L'habit ne fait pas le savant... [Ision]

La Bibliothèque des Lumières. Lieu de connaissances, cathédrale des savoirs provenant de toutes parts et de tous temps, forêt de parchemins aux feuilles d'encre, armée d'ouvrages aux reliures alignées par des mains attentionnées et délicates, lignées sans fin d’œuvres au service de la connaissance et de l'apprentissage...
C'était le genre d'endroit que Yersin venait de découvrir... Il voyageait beaucoup, depuis ces deux dernières années, et avait entreprit de découvrir Eridania et ses nombreux trésors comme Thyrhénium ou, dans le cas présent, Hesperia...et sa bibliothèque, dont la renommée dépassait largement les simples limites de la ville. Il s'y était déjà rendu quelques fois auparavant mais ne pouvait s'empêcher de rester émerveillé devant un tel concentré de connaissances. Il y avait de quoi remplir ici plusieurs centaines de fois un cerveau de connaissances aussi variées que l'apprentissage de la couture à l'art de la guerre en passant par les récits d'aventuriers oubliés depuis longtemps ou bien les recettes de cuisines les plus appréciés des Blublus de Noathis... En somme, le paradis pour un Eclari avide de connaissances tel que le jeune Sindarin.

Celui-ci aurait pu rester des heures, farfouillant d'étagère en étagère, s'enfonçant dans les tréfonds de ce labyrinthe dont les rayons atteignaient pour certains des hauteurs vertigineuses... Mais ce n'était pas le hasard qui le menait en ces lieux et il avait un but précis. Bien qu'il ne sache pas encore s'il pourrait trouver les réponses à ses questions avant le coucher des soleils...Quoique...Ce n'était pas le temps qui lui manquait après tout...

Non, s'il était là c'était dans un but précis: trouver de quoi approfondir ses connaissances sur la physiologie des différentes races peuplant le monde...et améliorer de ce fait son contrôle sur les hormones...Car il existait un nombre incalculable de ces substances, aux rôles variés et dont certaines étaient aussi caractéristiques d'une espèce que d'autres pouvaient les affecter toutes... Il s'agissait là d'un domaine des plus intéressants pour le jeune Sindarin qui espérait bien pouvoir améliorer sa théorie avant de passer à la pratique... Le problème étant justement cette dite pratique...car s'il était facile de s'entraîner à converser avec les animaux de toutes sortes, il était plus...délicat de jouer avec les hormones d'untel ou d'untel sachant qu'on ne pouvait prévoir ses réactions, ses dons potentiels ni même l'effet des modifications apportées -c'était d'ailleurs l'une des raisons ayant poussé Yersin à se rendre à la Bibliothèque des Lumières, ayant essayé d'endormir un Terran il s'était retrouvé, par il ne savait quel miracle, avec une...une chose enragée sur les bras qui l'avait poursuivie à travers toute la ville avant de s'étaler en plein milieu de la rue, endormi...

C'était donc afin d'éviter à nouveau de telles erreurs -ou du moins de minimiser les dégâts- qu'il s'était rendu ici, espérant trouver son bonheur. Mais pour trouver, il allait devoir y passer du temps. Beaucoup de temps. Car, bien qu'un semblant d'ordre ai été observé dans le rangement des livres, il n'y avait aucune indication quant au contenu de chacun...et le simple coin consacré à la médecine était d'une immensité à en décourager plus d'un. Mais le moment n'était pas aux plaintes! Non!

Retroussant ses manches et posant son manteau sur une chaise en contrebas -mais gardant toujours un œil dessus et son arme à portée de main, il était confiant mais pas idiot- il avait commencé ses recherches avec la patience d'une fourmi, feuilletant ouvrage par ouvrage, apprenant milles choses en même temps grâce à sa mémoire et à sa capacité d'apprentissages phénoménales. Quelques temps plus tard, couvert de poussière, il avait déniché un épais livre à la reliure de cuir craquelée par le temps et qui classifiait les ressemblances et différences entre les différentes espèces qualifiées alors de pensantes du monde connues jusqu'alors -Sylphides, Terrans et Sindarins-, avec quelques annotations sur les Yorkas... Cet ouvrage devait être bien vieux, il était bourré de préjugés et d'idées reçues démenties depuis longtemps, et ne considérait même pas les Yorkas comme des êtres intelligents, chose qui heurtait Yersin au plus haut point...mais c'était ce qu'il avait trouvé de mieux pour le moment...

Cependant, chose étrange, certaines pages semblaient avoir été arrachées violemment, et le livre tout entier semblait sur le point de se disloquer... Outré par un tel comportement -qui avait osé maltraiter ainsi un livre- il descendit vivement de l'échelle sur laquelle il était et se dirigea posa le livre sur la table à côté de laquelle était posé son manteau. Il constatait les dégâts quand un petit bonhomme chauve -un Terran, probablement la cinquantaine, certainement gardien ici- s'approcha de lui, le prenant par l'épaule, les yeux flamboyants de colère:

"Je vous y prends, à massacrer mes livres!" Commença-t-il, hors de lui, attirant l'attention de quelques personnes qui lisaient tranquillement un peu plus loin. "Vous pensez peut-être que parce que cette Bibliothèque est grande, personne ne vous verra si vous arrachez quelques pages à un livre centenaire que personne ne lit? Qu'allez-vous faire avec, les vendre peut-être? Les brûler pour vous chauffer cette nuit? Ce n'est pas parce que cette Bibliothèque est ouverte à tous que des gamins comme vous doivent se croire tout permis!"

Se faire accuser injustement d'abîmer sciemment un des objets qu'il respectait presque autant que lui-même et se faire traiter de gamin par un homme certainement plus jeune que lui -car bien que relativement jeune, il avait quand même 60 ans- voilà qui n'était pas pour plaire à Yersin, qui garda cependant un calme souverain lorsqu'il répliqua:

"Je ne suis en rien responsable des actes que vous m'imputez, Sire. Je venais justement de constater les dégâts causés par quelqu'un d'autre à cet ouvrage et regardait s'il ne manquait aucune autre page à ce pauvre manuscrit. J'aime les livres au moins autant que vous et ce malgré mon jeune âge, répliqua-t-il, passant une main dans ses cheveux et révélant ses oreilles pointues jusqu'alors dissimulées par sa longue chevelure -voilà qui devrait remettre le bibliothécaire à sa place-, et je vous prierais d'éviter d'accuser sans preuve Sire, cela pourrait vous poser quelques problèmes si vous vous précipitez trop.


Apparemment, le calme et l'assurance de celui qui s'était avéré être un Sindarin avaient rassuré le bibliothécaire, mais être remis à sa place de la sorte semblait lui avoir déplût fortement... Et il avait l'air prêt à le faire savoir...

Il semblait que la chance ne l'avait pas abandonné. Pas encore du moins. Car la situation aurait pu mal tourner-on ne rentrait pas dans les plumes d'un bibliothécaire...même s'il était plus jeune et plus petit que vous...surtout si on était dans SA bibliothèque- si personne n'était intervenu. Or cela avait été le cas: un homme, richement vêtu dans un camaïeu de bleu, un livre sous le coude et visiblement assez...ennuyé -voire carrément pas content du tout-... et avait pas sa seule arrivée calmé le bonhomme énervé. Sa prestance, sa présence, son habit, tout montrait l'homme important qu'il était et la réaction de l'archiviste seule suffit à convaincre Yersin de l'importance du nouveau venu qui, bien que petit et frêle, était d'une beauté singulière: cheveux pâles, teint clair, yeux azur du même ton que ses vêtements?

Et après une brève sur le livre que le Sindarin tenait toujours, il se présenta avec la politesse que l'on aurait pu attendre d'un homme à l'air si...aristocratique.

"Yersin Aellyen, pour vous servir, sire Lorindiar. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre intervention. Il aurait été ardu de m'expliquer sans preuve et il semble que l'on soit prompt à juger par ici."

A ces mots, il se fendit d'une élégante révérence peu profondes certes mais exprimant toute sa révérence -on ne contrarie peut-être pas le bibliothécaire en son palais, mais on contrarie encore moins celui qui lui donne des ordres-et reprit, tout souriant-lui, flatteur? Juste un tout petit peu...-

"Quand à cet ouvrage, je dois certes avouer que certains préjugés datent d'un autre temps mais l'auteur malgré ceci a su donner un style particulier à l’œuvre, et ce malgré le fait qu'il ne s'agisse que de simples comparaisons. Quant-à mon intérêt pour des "ouvrages approximatifs" comme vous le dites, il conviendrait plutôt de dire que je me renseigne auprès de toutes les sources disponibles. De la plus précise à la plus vague. D'ailleurs mes recherches commencent à peine, et ma soif de connaissances n'en est que peu étanchée."

Après tout, c'était vrai, il avait certes commencé depuis quelques heures, mais ce n'était rien par rapport au temps qu'il pouvait y passer... Le seul souci pour lui serait de trouver où loger et manger cette nuit... Quoique pousser la chansonnette quelque part devrait bien lui rapporter suffisamment pour dormir dans une auberge miteuse du coin... Au pire, il pourrait toujours négocier avec un cheval dans une stalle... ils étaient toujours très compréhensifs ces animaux quand on savait s'y prendre... Sauf Zaïel, son étalon. Mais lui c'était un cas à part...à moitié mule... et courant dans la nature hors de la ville histoire de ne pas avoir à payer pour une stalle... De toute manière il aurait refusé d'être parqué comme un vulgaire animal de bât. Réflexion faite, il était quart mule, et quart coq...
Mais là, le moment n'était pas à maudire un étalon orgueilleux et têtu. Ni à réfléchir où dormir cette nuit. Non, non, non, il lui fallait se concentrer sur la situation présente et voir s'il pouvait obtenir quelque renseignement utile en rapport à ses recherches. Car il avait bien compris que Ision n'était pas n'importe qui -qui pouvait parler de faire retirer un ouvrage si ce n'est un fondateur, un mécène ou qui que ce soit en étroite relation avec l'établissement?-.

"Mais je pense trouver mon bonheur. Comment pourrait-il en être autrement quand mes recherches s'effectuent dans la plus fameuse bibliothèque du pays? Le plus dur ne serait pas de trouver mais plutôt de ne pas oublier mon but en me perdant dans les méandres sans fin de ce labyrinthe. Mais peut être pourrez-vous m'aidez à me retrouver dans ce dédale de connaissances?"

Tout aurait pu se finir parfaitement si Suenn, chouette malicieuse -et, il fallait l'admettre, assez fatigante par moments- n'avait décidé de venir mettre son petit grain de sable dans cette charmante scène. Jalouse comme une vieille fille, voilà qu'elle s'imposait même quand Yersin conversait avec des représentants du même sexe que lui! Si cette boule de plumes n'avait pas été si mignonne... il l'aurait confié à un quelqu'un -homme ou animal- depuis longtemps... Mais voilà, il n'avait pas pu...

Enfin bref, le fait était que cette fouineuse de chouette avait dégotté une souris aussi grosse qu'elle -si l'archiviste avait su!- et l'avait ramenée, toute fière, au Sindarin. Se posant sur sa tête, rongeur au bec, elle lança un regard qu'on aurait pu qualifier de mauvais vers Ision, ses yeux immenses fixés sur un rival potentiel. Oui décidément, entre un cheval fier comme un coq et têtu comme une mule et une chouette jalouse comme un pou, il était bien entouré.

Poussant un long soupir, il s'excusa d'un ton presque las auprès de son riche interlocuteur:

"Veuillez excuser le comportement de mon familier, Sire Lorindiar. Elle est jeune et n'en fait qu'à sa tête. J'espère que vous ne tiendrez pas rigueur de ses agissements."

Yersin eu un petit sourire. A son service, vraiment? Voilà quelqu'un qui avait bien l'air sûr de lui. Un Eclari de plus. Mais un Eclari à la langue acérée à ce qu'il semblait. Mais aux avis légèrement tranchés. Se noyer dans les méandres des connaissances à porter?
Saluant d'un signe de tête les remarques d'Ision, il ne put cependant s'empêcher de demander d'un air légèrement ironique:

"J'espère donc éviter la noyade Sire, ou du moins ai-je pour espoir dans apprendre le plus possible avant. Mais vous Sire, vous êtes-vous noyé au point de sombrer dans une folie littéraire?"

Mais son petit sourire disparu vite lorsque le ton de son interlocuteur changea radicalement à la mention de sa chouette. Attrapant l'animal il la regarda un instant puis un grand sourire vint s'étaler sur ses lèvres: Suenn avait réussi par il ne savait quel miracle à gober la souris dont seule la queue dépassait désormais de son bec. Mais comment avait-elle donc fait pour avaler cette chose énorme? N'était-elle donc qu'un estomac? Un bref rire le secoua tandis qu'il la posait sur son épaule, préférant finalement prendre la remarque d'Ision sur le ton de la plaisanterie. Chose qui fut confirmée quelques instants plus tard. Avait-il eu donc l'air si effrayé par la remarque pour que son interlocuteur se doive de préciser? Peut-être un instant de mauvaise conscience l'avait poussé à se rattraper... Peu probable, mais il fallait plus que des promesses d'empalement de chouette pour faire peur à Yersin.

Suivant Ision, il passa une imposante porte de fer que celui-ci avait ouverte à l'aide d'un trousseau en sa possession -qu'il n'avait pas lui-même, ce qui laissait bien deviner l'importance d'Ision en ces lieux.
Il se trouvait alors dans une salle immense où siégeaient une multitude d'ouvrages. Suivant les recommandations de l'Eclari qui s'éloignait déjà, il s'empara précautionneusement du livre que celui-ci lui avait signalé mais...mais, il devait bien l'avouer, il n'aimait pas ça. Non il n’aimait pas du tout qu’on le traite comme un… jeune imbécile doublé d’un impotent. Oh bien sûr, il était jeune, manquait cruellement d’expérience, était plein d’illusions et patati et patata…Mais il avait sa fierté et s’il savait accepter l’aide avec reconnaissance, il ne pouvait s’empêcher de tiquer face à une aide dédaigneuse. D’aucun lui aurait assuré qu’il prenait la mouche trop facilement, qu’Ision n’avait jamais eu l’intention d’agir de la sorte ou encore qu’il interprétait mal mais… Yersin devait bien se l’avouer, il se sentait blessé dans son orgueil –chose assez facile quand on est aussi narcissique que lui, me direz-vous.

Mais…il n’est pas aisé d’attaquer le lion en sa tanière. Surtout quand le lion en question à d’une part les clés de nombreux trésors –de connaissances et probablement de biens matériels- et d’autre part d’éventuels pouvoirs plus ou moins terrible. Il va sans dire que la capacité à faire pousser les cheveux serait pour Yersin bien plus favorable que le pouvoir de faire bouillir le sang ou tout autre chose des plus désagréables…et définitives. Mais alors que faire ? Se coucher et regarder l’individu s’en aller d’un pas tranquille ? Répliquer ? Chercher le conflit ? Posant le livre qu’il avait en main, Yersin soupira, balloté par des sentiments contraires. Reposant le livre sur la table, il se tourna vers Ision et l’interpela d’un léger « hum ».

« Je vous prie de m’excuser, Sire mais j’aurais une question à vous poser. Je constate en effet que, contrairement à moi, vous possédez, en plus de clés donnant sur des lieux dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence, de vastes connaissances. »

Se rapprochant de lui, il effectua une légère courbette afin de souligner ses mots. Lui, lécher les bottes ? Voyons, impossible ! Sur ce, il reprit d’un air légèrement gêné.

« C’est donc pourquoi je me permets d’interrompre ainsi vos recherches, dans l’espoir que vous accepteriez de me renseigner. Je sais que votre temps est précieux, mais vous savez la jeunesse est pleine de fougue, et malgré ma soif de connaissance, je dois vous avouer n’avoir pas prévu de m’attarder trop longtemps en ces lieux. D’où ma requête : j’aurais voulu savoir s’il vous était possible de me conseiller directement, si c’est en votre pouvoir, quelques ouvrages traitant des hormones, animales et végétales. Mais dans la mesure où cela ne vous dérange pas, bien évidemment. »

Il finit sa phrase par un aimable sourire aux nuances angéliques, imitant parfaitement l’expression de l’élève studieux venant voir son maître en quête de devoirs supplémentaires.
Par cette intervention il espérait ainsi obtenir plus vite ce qu’il cherchait, tout en engageant la conversation avec Ision ce qui, avec un peu de chance, lui permettrai de se venger de l’arrogant Eclari. Oui il était gamin, puéril même. Mais que pouvait-on attendre d’un Sindarin d’une soixantaine d’années. Après tout, il n’était réellement qu’un gamin. Et eu-t-il été conscient de ses travers il n’en aurait pas changé son comportement pour autant. Laisser les raisonnements simplistes enfantins pour les prises de tête d’adultes ? Voyons, sérieusement ?

Yersin ne put s’empêcher d’esquisser un léger sourire à la remarque d’Ision. Ses bottes assez propres ? Il n’avait qu’à peine commencé pourtant. Il aurait pu lui cirer les bottes et la veste jusqu’au chapeau s’il cela avait été nécessaire, et il n’y aurait pas vu d’inconvénient. Du moins tant que cela lui permettait d’atteindre ses objectifs. Il n’était pas vraiment regardant quant au type de méthode utilisée pour parvenir à ses fins. Et ce n’était pas près de changer.

« On s’en accommode bien pourtant, de la folie, à ce qu’il parait », répliqua le Sindarin d’un ton badin tandis qu’il se déplaçait vers la première étagère désignée par Ision. Il ne fit aucun commentaire de plus, se contentant de prendre les documents indiqués à toute vitesse par l’Eclari. Celui-ci devait avoir certainement tenté de le déstabiliser. Mais c’était sans compter sur les capacités de Yersin. Et c’est donc sans aucune hésitation que le jeune Sindarin rassembla tous les ouvrages dictés par Ision, les déposants sur une table non loin. Il les ouvrit un à un aux pages indiquées, en lisant rapidement le contenu. Bien que les informations ne soient pas directement en relation avec ce qu’il avait imaginé trouver au départ, il devait bien avouer que les idées qu’il piochait là pourraient lui être bien utiles. Sachant qu’il pouvait lui-même inventer de nouvelles hormones, croiser ses inventions avec d’autres déjà existantes et utilisant des phénomènes naturels pourrait se révéler très utile en effet.

Il ne finirait pas sa lecture en quelques minutes, mais les quelques idées qu’il avait déjà trouvées pourraient être intéressantes. Aussi prit-il la décision de les noter rapidement sur un morceau de parchemin froissé qui traînait dans une de ses poches. Il pourrait ainsi y réfléchir une fois au calme. Non pas que la Bibliothèque eut –été bruyante, loin de là. Mais il préférait réfléchir dehors, sous un arbre ou à l’ombre d’un bosquet. Il pouvait ainsi réfléchir à haute voix et même tester ses découvertes sans que personne n’y trouve rien à redire. Enfin sauf quand il testait ses pouvoirs trop près d’une famille de sangliers rendus surexcités par une sécrétion sauvage d’adrénaline. Après ce léger incident –il n’avait jamais couru aussi vite de sa vie, il devait bien l’admettre- il avait appris à prendre ses précautions avant de commencer toute nouvelle expérience : 1/ Vérifier qu’aucun animal plus gros qu’un renard ne traîne dans le coin, 2/ Se tenir près d’un arbre pour pouvoir y grimper en cas de besoin…et 3/ être toujours prêt à courir. Vite.

Reprenant ses esprits, il constata avec surprise qu’il avait griffonné sans s’en rendre compte un sanglier sur le coin de son parchemin. Il n’était certes pas un artiste de haut niveau mais l’animal n’en demeurait pas moins reconnaissable. Bon, cela n’allait pas l’aider dans ses recherches.

Il passa la main dans ses cheveux, petite manie qui lui était propre –peut-être se les couperait-il un jour…peut être- et reprit sa lecture. Il ne répondit pas immédiatement à Ision. Car après tout, il ne savait vraiment pas ce qu’il allait faire. Certainement continuer ses pérégrinations. Ou bien s’installer quelque part. Ou encore retourner chez ses parents. Oh… Non, pas ça… Tout sauf ça… Il ne retournerait chez ses anciens geôliers pour rien au monde. Plutôt se raser la tête et se faire soldat que de revivre cet enfer…
Fronçant les sourcils à ces souvenirs douloureux, il abandonna momentanément sa lecture et se retourna vers Ision.

« Ce que je compte faire ? Voilà une intéressante question. Qui, je dois bien l’avouer, n’a pas encore de réponse… Reprendre ma route serait déjà un commencement. Mais je dois avouer ne pas avoir de but particulier. Vous dites avoir une proposition pour moi ? Vous avez toute mon attention. Vous souhaitez que nous voyagions ensemble, cherchez-vous un compagnon de route ? Un homme à tout faire ? Un garde du corps ? Car je dois vous avouer que je suis légèrement…surpris. Qui viendrait faire une telle proposition à un Sindarin, jeune de surcroit selon les critères de son espèce et qui, non content d’être une franchise proche de l’effronterie, cherche ce qu’il pourrait trouver bien plus facilement ailleurs, dans sa ville natale par exemple ? Vraiment, vous éveillez mon intérêt, sire.»

Il n’avait pas pu se retenir, c’était plus fort que lui. Mais la tentation était trop forte. Et il résistait à tout, sauf à la tentation…