son dernier client présent, son action fut soutenu par les regard respectifs de Verna et Maxine. Verna avait hâte de pouvoir faire plus ample connaissance avec le jeune homme en face d'elle.

L'écran stellaire de ma vision s'échoua à une planche de bois taillée à même l'écorce d'un chêne. Sa couleur d'un brun morne tirait sur le pourpre à quelques endroits ici et là. Sa texture parsemée de taches de vins fut pour moi un livre ouverts à des mémoires de déboires passées. L'étincelle à demie effacée dans mon regard se raviva subitement lorsque je vis deux ombres filiforme s'entrelacer puis la lumière d'un visage secondaire changer en intensité. Jeux vif de lèvre, sourire écarlate exposée sur des traits de jeune damoiselle... J'entendis alors le carillon à nouveau qui s'adressait, cette fois, à mon humble personne.

Quelques mèches de ma longue chevelure de neige glissèrent vers l'avant de mon épaule lorsque j'effectuai un mouvement de tête pour contempler mon interlocutrice. Mon double visage, soit le plus charismatique des deux selon la population bourgeoise, fit face à la charmante rousse qui nota sans détour mon acte de courtoisie. Celle-ci m'invita sans plus attendre à rejoindre son petit duo puis transposa d'une chaise à l'autre. Je lui rendis son expression radieuse avant de prendre place parmi les deux étrangères. Je posai légèrement mes avant-bras contre le rebord de la table, laissant voir les jabots gris colorés fraîchement de sang qui se prolongeait en dehors de la cape ténébreuse qui recouvrait mes bras.

- C'est un plaisir de me joindre à votre agréable compagnie.

, répliquais-je alors que mon dos s'appuya contre le dossier.

L'intermédiaire sembla vouloir gêner la première en passant une remarque plutôt explicite pour une jeune femme inconnue. La seconde à l'allure nettement plus juvénile s'empourpra naturellement en entendant les mots ci-contre. Je n'arrangeai de toute évidence pas les choses à la décrivant à son tour des yeux. Des mots à peine inaudibles sortirent de sa petite moue délicate. Sa compagne sembla pour autant la comprendre... L'habitude sans doute. Pour rompre ce malaise malicieux, j'interpellai la plus vieille des deux, donnant un faible moment de répit à la cadette. Le serveur, dissimulé depuis un certain temps dans le décor, marqua quelques signes d'impatience. Je n'eus pas le temps de composer quelques mots que les deux filles se disputèrent sans trop d'obstination sur le choix de leur boissons. L'une entraîna inévitablement l'autre, contre son gré, vers le vice d'un breuvage divin.

- Les étrangers vous sont-ils en tous points aussi saisissants ?

Mes pupilles se dilatèrent, poussées par un vif intérêt de connaître la suite. Un certain air de supériorité émanait de la jolie rousse et je fus davantage curieux d'en comprendre la nature. Son teint pourtant aussi livide que le mien provoqua en moi une certaine ambiguïté. La blondine paraissait si minuscule de sa personne que je ne l'imaginai pas résister une seule seconde à son amie... Si l'on pouvait dire par un quelconque hasard qu'une certaine amitiés liait ces jeunes gens. Moi-même me sentis-je notamment grossièrement dominant face à cette blondine lunatique. Je réalisai tout bien considéré que cela n'avait rien de très étonnant pour un lhurgoyf qui tuait sans répit pour s'éclater en gagnant bien honnêtement sa vie... L'art d'entremêler les rôles oui !

Cela me poussa à me demander si je connaissais certains membres de la guilde possédant de jeunes esclaves en permanence. Il devait être certainement plus encombrant de traîner son larbin lorsque l'on prenait inopinément la fuite. Je chassai alors cette question ma foi intéressante de mon esprit pour tenter de déchiffrer avec une analyse approfondie le lien étrange qui unissait mes soeurs de tables. J'attendis calmement une réponse à mes dires avant de dévoiler en toute hâte mon identité.

Maxine, bien que toujours légèrement intimidée par la présence du jeune homme, parvint à reprendre son sang froid et à cesser de jouer avec sa mèche, accompagné par élan de bravoure dont elle n’aurait cru être capable un jour, elle parvint même à reposer les yeux sur lui. Chance pour elle, il regardait sa maîtresse en ce moment, car elle savait que le moindre croisement avec ses beaux yeux azurés suffirait à la déstabiliser suffisamment pour qu’elle n’ose plus l’épier. Elle alla même jusqu’à se dire qu’elle n’aurait qu’à tenir que jusqu’à ce que le tavernier ne lui apporte sa boisson, elle pourrait alors tourner toute son attention vers cette dernière jusqu’à la fin de la conversation, tous les moyens étaient bons pour éviter d’être le centre de la conversation.
La question ainsi soulevée par son nouveau compagnon de fortune ne fut pas sans provoquer une certaine excitation puérile chez Verna. Bizarrement, la jeune Lhurgoyf brulait d’envie de faire part de ses quelques soucis, si l’on pouvait les qualifier ainsi, au jeune homme aux étoffes d’encre. Aussi, se détournant légèrement de sa suivante, elle posa ses coudes sur la table avant de joindre ses mains ensembles et de venir appuyer son menton sur leurs revers, le sourire charmeur, les yeux pétillants.

« Vous savez, quand vous avez la grande majorité de votre vie dans une prison, il est agréable de voir une personne, même un parfait inconnu, prendre la peine de venir de son plein gré jusqu’à vous dés le premier jour de votre délivrance. Ce n’est autre qu’une expérience des plus inédites, et accessoirement encourageantes. »

Le tavernier se tenait toujours près du jeune homme, le fixant sans trop oser interrompre la conversation, ce qui était assez étrange quand on connaissait sa position, ses traits commençaient à se tirer de plus en plus. Une petite mine volontairement fragile et apeurée se dessina alors sur le visage de Verna, elle poursuivit alors d’une vois qui se voulait quelque peu hésitante.

« Hum… pardonnez-moi, mais il me semble que monsieur aimerait que vous passiez de votre commande. »

L’effet fut immédiat et le tavernier sembla se calmer quelque peu, se sentant probablement coupable d’avoir dérangé ainsi sa cliente.
Fière de sa performance, elle laissa quelques instants au séduisant Lhurgoyf pour se prononcer. Ce n’est qu’après, alors que le maître des lieux s’éloignait, qu’elle se repencha vers lui. Bien que son petit caractère lui ordonnait en temps normal d’exiger du jeune homme qu’il ne se présente avant d’aller plus loin dans la conversation, elle se devait afin de faire honneur à sa propre stature de passer outre cette règle pour cette fois étant donné qu’il avait fait preuve de galanterie à son égard et à celui de sa suivante.

« Mais permettez-moi de me présenter. Je me nomme Verna Luxis, et je suis comme vous semblait l’être vous aussi, une Lhurgoyf, et voici ma plus fidèle servante Maxine Roberts… »

« En…enchantée… » poursuivit cette dernière d’une voix paniquée.

« Et comment devons-nous vous appeler ? »

Une certaine excitation contenue pouvait se ressentir dans sa voix. Elle ne connaissait rien de cet homme mais l’idée même qu’il puisse jouer un rôle quelconque, même mineur, dans son avenir en tant que guide ou autre la faisait frémir. Peut-être pourrait-il lui donner des conseils, la mettre sur une piste, les possibilités étaient nombreuses. Bien que, elle n’espérait pas plus que ça.

À la dérobée, je perçus dans l'extrême gauche de mon champ de visions de petits yeux intimidés se poser sur ma personne. Je n'osai pas provoquer un nouveau contact au risque de terroriser sans grand effort la jeune fille. Une telle manoeuvre risquait évidemment de m'y faire prendre facétieusement goût. Alors ma véritable nature couperait à court cette fascinante rencontre pour la métamorphoser en un bal horripilant. Complètement ouï, je reposais entièrement mon attention sur les manières de l'autre lhurgoyf. Celle-ci me livra une réponse des plus surprenantes. Aussi m'attendais-je à une simple réplique digne d'une femme prudemment refermée aux insouciants inconnus. Au lieu de quoi, j'eus droit à une petite anecdote de vie plutôt alléchante. Une seule prison portait sa réputation dans les environs et il s'agissait bien du refuge d'Umbriel réservé aux pires malfamés. Il m'était autrement dit familier, mais je ne me souvenais guère y avoir croisé ce ravissant monstre au masque de jeune adolescente à l'allure peu commune. Ce soudain sentiment d'appartenance dont elle faisait la mention me rappelait les lourds secrets de mon passé que l'ancienne détenue ne souhaitait probablement pas connaître. Pour cette raison, je considérais que chaque nouvelle rencontre détenait le pouvoir de changer le destin, si nébuleux s'avérait-il.

L'apprenti tavernier aussi fidèle qu'un bâtard de chien attendant son os me toisait d'un oeil mauvais. Cependant, je ne voulais interrompre bêtement les soucis confusément expliqués de ma voisine de table. Une lueur bien distincte d'effroi submergea les traits de celle-ci. Je cherchai déjà à comprendre quel mouvement hardi de ma part parvint à déclencher cette furtive alarme. Comme un bougeoir dont la flamme crépitait par la violence du vent glacial au bord d'une fenêtre, le serveur s'illumina ou plutôt se démarqua d'un air mauvais. L'impatience puis l'indiscrétion provoquée par celle-ci se calaient à son visage. Cette apparition prolongée par l'attente d'une commande qui ne venait toujours pas ne m'imbibait que de méfiance. L'ombre d'un rictus mauvais contamina ma bouche lorsque je l'observai plus attentivement. Des cheveux bruns en bataille, des joues creusée et recouvertes d'une minuscule barbe de jeune homme se dirigeant vers la maturité. De lui se dégageait une fabuleuse odeur de cochon carbonisé. Quelque chose ressemblant à de la nourriture dégobillée maculait son justaucorps couleur crème.

- Une cruche de whisky.

, répondis-je négligemment au responsable du service.

Mon indifférence s'effaça brusquement lorsque je proposai à l'étrangère de poursuivre.

- Pardon vous disiez ?

- Et comment devons-nous vous appeler ?

- Glanael Eihwaz.

Alors revint le plus aimable serveur de Tyrhénium qui déposa d'un claquement assurément antipathique un gobelet dont le fond se parsemait de relents moisis. Le pichet suivit d'une maladresse volontaire et son porteur s'en alla à l'en rencontre d'autres habitués qui le payaient grassement. D'un automatisme, je remplis mon verre au quart d'alcool, le secouai précautionneusement avant de jeter clairement le tout sur la paillasse. Mon premier mouvement se répéta à nouveau puis je portai enfin le breuvage ragoûtant à mes lèvres. Une sirupeuse gorgée glissa sur ma langue pour prolonger son cours jusqu'au creux de mon estomac. Depuis quelques lunes je n'avais réellement mangé or même le whisky ne parvenait concrètement à rassasier cet abominable soif qui me tenaillait parfois la gorge.

D'un calme naturel, j'enclenchai la discussion avec ma consoeur de peuplade.

- Quand vous dîtes « prison » vous voulez dire celle des déments n'est-ce pas ? Est-ce là la source de votre malaise à l'égard du jeune écervelé ? Si j'en crois vos paroles, nous avons certainement plus qu'une forme secondaire en commun.

Je balayais la taverne à l'affût des regards indiscrets puis repris en contrebas :

- Un jour un homme vint me rendre visite à Umbriel pour me parler de l'extérieur. J'imagine que vous n'avez pas encore eu la possibilité de l'explorer dans toute sa splendeur, cependant, il y règne un très haut promontoire de possibilités. Cet individu me parla alors d'une façon plus entreprenante d'exploiter mon potentiel et je ne pus résister à l'envie de mener à plus dangereux termes ma vie. Cela comporte de nombreux risques lorsque l'on s'infiltre dans le tout autre... Ce qui ne gâche pas pour le moins du monde tous les bénéfices qui se montrent désormais à mon encontre.

Je préférais rester discret même si Maxine entendait probablement les plus infimes détails de mon histoire. Une main opaline se présenta à l'intention de mademoiselle Luxis. Elle seule déterminerait la trajectoire de sa destinée, en refusant ou acceptant de juxtaposer sa paume contre cette rose noire qui illuminait la mienne.

- Croyez-vous avoir la force d'enterrer cette peur que j'ai su déceler dans vos nobles prunelles ?

Le bel homme aux étoffes d’encre se nommait Glanael Eihwaz, enfin si ce qu’il disait était vrai, d’un autre côté quel intérêt avait-il à mentir ? A moins qu’il ne baigne dans des affaires crapuleuse d’enlèvement puis de trafic de jeune femme, auquel cas il avait effectivement tout intérêt à dissimuler sa vraie identité à autrui, seulement cette version des faits ne relevait-elle pas d’une forme de paranoïa ? Assurément, mais d’un autre côté n’était ce pas simplement la soif puérile d’aventure qui s’agitait encore maintenant dans l’esprit de Verna qui lui faisait miroiter pareil scénario ? Même ce genre de mise en scène effrayante pour la plupart des jeunes femmes, chose normale puisqu’il doit s’agir de la pire des situations dans laquelle elles puissent jamais se retrouver, était susceptible de plaire à la petite rouquine. Le moyen le plus simple qu’elle aurait de savoir ce que le Lhurgoyf avait dans la tête serait encore d’y plonger à bras le corps, seulement n’y avait il pas risque qu’il ne s’en aperçoive ? Et si tel était le cas, comment réagirait-il ? Probablement qu’il n’aimerait pas et qu’il répondrait de manière plutôt négative, ce qui l’un dans l’autre serait une réaction compréhensible.

Le serveur fut plus rapide que ce qu’on aurait pu le penser et revint une cruche à la main ainsi qu’avec deux verres qu’il déposa respectivement face à la petite blondinette et à Glanael, la différence tenant bien évidemment dans leurs contenus. Celui de Maxine était rempli d’un liquide translucide aux pâles reflets ambrés et dont les vapeurs dégageait une légère note sucré. L’odeur n’était pas sans attiser la curiosité de l’innocente Terran qui pris délicatement son verre à deux main avant de le porter timidement à ses fines lèvres qu’elle ouvrit, une dose infime du breuvage coula entre elles et vint s’échouer sur sa langue avant qu’elle ne repose son verre sur la table. La douceur mêlée à la chaleur, seulement la sensation d’un feu inconnu lui saisi à la gorge qui se contracta à son passage. D’abord apeurée, ses yeux s’écarquillèrent tandis qu’elle se tournait vers sa maîtresse la mine pétrifiée, puis elle toussa à trois reprise d’une manière contrôlée et irrésistiblement candide. C’était la première fois qu’elle buvait de l’alcool et bien que son breuvage fut des plus doux, on ne peut jamais y être totalement préparé.

« Madame… quelle est donc cette chose ? »

« Oh, tu n’avais jamais bu d’alcool ? N’est ce pas adorable ? »

La petite Terran, maintenant rouge de honte s’en retourna fébrilement vers son verre qu’elle décida de finir, il n’était pas grand et quelques gorgées suffirait à en venir à bout, c’est pourquoi elle prit son courage à deux mains… enfin son verre, et se concentra de toute ses forces dessus.
Glanael lui ne semblait pas totalement satisfait par sa commande, l’on pouvait lire une certaine insatisfaction au travers de ses gestes. Ce n’est qu’après avoir bu une gorgée de Whisky qu’il s’en retourna vers Verna, visiblement intrigué par son précédent récit.

« Non pas de prison de ce genre croyait moi. Si j’en crois ce que vous me dites nous n’avons pas eu droit à la même expérience du milieu carcérale. Je fus de celle dont on louait le corps pour des nuits entière sans avoir la chance d’y échapper, pendant plus d’une vingtaine d’années. »

Il balaya alors le lieu du regard avant de se pencher vers la petite rouquine. Il lui compta l’existence d’un homme qui vint à sa rencontre pour lui parler du monde et de toute les possibilités qu’il renfermait, et ce même homme l’invita visiblement à le rejoindre, chose à laquelle il ne put dire non. De la même manière que son époux était venu lui la libérer de sa prison elle retrouvait là encore le même dessin tracé par le destin, seulement la situation n’était pas tout à fait la même. Ici ce n’était pas de vie calme et remplie de richesse dont on parlait mais bel et bien du monde et tous les périples qu’il pouvait renfermer. Sa main tendue vers Verna, si elle s’écoutait elle la couvrirait de baiser mais elle n’en fit rien, se contentant d’y caler la sienne d’une geste délicat.

« Si j’en ai la force ? Cette peur a déjà été vaincue à mainte reprise. »

Avait-il vu de la peur dans ses yeux ? Décidemment son jeu d’actrice était encore plus convaincant que ce qu’elle n’aurait pu penser.

Dame Luxis avait connu un destin bien plus tragique que le mien. À vrai dire, ma vie d’orphelin elle-même ne fut qu’une anecdote bien complaisante. La solitude, la monstruosité ayant surgit de ma propre personne et même ma dérision passagère entre les murs inquiétants d’Umbriel résultaient à une conjecture respectable à côté du déshonneur qu'avait vécu cette femme. Mon mépris à propos des prostituées arpentant les ruelles n’égalait en aucun point l'effarante exécration que je concevais à l’égard des souteneurs aussi malveillants. Pour avoir été souillée de la sorte et s’en sortir dans un état aussi convenable, cette étrangère tirait de l’exploit. Hors de ce brin de compassion ma foi épisodique, je ne ratai guère de considérer cette dernière telle une hypothétique prise… Une alléchante colombe qui déposa délicatement sa main sur ma paume. La lhurgoyf à qui j’avais dévoilé mon identité ne tenait guère à me décevoir… Pas vraiment. Dans le cas contraire, nul doute apprécierait-elle de se joindre à mes activités belliqueuses. Quelques risques guettaient naturellement quiconque suivait ma route, cependant j’étais en mesure de veiller sur une alliée tout comme je m’y employais parfois avec Akira.

- Votre passé semble d’autant plus désagréable, maintenant que vous en parlez.

Tranquillement, la petite servante sembla se fondre aux moulures de la table à mesure que se prolongeait cette conversation. La charmante rousse surpassait, à ses dires, ses pires angoisses. Seulement, portait-elle sur ses graciles épaules l’étoffe d’une impitoyable battante ? Seul des actes parviendraient à apporter des réponses. L’avenir lui-même ignorait en quoi cette présence nouvelle se transformerait… Une amie, une âme tourmentée, une opposante tenace ou une ladrinis ? Un sourire des plus ambigus flotta jovialement sur mes lèvres pâles.

- Que diriez-vous de rentre une petite visite de simple courtoisie aux êtres qui vous ont fait autrefois captive ? S’ils sont toujours de ce monde bien entendu.

La proximité même lors de ce premier contact avec cette être démoniaque créait un picotement incertain dans mes articulations. Un immense gouffre de flammes feignait de se déchaîner en cet instant inconcevable. Inexplicable d’abord par cette agitation purement magique, ensuite par le grondement sourd d’une créature éveillée. Mon coeur de marbre menaçait presque d’éclater à son tour en un torrent d’émotions. Je dominais généralement bien mes humeurs et pourtant, quelqu’un avait réussi à ébranler mon sang froid. Il n’existait, de ma connaissance, aucune raison que je jugeai plausible pouvant me désarmer aussi aisément. Un tel manque de contrôle auprès de la jeune femme m’embarrassait nettement… Même si je me tuais visiblement à dissimuler parfaitement le tout avec un important détachement.

- Sachez que ma courtoisie n’est qu’aussi charitable en présence de pareille compagnie…

Mes mots se suspendirent en une noble mise en garde. On pouvait certes y retrouver un compliment glissé avec un jeu impeccable de subtilités. Le timbre glacé qui emportait ces paroles hivernales s’estompa promptement alors que déposai un léger baiser contre la surface opaline qui m’était depuis quelque peu tendue. Mes traits abandonnèrent alors le plaisir de laisser transgresser chaque sentiment. Impassible je restai pour ne pas imprégner involontairement ce geste d’idées malintentionnées. Lentement, la main de Verna se dénoua de la mienne afin de rompre le lien surnaturel qui persistait.

Pour une raison qu’elle ignorait totalement, Verna se sentait soulagée d’avoir fait part de son tragique passé à une tierce personne qui avait vécu une expérience que certaines personnes ouvertes d’esprit pourraient qualifier de similaire. Le fait qu’elle se soit senti ne serait-ce que légèrement concerné par son récit avait touché Verna. L’avait-il fait volontairement ? Non, mais cela lui importait peu, toujours est-il que la Lhurgoyf commençait déjà à nourrir un sentiment de sympathie envers Glanael.
La proposition que le Lhurgoyf lança après ne fut pas sans éveiller une certaine pulsion, maintenant très familière à Verna. Elle repensa à cette ancienne bâtisse au milieu des quartiers bourgeois. Etait-elle toujours de service ? Eléanore était-elle toujours de ce monde ? Chaque question en amenait une nouvelle, si bien qu’une telle quantité d’interrogation aussi soudaine fusse-t-elle se devait de trouver des réponses.

« Votre proposition est bel et bien forte intéressante. Si vous acceptiez de m’accompagner je me ferais une joie d’y retourner. »

Le sort en était jeté, et pour le plus grand bonheur de Verna, Glanael aussi froid qu’il pouvait paraitre au premier abord ne pouvait rester de marbre devant sa pâle consœur. Bien que le corps de Glanael parvenait parfaitement à retranscrire la totale indifférence qu’il lui commandait. Il n’en était nullement le cas de son esprit qui depuis sa précédent réflexion était scruté passivement par le troisième œil de Verna. Un petit gloussement, un vague sentiment d’autosatisfaction. Oui, celle qui d’apparence n’était qu’une frêle et jeune adolescente allait très bien. Elle cherchait seulement à s’assurer qu’il ne s’agissait pas là d’un vil piège tendu pour capturer de la viande fraiche. A en juger par ce qu’elle voyait de l’esprit de Glanael, il n’en était rien mais par mesure de sécurité elle préférait conserver ce lien imperceptible quelques instants de plus.
Le compliment qu’il prit soin d’ajouter n’en fut qu’à son avantage sans compter sur le doux baiser qu’il apposa sur la main de Verna. Quel homme tout à fait délicieux, se disait-elle. Il serait vraiment agréable pour Verna de compter pareil individu parmi ses alliés ou amis.
Elle finit par se rassoir aux côtés de sa suivante maintenant presque totalement inconsciente puisque le contenu du verre n’était plus. C’est un petit sourire aux lèvres qu’elle se repencha vers Glanael, attendant qu’il finisse de se gorger d’alcool ou qu’il ne dise être prêt à partir.